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10 questions que vous avez toujours voulu poser à un stadier du Vélodrome

À la veille du match OM-Lille, on s’est demandé ce que ça faisait de rater toutes les actions parce qu’on doit – forcément - tourner le dos au terrain.
ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Il existe plusieurs catégories de personnes peu valorisées par la société alors qu’au fond, elles rendent vraiment le monde plus sympa. Les serveurs – sans qui tous les restos seraient des buffets. Les ramasseurs de balles de Roland-Garros, sans qui les matchs dureraient trois jours. Et les stadiers – sans qui les tribunes de foot ne seraient que d'immenses champs de bataille.

« Berreta » est de ceux-là. À 34 ans, il est depuis 2010 un de ces hommes en jaune qui veillent à la sécurité du public du Stade Vélodrome à Marseille. Les supporters de l’OM n’étant pas tous des anges, il préfère garder l’anonymat – et à vrai dire, on le comprend. Débarqué dans le métier par hasard, Berreta n’en est pas moins un fervent supporter des Olympiens. Malheureusement, il passe 90 minutes dos au terrain… Les joueurs ne connaissent que leur blouson, mais nous, depuis les tribunes, connaissons leur visage. Et entre deux actions, on a parfois le temps de se demander à quoi ressemble leur vie. Alors on a posé à Berretta 10 questions qui nous turlupinent depuis longtemps.

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1/ Tourner le dos au terrain, ça n’est pas trop frustrant ?
Terriblement. C’est horrible parce que tu vois très bien les supporters frémir, tu sens qu’il se passe quelque chose mais… tu n’as pas le droit de te retourner ! Mon job, c’est d’avoir toujours le public dans mon champ de vision. Au Vélodrome, on est un stadier pour 250 personnes – parfois plus si le match est important et que les tribunes sont pleines – donc, il faut rester attentif.

2/ Est-ce que vous préférez être du côté des supporters de l’OM ou du côté des adversaires ?
Du côté des supporters de l’OM, bien sûr ! D’abord parce qu’on profite de leur ferveur. Ensuite, parce qu’ils me connaissent, ils savent que je suis de leur côté donc j’ai moins de risque de me faire insulter ou de me prendre des trucs dans la tête ! Enfin, je dis ça mais on se fait beaucoup moins insulter que ce qu’on pourrait croire. En réalité, ce sont plutôt les joueurs, le staff et l’arbitre qui prennent cher. Je me souviens d’un Marseille-Lyon où Ocampos avait marqué un but de la tête, mais le ballon avait rebondi près de la ligne et l’arbitre avait refusé le but. Là, les supporters avaient vraiment gueulé parce que but aurait pu nous projeter à la deuxième place du classement. Ce jour-là, on a entendu les insultes fuser dans tout le stade !

3/ Avez-vous déjà croisé, hors du stade, des supporters avec qui cela s’était mal passé lors d’un match ?
Non, jamais. D’abord, je ne me suis jamais battu contre quelqu’un au stade. Les supporters n’en ont pas après nous. S’ils se tapent, c’est plutôt contre le public venu applaudir l’équipe adverse ! Et de toute façon, si ça commence à être vraiment chaud, on appelle les forces de l’ordre. C’est pareil pour les « streakers » : une fois que le mec est sur la pelouse, on n’a pas le droit d’intervenir. Seuls les chefs de poste sont autorisés à entrer sur le terrain pendant une rencontre.

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4/ L’hiver est rude, même à Marseille. Avez-vous une prime quand il fait froid ?
Pas du tout ! C’est compris dans le salaire. On a un cachet par match et en gros, on gagne un peu plus que le SMIC. Mais on peut arrondir les fins de mois en faisant des déplacements avec les kops.

5/ Entre nous, les stadiers ne sont pas toujours 100 % attentifs à ce qui se passe dans les tribunes… Qu’est-ce que vous risquez en cas d’étourderie manifeste de votre part ?
Et bien, une sanction ! Et si on est personnellement fautif, les présidents des clubs jouant ce jour-là peuvent porter plainte contre l’entreprise qui m’emploie ou même contre moi. Ça ne m’est jamais arrivé. Et franchement, ça arrive très peu souvent parce que, lorsque ça part vraiment en vrille, les forces de l’ordre prennent le relais.

6/ Quels sont les projectiles les plus dingues que vous avez vu passer ?
Je crois que c’était des grosses fusées de feux d’artifice. Des vrais trucs de pro ! Pendant les corners, il arrive aussi que certains joueurs soient pris pour cible et évitent de justesse ce genre de projectiles – ou se le prennent en pleine tête. C’était le cas de Neymar, lors du dernier classico. Il a reçu plein de trucs ! C’est pour ça que dans ce genre de match, il y a toujours un policier qui veille, précisément, à ce que le joueur qui tire le corner ne reçoive rien. Moi je n’ai jamais rien reçu - heureusement d’ailleurs. ! Mais j’ai vu passé des pétards, des fusées, des bouteilles…

7/ Redoutez-vous certains matchs plus que d’autres ?
Il y a les classicos, évidemment. Là, il faut redoubler de vigilance. Certains supporters essaient d’entrer avec des barres de fer ou des couteaux, en les cachant dans leurs chaussettes, par exemple. Il faut aussi bien regarder sous les drapeaux et les banderoles des supporters : souvent, les mecs y planquent des fumigènes ou des bombes agricoles.
Mais les matchs les plus tendus sont ceux contre Lyon et Nice car ces deux clubs ont les supporters les plus dangereux. Certains sont vraiment énervés ! Lors d’un match contre Nice, il y a quelques années, le chauffeur du bus niçois n’a pas déposé les supporters à l’endroit prévu et on a eu beaucoup de mal à les gérer. Ils étaient en furie ! Certains ont même commencé à s’en prendre à un de mes collègues. J’ai tout de suite prévenu les forces de l’ordre et elles ont déboulé pour calmer le jeu.
Avant de commencer au Vélodrome, j’ai bossé dans le rugby et franchement, le public est beaucoup plus sympa. Ils sont plus chaleureux, plus fêtards. Et puis, les matchs se jouent plus tôt dans l’après-midi et je pense que ça n’est pas une mauvaise chose…

8/ Est-ce qu’il y a des filles parmi les supporters les plus violents ?
Il y en a, oui, mais c’est rare. Parfois, on voit quelques crapuleuses de quartier, comme on dit chez nous. La plupart des femmes qui viennent au stade accompagnent leurs maris. De toute façon, le public varie beaucoup en fonction des résultats de l’équipe. Si les joueurs jouent comme des chèvres, les tribunes se vident… Il n’y a que les vrais supporters qui sont là à chaque fois – qu’importe le score ou la météo !

9/ Quelle est l’histoire la plus dingue qui vous est arrivée dans un stade ?
Il y a une anecdote que je n’oublierai jamais. C’était lors de ma première saison en tant que stadier, on recevait Rennes et il pleuvait à fond. On nous avait demandé d’arriver avant le match pour enlever toute l’eau qui avait stagné sur le terrain. Quelle galère ! Pour ce match, j’ai fait entorse au règlement et je me suis permis de regarder certaines actions. J’ai vu les buts de Heinz, Niang et Lucho ! On a été sacrés champion de France ce soir-là et ça reste mon plus beau souvenir en tant que stadier.

10/ Est-ce que les hymnes s’invitent dans vos rêves, à force de les entendre si souvent ?
Oh oui ! Surtout ceux de l’Olympique de Marseille : Ils résonnent tous dans ma tête .