Fary* (22 ans), étudiant en mode
Ma famille sait sans le savoir. Dans les familles arabes, notre fléau, c’est les tabous. Du coup, tant que c’est pas verbalisé, y’a pas de problème. Mais si t’assumes et que les gens commencent à parler, les problèmes commencent. Mes parents (surtout ma mère) accordent malheureusement beaucoup d’importance au regard des autres. D’un côté, j’aimerais pouvoir être moi-même à 100% avec ma famille, mais de l’autre, je suis heureux de pouvoir préserver ma vie privée et je trouve ma liberté ailleurs que dans le cercle familial.J’ai du mal à conjuguer ma foi et mon identité, car rester religieux alors qu’on te promet l’enfer parce que t’es comme t’es, ça demande beaucoup de force et de conviction. Je ne me sens pas rejeté, mais plutôt masqué, pas représenté. Après, la communauté LGBTQ+ a aussi ses torts. En tant que rebeu gay, t’es direct assimilé à des clichés ; t’es un fétiche pour beaucoup. On te dit aussi très vite : “Tes parents en pensent quoi ? Parce qu'on sait que c’est compliqué chez vous. On t’a pas mis dehors ?”.« J’ai du mal à conjuguer ma foi et mon identité, car rester religieux alors qu’on te promet l’enfer parce que t’es comme t’es, ça demande beaucoup de force et de conviction. »
C’est déjà assez compliqué d’être queer avec l’homophobie que tu te bouffes depuis toujours, mais quand tu combines ça à l’islamophobie, ça peut faire trop. En soi, je reste un homme, donc je ne vis pas aussi fort l’islamophobie que mes sœurs ; mais on peut dire que l’homophobie que je vis compense. »« La communauté LGBTQ+ a aussi ses torts. En tant que rebeu gay, t’es direct assimilé à des clichés ; t’es un fétiche pour beaucoup. »
Rim* (20 ans), étudiante en droit
Si ça ne tenait qu'à moi, je dirais que mon identité et ma foi sont compatibles. Perso, ma foi est bel et bien là. Cependant, ma religion interdit une chose qui ne définit pas nécessairement qui je suis, mais qui fait partie de moi ; une chose que je n’ai pas choisie. Mon naturel m’ouvre les portes de l’enfer, mais ça n'a jamais freiné l’amour que j’ai pour cette religion. C’est un peu une guerre dans ma tête. Ma famille est au courant depuis peu, mais comme dans beaucoup de familles d’origines africaines, quand quelque chose est tabou, on fait comme si ça n’existait pas. Sauf que dans les regards, on lit la déception, la peur, la tristesse. Iels l’ont appris par accident, et cet événement a juste confirmé leurs soupçons. Dans l’ensemble, ça s’est mieux passé que ce que j’imaginais. Je suis toujours chez moi, je sens juste que l’ambiance est un peu amère. C’est trop calme. J’ai l’impression qu'à tout moment, un imam va venir m'exorciser ! Je connais le cœur de mes parents ; iels m’aiment, je n’en doute pas, mais iels aiment Dieu avant tout.« Mon naturel m’ouvre les portes de l’enfer, mais ça n’a jamais freiné l’amour que j’ai pour cette religion. C’est un peu une guerre dans ma tête. »
Sur le point mental, c’est dur de décevoir sa famille, vraiment. Je me sens égoïste de vivre ma vérité, car elle détruit les gens que j’aime le plus. J’ai tenté de mettre fin à mes jours plusieurs fois parce que je ne peux pas changer et devenir la jeune fille que ma mère voulait. Mais avec le temps, je me suis dit que ma mission était de prouver que peu importe nos croyances, notre identité ne devrait pas être un frein. Et que vivre sa réalité malgré les autres est possible. J’espère sincèrement que mes parents réussiront à le tolérer, car je ne veux pas m'en éloigner. »« Avec le temps, je me suis dit que ma mission était de prouver que peu importe nos croyances, notre identité ne devrait pas être un frein. Et que vivre sa réalité malgré les autres est possible. »
Iliass* (21 ans), étudiant en commerce
Le plus difficile, c’est pas les autres ; c’est d’accepter que les gens n’ont pas à dicter notre vie. C’est d’un jour se lever, se bouger et s'affirmer, prendre sa place dans une société qui ne cessera jamais de nous pointer du doigt ; c'est résister aux insultes, aux clichés, aux remarques, aux envies suicidaires… C'est se lever chaque jour en se demandant si aujourd'hui je rentrerais à la maison sain et sauf, même si les marques les plus douloureuses restent celles dans nos têtes. Faire semblant tous les jours, jouer à un jeu, ne pas vivre sereinement, avoir toujours une boule au ventre et le cœur brisé. L’homosexualité n’est pourtant qu’un petit aspect de ma vie parmi tant d’autres. Quand quelqu'un utilise des mots forts pour nous descendre, je peux te jurer qu'on reste debout et qu'on encaisse. Mais le soir, quand tout ressurgit, tu ne peux en parler à personne. Au final, à quoi bon ?« Je me sens toujours rejeté par ma communauté, mais j'ai appris à voir la religion autrement. »
Tout ce chemin était difficile, je ne sais pas ce qui m'a fait tenir et je ne sais pas ce qui me fait encore tenir. Sûrement ma foi ? Ma foi me donne aussi de l'espoir quand je pense à demain. Je sais qu'un jour viendra où les gens s'accepteront et des témoignages comme le mien n'existeront plus. J’aurais peut-être 30 ans à ce moment-là, ou peut-être 89 ? Qu'importe, j'espère que ce jour viendra. »*Noms d’emprunt. Leurs noms sont connus de la rédaction.Dans le livre Habibi: het lief en leed van lgbt-moslims (les joies et les peines des musulmans LGBT NDLR.), l'anthropologue et écrivain Wim Peumans s'entretient avec les personnes musulmanes queer de Belgique et des Pays-Bas qu'il avait interviewées 10 ans plus tôt dans le cadre de sa recherche doctorale. VICE Belgique est sur Instagram et Facebook. VICE France est sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.« Le plus difficile, c’est faire semblant tous les jours, jouer à un jeu, ne pas vivre sereinement, avoir toujours une boule au ventre et le cœur brisé. L’homosexualité n’est pourtant qu’un petit aspect de ma vie parmi tant d’autres. »