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Comment les Jays ont (un peu) tué les Expos

Le brasseur Labatt, alors propriétaire des Jays, n’aimait pas que les matchs les Expos, commandités par la bière O’Keefe, soient diffusés sur son territoire.
Photo : Resolute/Wikimedia

Tout comme de nombreux fans des Nordiques ont refusé obstinément de changer d'allégeance pour le Canadien, il reste d'irréductibles partisans des Expos pour qui encourager les Blue Jays n'est simplement pas une option.

Depuis quatre ans maintenant, l'organisation torontoise sollicite le marché montréalais dans le cadre de matchs préparatoires au Stade olympique. Sur le plan quantitatif, l'événement est un franc succès : pas moins de 90 000 spectateurs ont franchi les tourniquets l'an dernier. Pour la prochaine édition, plus de 76 000 billets ont déjà été vendus. Mais sur le plan qualitatif, il est impossible de considérer la masse imposante comme une véritable foule partisane des Jays.

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Ce n'est pas la partisanerie qui fait déplacer les Montréalais et les Montréalaises au Stade olympique lors de ces matchs printaniers. C'est plutôt la nostalgie : ils permettent de revivre une activité familiale disparue de Montréal avec les Expos en 2004. Ou encore, c'est l'espoir, celui de retrouver un jour leurs Amours perdus. Demandez au commun des spectateurs présents avant le match de vous nommer deux lanceurs des geais bleus et vous en aurez la preuve.

Depuis qu'ils sont devenus l'unique formation canadienne du baseball majeur, les Jays ont le champ libre pour accaparer le marché montréalais. Ils tentent de faire leur nid au Stade olympique. Une opération de charme qui passe mal aux yeux de certains fans.

Si certains fans des Expos trouvent aberrante l'idée de se convertir aux Jays, ce n'est pas en raison de la rivalité naturelle entre le Québec et l'Ontario. C'est plutôt parce que la formation torontoise a eu une certaine influence sur le départ des Expos.

Le livre Calling the Game: Baseball Broadcasting from 1920 to the Present relate bien ce moment névralgique dans l'avenir des Expos, juste avant la naissance des Jays en 1977.

Les Expos se portent à l'époque très bien, en grande partie grâce aux lucratifs contrats médiatiques qui permettent aux chaînes de radio et de télé de tout le pays de suivre le club. L'arrivée des Jays vient diviser le marché, mais les Amours continuent d'avoir beaucoup de succès. Au plus fort de la course aux séries de 1979, d'autres médias se rajoutent et paient de gros sous pour obtenir les droits de diffusion des derniers matchs de la saison des Expos.

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En 1984, pas moins de 35 chaînes anglophones relaient leurs matchs, incluant un seul poste sur le territoire québécois.

Un succès pancanadien qui laisse évidemment un goût amer dans la bouche des Jays, concession appartenant à la tout aussi amère bière Labatt. La compagnie n'aime évidemment pas que les matchs les Expos, commandités par la bière O'Keefe, soient diffusés sur son territoire. L'organisation torontoise s'est plainte aux bureaux de la ligue, évoquant un article leur donnant le droit exclusif de télédiffuser des matchs dans un rayon de 80 kilomètres carrés de leur domicile. La ligue leur donne raison, et c'est à partir de ce moment que les déboires financiers des Expos ont débuté.

Bien d'autres facteurs expliquent le départ des Expos : le Blue Monday de 1981, les départs de Pedro Martinez et autres Vladimir Guerrero, sans oublier la théorie voulant que Bud Selig et Joffrey Loria aient comploté en coulisses pour la fin des Expos.

Mais, chose certaine, le destin des Expos était intimement lié à celui des Blue Jays. D'autres moments historiques retraçant la relation entre les deux clubs de balle se trouvent dans le livre Blue Jays 1 Expos 0: The Urban Rivalry That Killed Major League Baseball In Montreal. L'auteur du livre détermine une autre date charnière dans la mort des Expos : le 5 décembre 1990.

À ce moment, les deux équipes se trouvent dans une situation semblable tant sur le plan financier que celui de la compétition. D'ailleurs, le Stade olympique est souvent pris comme cible pour expliquer la mort des Expos, mais le domicile des Jays, le SkyDome, a aussi connu sa part de problèmes. Tout comme celle du Big O, la facture du SkyDome était gigantesque : 600 millions, un total estimé à 300 % du coût initial prévu. Sur le terrain, les Expos viennent de conclure la saison avec 85 victoires, et les Jays avec 86. Les deux équipes misent sur plusieurs bons jeunes, et l'avenir semble prometteur des deux côtés.

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Les geais bleus vont toutefois devancer les Expos en effectuant une importante transaction qui leur permettra quelques années plus tard d'atteindre une étape jamais franchie par Montréal : la Série mondiale.

Toronto met la main sur les vedettes Roberto Alomar et Joe Carter, qui propulsera ensuite le coup de circuit procurant un deuxième championnat consécutif aux Jays.

L'année suivante, en 1994, Montréal croit enfin avoir la chance de répliquer à ses rivaux de la Ville Reine.

La franchise montréalaise voit toutefois son rêve de championnat se buter à un bête arrêt de travail, qui provoquera l'annulation de la saison, alors qu'elle trônait au sommet du classement des ligues majeures.

À partir de cet instant précis, le destin tragique du baseball à Montréal semble déjà scellé.

Sept ans plus tard, la ligue procède à un vote parmi les propriétaires de la ligue pour réduire de deux le nombre d'équipes dans le circuit, en éliminant notamment les Expos.

Les Blue Jays de Toronto avaient alors l'occasion de voter contre, ne serait-ce que symboliquement, dans un élan de solidarité pour son jumeau canadien. L'organisation aurait aussi pu choisir de simplement s'abstenir, mais elle vote pour le départ des Expos.

Trois ans plus tard, lors de la dernière semaine d'activités du calendrier de la MLB, les Jays et les Expos se retrouvent une dernière fois à New York. Les Jays perdent leur dernier match contre les Yankees. Au même moment, à l'autre bout du Subway, les Expos s'inclinent face aux Mets. Les Jays auront la chance de se reprendre l'année suivante, les Expos non.