Tonya Harding, la white trash du patinage américain
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Tonya Harding, la white trash du patinage américain

Surdouée des patinoires, l'Américaine n'a pas eu la carrière qu'elle espérait. Dans l'imaginaire, son nom est plus associé aux accusations d'agressions et à sa sextape qu'à ses triples axels.

Durant trois mois et à raison d'un article par semaine, la rédaction de VICE Sports vous fait découvrir les truands du sport. Des hommes et des femmes issus de différentes disciplines, dont le talent certain est éclipsé par leur comportement sur et en dehors des terrains, des courts, des parquets et mêmes des greens. Des arnaqueurs, des séducteurs, des aboyeurs, des méchants qui ont des penchants pour la picole, la drogue ou les crasses en tout genre.

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Violences et sextape. Un cocktail détonnant que l'on pourrait retrouver facilement dans le football, la boxe ou tout autre sport de bonhommes testostéronés. Sauf que là, ça s'est passé dans le milieu très feutré du patinage artistique. Féminin en plus. Une affaire rocambolesque qui aura marqué à tout jamais ses protagonistes et notamment la principale intéressée dans cette histoire : Tonya Harding. Aujourd'hui synonyme aux Etats-Unis de malfaisant, manipulateur et versatile, c'était en 1994 un nom qui scintillait au firmament de l'olympisme américain. Avec une histoire de soap opéra comme seul le pays de l'oncle Sam sait en produire. Tonya Harding est née en 1970 à Portland dans une famille plus que bancale avec une mère alcoolique qui la bat. Diane Rawlinson, son premier entraîneur dans les années 80, résume bien les débuts de l'enfant prodige : « Le patin pour Tonya, c'est le moyen de sortir du ruisseau. Elle habite dans une maison de location atroce. Personne ne s'occupe d'elle. Elle n'a aucun repère. Tonya n'aurait rien dans la vie si elle n'avait pas le patin » . Et pour éviter d'en rouler pour gagner sa vie comme la plupart de ses copines, elle préfère les chausser et se consacrer entièrement à sa nouvelle passion.

1989, elle monte pour la première fois sur le podium du championnat des Etats-Unis, à la 3ème place. 1991, elle devient enfin championne nationale en réalisant ce que personne n'avait réussi à faire avant elle : un triple axel. Cette figure qui consiste à sauter et réaliser trois tours et demi en l'air (et évidemment à bien se réceptionner) est l'une des plus dures à réaliser. Elle entre dans la légende et les médias s'intéressent à elle. Elle retente cette figure aux Jeux olympiques d'Albertville en 1992, se loupe, chute, mais finit tout de même médaille de bronze. Pas grave, les Jeux de Lillehammer en 1994 seront les bons…

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Tonya Harding y fait figure de favorite et porte sur ses épaules les espoirs de la délégation américaine de patinage artistique. Mais une affaire change la donne. Juste avant les Jeux, le 6 janvier, Nancy Kerrigan, autre espoir du patinage US, est agressée, frappée avec une barre de fer et blessée au genou après un entraînement. Elle doit déclarer forfait pour les championnats des Etats-Unis qualificatifs pour les JO qui se tiennent quelques jours plus tard.

L'enquête démontre que l'entourage de Tonya Harding, son mari et son entraîneur, sont dans le coup. Tonya Harding clame son innocence, arguant qu'elle n'y est pour rien. Mais les médias s'en mêlent, la fédé américaine est acculée et doit exclure Harding de l'équipe olympique pour la remplacer par Kerrigan qui bénéficie du coup d'une dérogation exceptionnelle. Menaçant d'aller en justice, Tonya Harding est réintégrée dans l'équipe olympique et les deux patineuses sont finalement de l'aventure norvégienne dans un climat délétère. Nancy Kerrigan, dont la blessure se révèle bien moins grave que prévu, repart avec l'argent et les lauriers tandis que Tonya Harding finit à une piteuse 8ème place (après avoir recommencé son programme à cause d'un lacet cassé, un signe), la vindicte populaire en plus.

C'est le début de la descente aux enfers pour celle qui finalement plaide coupable de l'accusation de complot pour éviter les poursuites judiciaires et d'être radiée à vie. Elle écopera tout de même de 500 jours de travaux d'intérêt général et 110 000 dollars d'amende. Les médias se sont emparés de l'affaire, c'est « la Belle » contre « la Bête », la magnifique brune Kerrigan qui deviendra une habituée des émissions télé, la reine des défilés Disney et d'évènements caritatifs contre la mauvaise fille Harding, blonde mal coiffée et moins jolie. C'est là tout le manichéisme de cette histoire qui se révèlera être une aubaine pour le patinage artistique en mal de notoriété. Les audiences télé le prouvent : sur CBS, le programme libre dames des JO est le sixième programme le plus vu de l'histoire de la télévision américaine avec 46 millions de téléspectateurs. L'opinion américaine s'est passionnée pour ce duel et les galas de patinage se sont ensuite multipliés. Les affaires « ont quadruplé lorsqu'est survenu l'incident » avoue Tom Collins, propriétaire de la tournée Champions On Ice.

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Une affaire finalement bonne pour le patinage. Beaucoup moins pour sa principale protagoniste Tonya Harding qui ne se relèvera jamais de cette histoire. Les JO de 1994 seront sa dernière compétition. Dans un documentaire sorti plusieurs années plus tard, Harding est revenue sur cette histoire avec des mots qui résument bien l'antagonisme : « C'était une excellente patineuse. J'étais une excellente patineuse. Mais elle était traitée comme une vraie reine. C'était une princesse, et moi un tas de merde. » Tonya Harding aurait voulu être traitée d'égale à égale avec sa concurrente. Mais manque de bol, dans l'Amérique des années 90 qui se cherche toujours des héros et des histoires de princesses, sa rivale était beaucoup plus jolie et attirait bien plus l'œil des sponsors, qu'elle gagne ou qu'elle perde.

Tony Harding refera parler d'elle plus tard avec une sextape, la vidéo de sa nuit de noces avec son ex-mari Jeff Gillooly (l'agresseur de Kerrigan), vendue 200 000 dollars à Penthouse sans son accord (c'est ce qu'elle dit). Une vidéo qui fera les beaux jours des premiers pas d'Internet et qui sera même considérée comme la première sextape d'une célébrité, bien avant Pamela Anderson ou Kim Kardashian.

En 1994, elle fait une apparition dans un gala de catch. Elle s'essaie ensuite à la musique avec un groupe The Golden Blades qui ne fera qu'une seule apparition sur scène. Elle se cherche et cherche surtout à payer les factures qui s'amoncellent. Tonya découvre alors la boxe à l'occasion de l'émission américaine Celebrity Boxing où elle met une tannée à Paula Jones (célèbre pour avoir accusé Bill Clinton d'harcèlement sexuel). L'émission est nulle, s'arrête au bout de 2 épisodes mais Harding se découvre une nouvelle passion. Elle devient professionnelle en 2003. Mais là encore, les choses ne se passent pas exactement comme prévu entre annulations de matches, menaces de mort, résultats frauduleux et surtout une image de paria qui finalement continue de lui coller à la peau. Finalement, elle mettra un terme à sa carrière officiellement à cause de son asthme.

Aujourd'hui Tonya Harding revient sous les projecteurs grâce à un biopic qui lui est consacré : I, Tonya, dont la sortie est prévue en 2018. Son rôle sera joué par Margot Robbie, la Harley Quinn de Suicide Squad et la femme de Leonardo di Caprio dans le Loup de Wall Street. Y a pire pour interpréter une nana « aux cheveux bonds frisottés, mal fagotée, qui vivait dans les mauvais quartiers »…

Nancy Kerrigan, elle, participe cette année à la version américaine de Danse avec les Stars. La petite chérie de l'Amérique continue de capitaliser sur un fait divers qui a 23 ans. Ce qui ne l'empêche pas de vivre des drames, comme si le destin lui faisait payer ces années passées dans le rôle de princesse des patinoires : troubles alimentaires, six fausses couches en huit ans et la mort de son père, tué par son frère en 2013. Sordide. Mais promis, cette fois-ci Tonya Harding n'y est pour rien.