Le cri d'amour d'un supporter du Stade français

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Le cri d'amour d'un supporter du Stade français

Après l'annonce de la fusion avec le Racing 92, un amoureux du club parisien nous a envoyé son témoignage, entre amour et rage.

A l'âge de 6 ans, mon père m'a emmené pour la première fois sur un terrain de rugby, dans le club où il a toujours joué, « dans sa famille » comme il avait l'habitude de me dire. Au départ, faire mumuse avec un ballon ovale ne m'étais pas naturel, tant les rebonds sont capricieux et les règles de ce sport parfois difficiles à appréhender. Mais petit à petit je m'y suis fait et aujourd'hui, cela fait 23 ans que je joue au rugby, en Fédérale 3.

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Deux ans après mes débuts en poussins, mon père m'a offert une place pour l'accompagner voir jouer la Stade français dans le vétuste stade Jean-Bouin. Je me souviens bien de mes grands yeux écarquillés en voyant ces rugbymen aux gabarits si impressionnants pour un gamin de huit ans. Depuis je n'ai fait que squatter les travées du stade, à chaque rencontre, épris de cette équipe, de ses joueurs et bien sûr de son légendaire président Max Guazzini qui a su faire renaître ce club.

Le titre de 2004 après la victoire face à Perpignan. Photo Reuters.

Je me souviens encore, adolescent, m'incruster sur la pelouse de Jean-Bouin au coup de sifflet final, pour aller gratter un autographe ou une photo avec les de Villiers, Dominici, Liebenberg, Juillet, Hernandez, puis les Plisson, Danty et Bonneval pour ne citer qu'eux. Mes héros.

Vêtu du maillot du club, j'ai été de presque toutes les campagnes, à mesure que je devenais un homme, avec en point d'orgue ces grandes finales au Stade de France, à communier avec les autres supporters du Stade français, et la France du rugby, pour fêter les boucliers de Brennus (2000, 2003, 2004, 2007)

L'espace de quelques années, entre les saisons 2009-2010 et 2014-2015, j'ai été moins présent à Jean-Bouin, déçu des résultats de mon club, mais cela ne veut en aucun cas dire que j'aimais moins mon Stade français. Au contraire. Peut-être seulement le besoin de souffler un peu alors que cette histoire d'amour me prenait beaucoup de mon temps et de mon énergie.

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Et puis est arrivé Gonzalo Quesada qui a adoubé une génération de titis parisiens formés au club. Quel bonheur de les voir vaincre Clermont et soulever un nouveau Brennus. J'espérais secrètement revoir mon club en haut de la hiérarchie du rugby français pour de longues années. Mais les lendemains ont été difficiles : 12e la saison dernière, 12e cette saison jusqu'à ce coup de couteau en plein cœur, survenu lundi 13 mars.

Ce jour-là, Thomas Savare, successeur de Max Guazzini à la tête du Stade français, et Jacky Lorenzetti, président du Racing 92, ont annoncé la fusion des deux clubs. Comment cette idée a-t-elle pu germer dans les têtes des deux présidents ? Pourquoi ne pas en avoir parlé aux joueurs ? Aux supporters ? Cette fusion viserait, selon le communiqué, à « mettre en commun » les ressources deux clubs « pour faire face aux défis de la performance et de l'éducation », mais aussi, sûrement, à créer un poids lourd du Top 14. Mouais, je ne suis pas convaincu car les deux formations parviennent à rester dans l'élite du rugby français, malgré les difficultés, malgré une concurrence toujours plus féroce, grâce, notamment, aux jeunes formés au club, et à tous les salariés qui oeuvrent au quotidien. Et puis les deux derniers vainqueurs du Top 14 sont les deux clubs franciliens…

2015, l'ultime titre de champion de France qu'aura remporté le Stade français dans son histoire. Photo Reuters.

Je suis à fond derrière les joueurs parisiens qui s'insurgent devant cette fusion. J'ai envie de poser quelques petites questions à Thomas Savare et Jacky Lorenzetti. Et l'amour du maillot dans tout ça ? Et l'attachement à un club qui a su nous apporter des souvenirs rugbystiques indélébiles ? Et le respect des couleurs putain ? Allez-vous pouvoir regarder dans les yeux les Plisson, Slimani, Bonneval, Burbans, Gabrillague, et tous les autres formés au club, qui n'ont connu qu'un seul écusson dont ils étaient éperdument attachés ? Tout est parti en fumée ce lundi 13 mars.

Cela fait aujourd'hui 21 ans que je pousse derrière le Stade français et tout s'arrêtera à la fin de cette saison. Messieurs Lorenzetti et Savare, il ne faudra pas compter sur moi pour venir supporter votre nouvelle équipe, peu importe où elle joue et peu importe ses résultats. Tiens je repense spontanément à votre derby francilien, soi-disant formidable argument marketing qui devient aujourd'hui un funeste blague. Pfff…

Je suis envahi par une tristesse teintée de rage car mon club va disparaître. Mais il y a bien une chose que vous ne pourrez jamais vous approprier : la formidable histoire du Stade français et de ses soldats.

A tous les acteurs qui ont fait renaître puis vivre le Stade français : merci pour tout !