Photos free party bunker
Toutes les photos sont de Julie Hascoët avec l'aimable autorisation des Éditions Autonomes.
Music

Bunkers et free party : une idée de la fête et de son territoire en photos

Dans son dernier livre, « Murs de l’Atlantique », Julie Hascoët saisit un paradoxe du littoral breton, entre blockhaus inamovibles et teufs volatiles.
Alexis Ferenczi
Paris, FR

Au-delà de son drapeau, la Bretagne est connue pour deux trucs et la photographe Julie Hascoët a depuis longtemps mis le doigt dessus : « On a effectivement beaucoup de bunkers et de teufs le long du littoral », rigole-t-elle. Ici cohabitent les fortifications érigées par la Wehrmacht pour empêcher tout débarquement allié et les free parties, teknivals ou autres sound systems éphémères. « Ce sont deux manières d’occuper le territoire et mon environnement que j’avais envie de confronter par la photographie ». L’une, pétrifiée, à peine remise en cause par l’érosion ou l’ensevelissement, l’autre, insaisissable et tirée vers l’illégalité depuis la loi sur la sécurité quotidienne votée en 2001.

Publicité

Ce territoire, Julie Hascoët le connaît comme sa poche. Née en 1989 à Douarnenez, elle parcourt depuis presque dix ans la région au fil des fêtes technos spontanées qu’elle documente dans un projet tentaculaire. À travers plusieurs fanzines autopubliés, la photographe aborde ce qu’est une « teuf », sa géographie et ceux qui la composent. Dernière pierre apportée à cet imposant édifice ; un livre, Murs de l’Atlantique, sorti avant l’été aux Éditions Autonomes.

Murs de l'Atlantique

© Julie Hascoët

« Pour les free parties, les images qu’on a l’habitude de voir sont celles qui sortent dans la presse locale et qui servent les éléments de langage de la préfecture de police », confie Hascoët à VICE. « Ce qui m’intéressait, c’était de faire un pas de côté ». Et d’installer un dialogue entre ces murs. « D’un côté, un agglomérat hyper démontable de caissons, de camions et de bâches qui se déplacent comme une opération guérilla, de l’autre, une architecture de guerre et un patrimoine super lourd. Pourtant, il y a des choses que l’on peut relier : l’imaginaire militaire, le motif camouflage qui revient… »

Ces fêtes, que Julie Hascoët décrit dans son ouvrage comme un « nous informe et désœuvré, passablement dégommé, composé de je qui s’oublient et s’annulent, massés dans l’illégalité », sont aussi le prolongement d’une vieille coutume : « On réactive, distraitement, une pratique millénaire, une tradition rurale : performer la table rase. Des heures durant, des danses frénétiques, des transes collectives, sans se parler. »

Publicité
unnamed-4.jpg

En septembre 2021, un rapport d’Amnesty dénonçait l’intervention des forces de l’ordre quelques mois auparavant lors du teknival de Redon. L’ONG de défense des droits de l’homme critiquait vertement les méthodes employées par la gendarmerie pour disperser les festivaliers de cette free party en Ille-et-Vilaine. Jugées « ni nécessaires, ni proportionnées », elles laissaient sur le carreau plusieurs dizaines de personnes blessées ainsi qu’un jeune homme à la main arrachée.

« Je n’ai pas connu la free party à la fin des années 1990 et au début des années 2000 mais les potes qui en faisaient partie et qui continuent d’y aller sont unanimes : il y a beaucoup plus de répression qu’avant », abonde la photographe. « Ils sont même atterrés de voir comment les choses ont pu évoluer ; si l’étau se resserre, c’est peut-être que ces fêtes gênent l’État. »

Murs de l'Atlantique 3.jpg

© Julie Hascoët

Si le livre est une forme d’aboutissement, Julie Hascoët n’en a pas terminé avec son sujet. « Moi, je viens avant tout pour faire la fête, rappelle la photographe. Ce n’est pas un exotisme. Je ne suis pas présente comme un reporter en safari ou un corps étranger. J’ai l’impression de documenter cette scène et cette communauté de l’intérieur, de manière sincère ». Et de conclure dans un rire : « De toute façon, la fête en aura marre de moi à un moment donné ».

Publicité
unnamed-9.jpg
unnamed-8.jpg

Murs de l’Atlantique, de Julie Hascoët aux Éditions Autonomes

Les photos sont visibles jusqu’au 18 septembre, dans le cadre de l’exposition Pas sommeil, au FRAC Bretagne, aux Champs Libres et au musée des Beaux-Arts de Rennes et dans le dernier numéro du magazine Mouvement.

VICE France est sur TikTok, Twitter, Insta, Facebook et Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.