Paolo Di Canio, le footballeur facho

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Paolo Di Canio, le footballeur facho

Durant sa carrière, l’attaquant italien était capable du pire comme du meilleur. Mais on retiendra avant tout son bras tendu face aux supporters de la Curva Nord de la Lazio Rome.

Durant trois mois et à raison d'un article par semaine, la rédaction de VICE Sports vous fait découvrir les truands du sport. Des hommes et des femmes issus de différentes disciplines, dont le talent certain est éclipsé par leur comportement sur et en dehors des terrains, des courts, des parquets et mêmes des greens. Des arnaqueurs, des séducteurs, des aboyeurs, des méchants qui ont des penchants pour la picole, la drogue ou les crasses en tout genre.

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Une Coupe de l'UEFA en 1993 avec la Juventus Turnin et un titre de champion d'Italie en 1996 avec le Milan AC à son palmarès, soit un CV séduisant mais pas fou non plus, en tout cas pas de là à ce que les gens connaissent votre nom. Pourtant, derrière ce parcours respectable se cache un nom connu de tous les fans de foot : Paolo Di Canio. Le problème c'est que l'attaquant italien n'a pas accédé à la célébrité pour les bonnes raisons. Di Canio est un joueur de football plutôt talentueux, mais surtout résolument fasciste. Le genre qui fait des coucous à ses supporters ultras avec le bras tendu. Enfin, selon lui, c'est un « salut romain »… Pratique quand on est devenu un joueur emblématique de la Lazio Rome.

Né à Rome en 1968, Paolo Di Canio est un fils des Biancocelesti. C'est avec le maillot bleu de la Lazio qu'il fait ses grands débuts en pro, en 1985, à 17 ans. Il y reste 5 ans avant de se balader en Italie, en passant par Ternana Calcio, la Juve, le Milan AC, Naples, puis de s'envoler pour la Grande-Bretagne où il joue pour le Celtic Glasgow, Sheffield Wednesday, West Ham ou Charlton. Un exil britannique de 8 ans d'où il ramène un "titre" de meilleur joueur du championnat écossais en 1997 et rien d'autre, à part peut être une expulsion qui fait du bruit. En 1998, Di Canio est à Sheffield Wednesday et renverse l'arbitre Paul Alcock après son expulsion lors d'un match face à Arsenal. Il écope de onze matches de suspensions et 15000 euros d'amende. Un joueur impulsif capable aussi de recevoir en 2001 le prix FIFA du fair-play après avoir arrêté une occasion de but suite à la blessure du gardien d'Everton. Double face.

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Photo Reuters.

En 2004, Di Canio retourne en Italie et revient dans la Ville Eternelle en signant à la Lazio. C'est là que l'une de ses faces va définitivement s'imposer. Et ce ne sera pas la plus louable, mais bien la plus sombre. Le 6 janvier 2005, la Lazio remporte le derby fratricide face à la Roma. Di Canio va saluer ses supporters de la Curva Nord… avec le bras tendu. Il ne s'agit en aucun cas d'une erreur d'appréciation, le joueur italien effectue clairement un salut fasciste. Ce qui aurait pu (au pire) passer pour un geste irréfléchi effectué dans l'ivresse de la victoire se reproduira aux quatre coins de la Botte, contre Livourne ou la Juventus. Di Canio est alors puni par la fédération italienne : 10 000 euros d'amende et un match de suspension. Une petite fessée quoi.

En France, le salut fasciste est interdit dans un stade par l'article L332-7 du Code du Sport. Ce qui n'est pas le cas en Italie. La Lazio décide néanmoins de prendre un peu de distance avec son joueur en martelant le fait que la politique n'a pas sa place dans un stade. Mais Di Canio assume : « Je suis fasciste, mais pas raciste. Je fais le salut romain pour saluer mes camarades et ceux qui partagent mes idées. Ce bras tendu n'est pas une incitation à la violence ou à la haine raciale. » Un peu quand même. Même si c'est faire une généralité que de dire que tous les ultras de la Lazio sont des adorateurs de Mussolini, la Curva Nord n'est pas connue comme étant la tribune la plus ouverte du monde non plus, et les cris de singe à l'encontre de joueurs noirs y sont monnaie courante.

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Di Canio devant la Curva Nord après la victoire de la Lazio dans le derby romain le 6 janvier 2005. Photo Reuters.

Après deux ans dans son club formateur puis deux autres passés à l'AS Cisco Calcio Roma (club dissout en 2001, ndlr), Paolo Di Canio met un terme à sa carrière en 2008. Il se cherche et se dirige finalement vers une carrière d'entraîneur qu'il commence dans son pays d'adoption, l'Angleterre, en prenant les rênes de Swindon Town, modeste club de League Two (D4) qu'il fait monter en League One. Elu Manager de l'année de League Two en 2012, ce succès lui ouvre les portes de la Premier League puisqu'il est nommé en mars 2013 à la tête de Sunderland. Une nomination qui entraîne une vague d'indignation dans les médias anglais qui fustigent le fait qu'un homme à ce niveau de responsabilités d'un club sportif ait des idées politiques proches du fascisme. Une nomination qui entraîne aussi un beau bordel au sein du club puisque David Miliband, le vice-président de Sunderland et ancien ministre des Affaires Etrangères démissionne « au vu des déclarations politiques passées du nouvelle entraîneur ».

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Paolo Di Canio choisit alors de se défendre à la troisième personne sur Sky Sport : « Paolo Di Canio n'a jamais eu aucun problème avec des personnes d'autre culture ou d'autre couleur. Je suis quelqu'un de normal, avec une famille normale, qui respecte la loi. Dans le passé, les choses ont été transformées. J'y ai participé, mais certaines interviews que j'ai données il y a longtemps ont été manipulées. Je ne suis pas un homme politique, je veux seulement être un bon entraîneur pour ce club. » Bancal. Comme son bilan sportif d'ailleurs. Il est débarqué après seulement cinq journées de championnat, zéro victoire et une place de dernier au classement.

Sa carrière d'entraîneur s'arrête brusquement et il décide de se trouver un autre job : consultant télé. Le temps fait son œuvre. Nous sommes alors en 2016, les débordements devant la Curva Nord sont loin et l'image du professionnel s'est lissée et respectabilisée. Ce qui lui vaut même d'avoir sa propre émission sur Sky Sport Italia : Di Canio Premier Show. L'histoire pourrait être belle, la reconversion se passer tranquillement mais Di Canio est rattrapée par ses vieux démons. Ou plutôt un tatouage. Il apparaît manches courtes lors d'une émission et laisse donc entrevoir un magnifique DUX sur le biceps droit. Dux, comme l'origine latine du mot Duce, le Guide, l'un des surnoms de Mussolini. En 2016, contrairement à 2005, les réseaux sociaux s'en mêlent et Twitter s'enflamme. Des milliers d'internautes menacent de résilier leur abonnement à Sky Sport. La chaine est obligée de réagir. Elle s'excuse et vire sur le champ di Canio. Fin de l'aventure télévisuelle.

Aujourd'hui peu de nouvelles de l'ancienne gloire de la Lazio. A part peut être une victoire à la Torrazo Cup de… footgolf dans la catégorie + de 45 ans fin avril. Et sans salut fasciste pour fêter ça.