« En 98, j’avais un an » : on a vu la  finale à Bondy, avec la « génération Mbappé »
Photos: Iorgis Matyassy pour VICE FR

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coupe du monde 2018

« En 98, j’avais un an » : on a vu la finale à Bondy, avec la « génération Mbappé »

La ville natale du buteur star retransmettait le match au stade Léo-Lagrange. L’occasion d’une grande fête populaire – et d’un hommage à la jeune gloire locale.

À Bondy, on ne plaisante pas avec le foot. Isaac, jeune Bondynois d'à peine trois semaines, a déjà le maillot bleu et blanc de l’Equipe de France. Et sa tante, Fatika Hammoum, raconte les rêves qu’elle a pour lui : « Dans 20 ans, c’est lui qu’on regardera jouer. ». Et ajoute, hilare : « C’est même lui qui nous paiera le billet ! ».

Il faut dire qu’ici, on vit cette finale de la Coupe de la monde d’une façon particulière : Kylian Mbappé, la nouvelle star de l’équipe de France, est un enfant de la ville. C’est dans cette commune du 93 qu’il a chaussé ses premiers crampons. Son père, Wilfied Mbappé a longtemps été l’entraîneur de l’AS Bondy, le club de foot local. Alors, la mairie a fait les choses en grand, ouvrant grand les portes du stade Léo-Lagrange, où le match est retransmis sur écran géant. Deux heures avant le coup d’envoi, une centaine de supproters sont déjà devant les grilles du stade. A 16 heures, les portes s’ouvrent et c’est toute une « génération Mbappé » – qui vient d’avoir 19 ans – qui se précipite dans l’enceinte pour chopper les meilleures places, récupérer un drapeau français ou se faire maquiller le visage en bleu-blanc-rouge.

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« On était voisins. On a grandi avec Kylian » – Omar Hammidi

Parmi les spectateurs, beaucoup connaissent personnellement la star de l’équipe de France et du PSF. Ainsi, Omar Hammidi, vient lui aussi des quartiers nord de Bondy, comme la famille Mbappé : « On était voisins. On a grandi avec Kylian. Ça fait plaisir de le voir au sommet ». À ses côtés, une bande de jeunes Bondynoises opinent du chef : « Quand il a commencé à jouer, on parlait déjà de lui. La mairie organisait souvent des compétitions de foot entre les écoles et…c’est lui qui faisait gagner sa classe ! ». Clairement, ici, presque tout le monde connaît Mbappé ou quelqu’un de sa famille.

Quelques minutes avant le coup d’envoi, Athmane Airouche, le président de l’AS Bondy, prend la parole. En vrai showman, il propose à la foule d’envoyer un message en direct à Kylian MBappé : « Kylian, il y a 5 ans, tu étais au club, et aujourd’hui tu es en finale de la Coupe du monde. J’ai deux-trois amis qui sont venus regarder le match avec moi… ». Il tourne son téléphone pour filmer le public en délire. La ville souhaite bonne chance à son petit prodige.

Peu à peu, au moins un millier de personnes se sont installées sur la pelouse synthétique du stade. Des familles, des bandes de potes, des très jeunes, des vieux… Tout le monde se mélange. Les animateurs, en T-shirt bleu, font répéter à l’assemblée un clapping spécial équipe de France. Au moment de taper dans les mains, tout le monde crie « Bleus ! ».

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La Marseillaise retentit. Et la foule se lève et chante avec force. Kylian Mbappé apparaît à l’écran et on sent une vague d’émotion. Mais les premières minutes sont dures, et dans le stade bondynois, la tension est palpable. Personne, ou presque, n’ose chanter ou les encourager. Tout le monde retient son souffle. Quand soudain le premier but – croate, contre son camp – délivre la pelouse. « Qui ne saute pas n’est pas Français, hey ! Hey ! », bondit un groupe de trentenaires ivres de joie. Mais l’égalisation rapide vient casser la dynamique. « Tout est à refaire. C’est trop bête », regrette une mère de famille, déçue.

Cindhiya, 26 ans, est venue voir le match avec ses cousines. Elles sont divisées entre le camp des optimistes et des pessimistes. Oliyor – team pessimiste – s’empêtre tout à coup le pied dans un chewing-gum. « Peut-être que ça va nous porter chance », se mettent-elles à rêver. En cette après-midi de finale, tout sonne comme un signe.

Les Bleus souffrent. Et Bondy avec. À chaque pointe de vitesse de Mbappé, le coeur du stade s’emballe et reprend espoir. L’arbitre siffle un penalty après une main dans la surface de Perisic. Tout le monde se lève et sort son téléphone pour immortaliser le moment. Griezmann a marqué ! Les cornes de supporters font la fête et les enfants sautent partout.

« Nous organisons des tournois de foot pour les enfants du quartier. Un jour comme ça, c'est beaucoup de fierté pour nous » – Bala, responsable de l'association des parents immigrés de Bondy

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C’est la mi-temps. On ouvre les arroseurs automatiques et on se précipite vers les buvettes solidaires. Les mères de famille ravitaillent les supporters avec des crêpes faites-maison au sucre et à la confiture.

Bala, la quarantaine, supervise l’opération. C’est lui le responsable de l’ACEFEPI, une asso’ de parents immigrés, qui gère la buvette : « Nous organisons des tournois de foot pour les enfants du quartier. Un jour comme ça, c'est beaucoup de fierté pour nous », dit-il avec sérieux.

Le patriarche connaît tout le monde ici. Mais il n’y a pas que des Bondynois qui sont venus voir le match. On croise aussi des Franciliens et des Parisiens. « On est venus avec des amis de Montreuil, de Romainville, du 9-3. Ici, on est bien plus tranquille que sur les Champs-Elysées », raconte une ancienne enseignante de 65 ans. Beaucoup sont venus tout spécialement parce que c’est la ville de Mbappé.

Le match reprend. Les Bleus sont toujours aussi fébriles. Mais ils assurent la contre-attaque. Et marquent un nouveau but. Puis, à la 65e minute, Mbappé frappe à 20 mètres et assène le dernier but de la France.

« 10- 9 - 8 - 7… ». L’ambiance monte dans le stade avec le compte à rebours. C’est fait. Avant même le coup de sifflet final, la pelouse explose de joie. On balance les confettis, la foule se met à sauter, danser et chanter. « La - la - la - la - on est champions du monde ! » On se regarde, incrédules et fous de joie. Une chanteuse sud-africaine, en robe bleue, vient assurer le spectacle avec un tube d’occasion : Don’t believe and just watch.

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Sur la pelouse noire de monde, c’est la liesse. On sort les perches à selfies, et on se presse vers les directs des chaînes d’infos. Les familles dansent, les jeunes exultent de vivre la deuxième étoile. « En 1998, j’avais un an. Là ça pète : on est champions du monde ! », conclut une adolescente Bondynoise.