Dix jours après les importantes arrivées de migrants marocains dans l’enclave espagnole de Ceuta, le photographe français Hervé Lequeux s’est rendu dans ce petit bout d’Europe. Pendant les deux premières semaines de juin, le photographe a suivi le quotidien de plusieurs groupes de mineurs marocains qui errent dans la ville en attendant de tenter leur chance pour passer sur le Vieux continent.
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Le 17 mai dernier, des milliers de jeunes marocains tentent leur chance par la mer. Leur but, rejoindre Ceuta. Si les passages sont fréquents depuis des années, l’envergure des tentatives de la mi-mai est inédite, les autorités espagnoles parlent de « record ». Les chiffres varient, mais on évoque ici et là l’entrée possible de 8 ou 9 000 personnes dans l’enclave – le tout en moins de deux jours. Deux personnes sont mortes, noyées, en tentant de rallier la rive et concrétiser leur rêve d’Europe. Rapidement, 7 500 d’entre eux sont renvoyés vers le Maroc, d’après le ministère de l’Intérieur espagnol. Restent alors un peu plus d’un millier de mineurs non accompagnés.
Les plus jeunes qui ont réussi à passer, dont certains sont à peine rentrés dans l’adolescence, sont rapidement logés dans des sortes de centres pour mineurs, qui ont très mauvaise presse auprès des jeunes migrants. Pas simple d’aller aux toilettes, nuits passées dans de grands hangars, nourriture infecte… D’autres ont choisi de ne pas s’y rendre et de monter des camps de fortunes sur les plages, dans les montagnes ou encore dans des terrains vagues à l’intérieur des quartiers résidentiels ceutiens.
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Ces derniers ont en règle générale 16 ou 17 ans, et sont souvent accompagnés par quelques majeurs, parfois présents à Ceuta depuis plusieurs mois ou années. Le quotidien de ces petits groupes est répétitif et fait de nombreuses galères. Pour manger, certaines mosquées de Ceuta offrent des petits paniers repas. D’autres comptent sur l’aide des habitants du coin. Sur un parking près de la plage du Benitez, dans la partie ouest de Ceuta, des particuliers ouvrent le coffre de leur voiture, une grosse marmite de couscous posée à l’arrière. Ils distribuent quelques bouteilles d’eau, de maigres collations.
Souvent nés au bord de l’océan à quelques encablures de ce triangle d’Europe, certains passent leur journée à pêcher – avec pas mal de réussite – et improvisent quelques grillades de poissons pour survivre. Au devant des grands supermarchés discount posés près du port, quelques mineurs font la quête. Certains clients donnent des denrées – un peu de pain, des boîtes de sardines. On croise peu d’associations ou d’ONG sur place. Une association venue de Madrid distribue quelques habits et s’enquiert des mineurs en s’engageant à prévenir leur famille en cas de renvoi forcé vers le Maroc.
Avec les locaux, la situation est parfois tendue, bien que les Ceutiens ont l’habitude de voir arriver de jeunes Marocains dans l’enclave – mais jamais dans ces proportions. Dans l’enclave, où le Covid n’a jamais été bien présent, la peur sanitaire crispe aussi l’ambiance. Or, quand l’extrême droite espagnole, du parti Vox, tente de venir faire un meeting pour surfer sur la dernière arrivée de migrants, nombre d’habitants s’y opposent, organisent une contre-manifestation et balancent des oeufs sur l’immeuble où est descendu Santiago Abascal, le président de Vox. Il repartira sur le continent sans avoir tenu son meeting.
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Dans les montagnes qui dominent Ceuta, les jeunes Marocains ont monté des camps de fortune que l’on rejoint à condition de se plier à de longues marches éreintantes. Sur les plages, les campements ne sont guère plus agréables. La pluie froide, les vents violents, les vagues épuisent les corps et les esprits. Certains craquent et repartent vers le Maroc, laissant de côté leur projet d’Europe. Du moins pour le moment. Puisque cet objectif leur trotte dans la tête depuis leur plus jeune âge. Certains disent que leurs parents en parlent depuis leur sortie de l’enfance.
Alors, pour rejoindre l’Europe continentale en traversant le périlleux détroit de Gibraltar, les jeunes essayent d’accumuler un peu d’argent en faisant la manche ou en donnant de petits coups de main dans l’espoir de s’acheter un canoë, dont le prix tourne autour des 250 euros. D’autres, notamment ceux qui campent près du port, tentent inlassablement de se cacher dans les camions ou les bateaux qui font la traversée, à la recherche de leur destin européen.VICE France est sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.
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