FYI.

This story is over 5 years old.

Sports

L’art du combat au hockey

Une spectaculaire orgie de violence malhabile, une bagarre de taverne qui explose au milieu d'un groupe d'adultes professionnels sur une surface glacée.
Photo: Kirby Lee-USA TODAY Sports

Comme j'ai appris à me battre en pratiquant des arts martiaux et appris le hockey de mes parents pacifistes qui révèrent les joueurs talentueux et ne tolèrent que les mises en échec les plus civilisées, je n'ai jamais vraiment compris les bagarres au hockey.

Leur place dans le monde du sport me rend perplexe. Comme dit Mike Myers dans ses sketches Coffee Talk, ce n'est pas vraiment du hockey ni vraiment un combat. Les bagarreurs sont en patins sur une patinoire, mais ne jouent pas officiellement au hockey. Ils font des gestes que l'on voit dans les sports de combat, mais ce n'est pas officiellement un sport de combat. Ce ne sont pas des combats de ruelles non plus. Ils existent quelque part entre le monde du sport et le monde réel, entre le sport dans lequel on les voit et les sports qu'ils imitent.

Publicité

En plus de leur place, je ne comprends pas bien non plus leur intérêt. Ce qu'on m'a inculqué m'a conduit à les voir comme une plaie dans un sport sacré. Du nivellement vers le bas, une grossière façon d'attirer certains amateurs qui n'apprécieront jamais le jeu de finesse, de plus grande importance, comme le génie géométrique de Jacques Plante pour garder les buts.

L'amateur de combat en moi les trouve ridicules. Bien que des joueurs de hockey ajoutent la pratique d'arts martiaux dans leur entraînement, comme les cours de muay-thaï pour améliorer leur équilibre sur patins ou les arts martiaux mixtes pour aiguiser leurs réflexes, peu arrivent à faire preuve d'une technique ne serait-ce qu'à demi décente. Les coups de poing sont mal synchronisés et mal dirigés. Le jeu de jambes est aussi bon qu'il puisse l'être dans n'importe quel combat si on le pratique debout sur des lames sur une surface glissante. Quand les pugilistes s'agrippent par le gilet, ils sont attendrissants comme des ceintures blanches au jiu-jitsu, mais quiconque s'attend à de la technique ou de l'habileté sera déçu.

Mon mari, gardien de but depuis toujours, a passé des années à essayer de me convaincre que je ne regarde pas ces bagarres du bon angle. Ils feraient partie d'un jeu psychologique complexe. Parce qu'il est probablement ce que le hockey de ligue de garage a de plus proche de Sun Tzu, je veux bien lui faire confiance sur ce point. Je n'arrive par contre pas à partager sa vision quand je regarde des matchs.

Publicité

Photo : Sergei Belski-USA TODAY Sports

Bien que je ne trouve pas les bagarres au hockey divertissantes, je commence à aimer les divertissements portant sur les bagarres au hockey. C'est par cette voie que je commence à pouvoir reconnaître les parallèles entre les bagarreurs au hockey et les experts des arts martiaux.

Slap Shot a peut-être fait des bons moments des frères Hanson un spectacle secondaire il y a 40 ans, mais ses héritiers cinématographiques comme Goon (et Goon: Last of the Enforcers, à l'affiche) font des bagarres et des bagarreurs un élément plus central à la fois du film et du hockey. Quand le portier Doug Glatt (Sean William Scott) est arraché à son bar pour participer à une ligue mineure, il fait face aux mêmes défis, leçons de vie et enjeux philosophiques que dans Rocky ou Karate Kid. Il y a certes un peu plus de comédie et de beuveries, mais ça reste un film sur la discipline, la gloire, le combat pour soi-même et pour ceux qui nous sont chers, ainsi que la maîtrise nécessaire pour affronter son ennemi dans le feu de l'action.

On trouve aussi ces idées dans les récits autobiographiques des joueurs eux-mêmes. Par exemple, celui de Kris Draper des Red Wings de Detroit racontant le fameux affrontement du 26 mars 1997 contre leur ennemi juré, l'Avalanche du Colorado, publié dans The Player's Tribune il y a quelques jours.

Mêlant les difficultés de son équipe, son inclination personnelle pour ceux qu'on sous-estime — il l'a lui-même été toute son enfance ainsi qu'à ses débuts dans la Ligue nationale — et le coup de Claude le mieux qui a brisé, en plus de son visage, l'élan de son équipe à la sixième partie de la finale de la conférence de l'Ouest, Draper décrit le complexe besoin psychologique de se montrer à la hauteur, l'anéantissement que cause la défaite et la soif de vengeance pour restaurer son honneur. Dans ce contexte, il analyse la bagarre, un moment de catharsis essentiel pour donner l'avantage psychologique à son équipe, selon lui, mais jamais il ne lui donne plus d'importance qu'à la partie elle-même.

« Exactement 301 jours après que j'ai eu le visage fracassé, mes équipiers m'ont vengé. On était quittes. Mais il y a une chose que les gens ne se rappellent pas : pour les joueurs sur la glace, ce soir-là il n'y avait pas que l'affrontement. C'était le soir où on prouvait qu'on pouvait battre l'Avalanche du Colorado au tableau d'affichage, écrit-il. La bagarre, c'était une chose. Mais la victoire ce soir-là a tout changé. Elle nous a permis de croire qu'on pouvait les battre en séries éliminatoires. On savait qu'on allait les affronter de nouveau dans les finales de la conférence de l'Ouest. On le savait. »

Il est aussi philosophe quand il parle du rôle de la bagarre dans leur victoire en finale de la Coupe Stanley. Et de leurs victoires suivantes en 1998, 2002 et 2008. « Aurait-on gagné la Coupe Stanley sans cette bagarre? demande Draper. Peut-être. Mais je sais qu'elle n'a pas nui. »

La bagarre dont il parle est une spectaculaire orgie de violence malhabile, une bagarre de taverne qui explose au milieu d'un groupe d'adultes professionnels sur une surface glacée. À moins que vous ne vouliez voir que par fascination obscène, chercher la vidéo sur YouTube ne vous mènera qu'à un visionnement décevant. Il n'y a certainement rien dans les altercations physiques qui aura de l'intérêt pour les personnes qui tiennent à ce qu'il y ait de l'art dans les arts martiaux. Mais ces mêmes personnes pourraient aussi percevoir son importance dans le grand ordre des choses. Le combat au hockey n'est peut-être pas du vrai combat, mais il y a un parallèle spirituel entre le bagarreur et le guerrier.

Suivez Sarah Kurchak sur Twitter.