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Sports

Avec les Français qui ont participé au Mondial de sepak takraw

Vingt-deux Français sont partis en Thaïlande pour y disputer la Coupe du monde de ce sport chelou, dans un pays où les joueurs sont professionnels.
Photo www.studiolecarre.com

Fashion Island est un mall comme tant d'autres, dans une zone commerciale grisâtre, à 30 kilomètres du centre de Bangkok. Mais pour Brice, Pierre, Éric et les autres, c'est le Maracanã – ou le Stade de France. Au dernier étage, au-dessus des cinémas, restaurants et autres bowlings, s'est déroulée mi-octobre la King's Cup, la Coupe du monde de sepak takraw. Le sepak takraw est, pour faire simple, une version ultra spectaculaire du tennis-ballon : le principe général est celui du volley, sauf qu'on ne peut frapper la balle qu'avec les pieds, les genoux, la tête ou la poitrine. Pour finir de vous embrouiller : ça se joue sur un terrain de badminton, avec un filet situé à 1 mètre 55 du sol.

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Le sepak, comme on l'appelle, est très populaire en Asie du Sud-Est, surtout en Thaïlande et Malaisie, où les joueurs sont professionnels et les grands matches télévisés. En France on compte, à la louche, 200 pratiquants réguliers. 22 d'entre eux sont partis cette année à la Coupe du monde. Faites le calcul : quand vous jouez au sepak takraw, vous avez une chance sur dix de participer au Mondial. Pierre Bégué, intérimaire de 23 ans et néo-international : « L'hiver dernier, j'en avais marre du foot, je voulais changer… J'ai tapé "sport peu connu" sur Google et j'ai découvert le sepak. Il y avait un club à Toulouse, j'y suis allé et j'ai tout de suite accroché. Un an plus tard je me retrouve à la Coupe du monde ! »

Les joueurs de l'équipe de France écoutent les conseils de leur coach Ayoy. Photo Etienne Ruggeri / www.studiolecarre.com

Pierre est même titulaire lors du premier match de regu, le trois contre trois. Défaite deux sets à zéros face à une équipe du Sri Lanka, « largement prenable » nous assure Brice Polomeni, trois King's Cup au compteur et patron du club de sepak takraw de Toulouse. « Nos trois joueurs disputaient leur première coupe du monde, précise-t-il. Techniquement ils étaient au-dessus mais ils se sont fait bouffer. » Il faut dire qu'ils découvraient les terrains parfaits de Fashion Island, les arbitres officiels et les ramasseurs de balle. « On s'est crispés, sans doute le stress », explique Pierre. Ses potes le décrivent comme un des passeurs les plus prometteurs de l'équipe de France : « J'ai beaucoup joué au foot, en district. J'étais 10, plutôt technique ! Bon je ne suis pas Lionel Messi non plus. »

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La petite bande a disputé, toutes catégories confondues, dix matches, pour une seule victoire, en double. Au passage, on notera que pour sa première participation, l'équipe féminine française a beaucoup souffert : trois défaites en trois rencontres, avec notamment une raclée contre les Japonaises. Avant les points, elles se faisaient passer des petits papiers avec les dispositifs tactiques. Les garçons, eux, « n'ont pas eu de chance au tirage », nous jure Brice. Un adversaire à leur portée, le Bangladesh, a ainsi déclaré forfait pour le dernier match du team event, le tournoi par équipe, façon Coupe Davis. Éric Lagarde, lui aussi débutant à la King's Cup : « On était dégoûtés ! Moi après la défaite contre l'Iran j'étais remonté comme une pendule ! »

Photo www.studiolecarre.com.

« Les Iraniens sont des enflures de première, précise Brice. Pendant l'échauffement, ils viennent dans ta moitié de terrain. Ensuite ils sont hyper arrogants… Et comme ce sont des pros ça va à toute vitesse. » Moment de grâce pour la France quand un débutant rentre sur le terrain, enchaîne les services « un peu pourris » et met trois aces. « Ça a dû les perturber ! », rigole encore Brice qui, sur le banc, se prend alors pour un Pascal Dupraz ou un Diego Simeone du sepak.

Officiellement les Français n'ont pas le droit de crier, du banc, des tribunes ou d'ailleurs. La Thaïlande est en deuil national depuis la mort du roi Bhumibol, quelques jours avant la King's Cup. Lors du briefing de début de tournoi, les organisateurs précisent que les manifestations de joie « excessives » sont cette année interdites. Une consigne très respectée le premier jour… Un peu moins par la suite. « C'était quand même moins bruyant que d'habitude, c'était spécial », raconte Renato, l'attaquant star de l'équipe de France, qui disputait sa huitième King's Cup. En plus de la minute de silence quotidienne, les organisateurs ont raccourci la cérémonie d'ouverture. « En général c'est bien relou, donc on était plutôt contents de ne pas rester une heure et demi debout en rang d'oignons devant les fanfares », raconte Brice, qui a eu « bien les boules » en découvrant que le gala de clôture était lui carrément annulé. « C'est sympa ce gala, on rencontre les autres joueurs… Et on mange bien surtout ! » Autre désagrément : il était plus difficile, cette année, de trouver de l'alcool dans les épiceries de Bangkok.

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Un joueur effectuant un roll spike à savoir un ciseau retourné. Photo Etienne Ruggeri / www.studiolecarre.com

C'est peut-être la mort du roi, quasi dieu en Thaïlande, qui a perturbé les joueurs thaï : brassards noirs au bras, ils ont perdu en double contre les Philippins… Et dans le team event, l'épreuve reine, ils se retrouvent de nouveau en grande difficulté face à leurs rivaux de toujours, les Malaisiens. Brice a trouvé une place en tribune pour admirer les services surpuissants et les roll spikes (ciseaux retournés) des stars de la discipline. « Les Thaïs sont menés tout le premier set, ils reviennent à la fin et gagnent sur une erreur d'arbitrage. Rebelote au deuxième set. Ça rend fou le président de la fédération malaisienne, il quitte la salle. Les joueurs le suivent et laissent tomber alors qu'il restait deux matches. Et tout ça filmé en direct à la télévision ! » Dans les gradins, les Français tirent la gueule : ils comptaient bien profiter du spectacle.

« En regardant les meilleurs et en affrontant des équipes supérieures, on a quand même beaucoup appris. Après une compétition comme ça les gars reviennent mort de faim à l'entraînement », positive Brice. « On avait un coach malaisien qui nous a donné beaucoup de conseils, en termes de placement, de tactique », ajoute Pierre. Les Français savent donc ce qu'il faut bosser : la défense.

La finale de la Coupe du monde entre la Thaïlande et la Malaisie. Photo Etienne Ruggeri / www.studiolecarre.com

Il faudra sans doute aussi améliorer le système de sélection nous explique Patrick Laemmel, président de la Fédération française de sepak takraw : « ce ne sont pas les meilleurs qui se sont déplacés mais ceux qui étaient disponibles et qui pouvaient payer les 600 euros d'avion. On a fait le compromis de faire jouer tout le monde. L'an prochain on fera des sélections au mois de juillet. Et en octobre on emmènera en Thaïlande un groupe plus restreint… Et plus compétitif ! » En espérant gratter une ou deux médailles en deuxième division. « Ça nous est arrivé certaines années, nous dit-on. Ce n'était pas toujours très mérité d'ailleurs ! »