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Sports

Les culturistes ont trouvé un nouvel endroit pour comparer leurs pecs : Instagram

Plongée dans la communauté des bodybuilders instagramos qui ont un centre d'intérêt partagé : leurs corps.
Capture d'écran.

Des rangées de muscles perpétuellement bandés, des veines qu'on dirait sur le point d'exploser, des pecs gonflés à bloc. Les bodybuilders ont fait d'Instagram leur réseau privilégié pour discuter de leur centre d'intérêt principal : leurs corps. Chez eux ou dans des salles de sport anonymes, ils prennent en photos le fruit de leur travail quotidien, se montrent en vidéo en train de soulever de la fonte, se partagent des conseils nutrition, postent des images avec des citations comme sur ton Skyblog de lycéen, pour se donner de la motivation. Tout ça en #nofilter ou presque.

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C'est finalement assez peu étonnant que les culturistes se soient appropriés une plateforme de partage d'images. Plus qu'un sport, le bodybuilding est une discipline fondée sur l'esthétisme. Le but n'est pas de développer sa masse musculaire pour être le plus gros boeuf de la salle de gym, mais de conquérir une harmonie dans son développement musculaire par l'effort physique, le contrôle de l'alimentation et le repos. Le culturisme n'est pas de l'haltérophilie, donc en compétition, les participants sont jugés sur des critères uniquement esthétiques. Le jury attribue des points en fonction de leur développement musculaire. L'image a donc un intérêt primordial dans la discipline.

Mais qui dit partage d'image dit-il forcément compétition ? Dans une discipline fondée sur l'apparence, n'y aurait-il pas plus d'aigreur, plus de compétition, plus de jugements que la normale ? On a tous bitché derrière nos écrans sur les photos de profil de connaissances. Est-ce que ce ne serait pas la même chose chez les culturistes, puissance 1000 ?

Kévin a 28 ans, dont six dans le culturisme, et il assure que non. «Entre vrai compétiteurs et athlètes il y a du respect car tous savent ce qu'il faut faire pour se présenter. » Par "se présenter", comprendre participer à des compétitions. Son compte Instagram est un mélange de photos de son corps, de compét' et de ses menus d'ascète. Un compte qui donne le sentiment d'une vie dédiée 24/24 et 7 jours sur 7 au culturisme.

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Pour lui, plus qu'une communauté culturiste sur Instagram, il y a «une communauté réunie autour du fitness, de la musculation, que ce soit en amateur, en compétiteur et même des gens spectateurs, qui aiment ce monde sans pratiquer ». Pour Kévin, le partage de photos n'implique pas de concurrence malsaine : « _Cela permet à beaucoup de s'identifier à un idéal vers lequel tendre. _»__ En gros, plus qu'un frein, la comparaison aux autres dans le culturisme est une motivation. Kévin avoue tout de même qu'il y a quelques critiques de temps en temps de _«gens peu intelligents, mais ceux-là on les retrouve partout _»__.

Robeos s'est lancé dans le culturisme depuis deux ans (_«pour me sentir mieux dans mon corps, à l'époque je pesais quinze kilos de moins _»), et partage régulièrement des photos de son corps et de son entraînement. _« Je les partage pour recevoir des avis et des likes d'autres utilisateurs »._ À son niveau encore débutant, il ne voit pas de compét' malsaine. Les hashtags où se retrouvent principalement les passionnés du muscle français ? #fitfrenchies ou #frenchaestheticsrevolution.

Le compte French aesthetics revolution peut d'ailleurs se vanter d'avoir plus de 21 000 abonnés et un slogan poing-dans-ta-gueule : «Plus qu'un sport, un putain de style de vie ! »Son fond de commerce : le repost de vidéos et de photos qu'il considère les plus impressionnantes, de citations pour booster la motivation et de sortes de memes, à l'humour qui semble réservé aux adeptes du "tout pour mon corps". Un genre de 9gag alternatif qui nourrit la mentalité culturiste. Les vannes sont à base de glorification de l'effort, de références d'initiés. Avec parfois aussi de petits relents machistes. Étonnant quand on s'aperçoit que le monde du culturisme se confond parfois avec celui du fitness, et n'est donc pas si masculino-centré que ça.

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Ces "memes culturistes" produisent parfois des trucs étranges. «Les ruptures donnent des bodybuilders », peut-on lire sur une image d'un autre compte : c'est un peu triste, un peu drôle et un peu embarrassant à la fois. _«Ne compte pas les jours, fait que les jours comptent _». On est souvent dans le «_No pain, no gain _»__: on n'a rien sans peine.

Derrière le compte French aesthetics revolution : Shadow, 30 ans. Malgré son nombre d'abonnés conséquent, il trouve la communauté culturiste française encore un peu timide, en comparaison avec les bodybuilders et les fous de fitness américains. Voir des photos d'autres culturistes ne le démotive pas : « Au contraire, ça peut motiver ou foutre la rage. Dans les deux cas, il y a une exploitation positive de cette énergie pour évoluer. »

Il insiste sur ce point : en tant que culturiste, il s'inspire des physiques d'autres bodybuilders stars (il cite Brian Buchanan, Frank Zane, Serge Nubret) pour essayer de réunir des caractéristiques qui correspondent à son idée de la « perfection esthétique ». Et les guerres d'égos ? « Ça a toujours existé, même avant les réseaux sociaux. Ça s'est juste accentué avec leur arrivée.»

Les culturistes ne seraient-ils donc pas plus obnubilés par l'image et son partage que l'utilisateur lambda d'Instagram ? Pour Shadow, « pas plus que Mr. Tout-le-monde qui a un beau costume ou mademoiselle qui a une belle coiffure ». Sur le réseau social, on est plutôt dans une sous-culture de passionnés qui se reconnaissent entre eux plutôt que dans une course effrénée à l'hypertrophie. Hashtag fit family.