Vice - Reda - LOWLIFE (8)
Culture

Plongée dans la lowlife française

Dans son ouvrage « Lowlife », le photographe Reda nous fait découvrir les Français qui pimpent leurs voitures comme le font les chicanos.
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photos Reda

C’est une réalité : en France, les fans de tuning ont souvent l’image de beaufs qui passent leur temps à customiser leurs bagnoles avec des ailerons et des jantes XXL sur des parkings de Super U – des couleurs flashy et une motorisation dopée jusqu'à la déraison. Sans parler de la sonorisation qui dégueule de la techno et de l’electro low-cost.

Mais le tuning peut aussi être un véritable art. Un art venu tout droit du Mexique, puis de Californie : le lowriding, qui consiste à modifier une voiture pour la rendre la plus basse et la plus lente possible. Né au Mexique, à El Paso et Juarez dans les années 30, le lowriding est arrivé aux Etats-Unis en même temps que les travailleurs mexicains. Aujourd'hui, c'est bien plus qu'un hobby mécanique et automobile. C'est un véritable style de vie, qui rappelle aux chicanos leurs origines mexicaines, un prétexte qui rassemble et unit toute une communauté.

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Le cachet des belles rutilantes chicanos a fait des émules en dehors du continent américain. Depuis 10 ans, le photographe Reda, 38 ans, voyage pour voir comment est vécue la culture lowrider en Europe. Il a quitté sa ville de Trappes pour se rendre Allemagne, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, et dans plusieurs villes françaises (Anglet, Annecy, Biarritz, Bourges, Cannes, Clermont-Ferrand, Limoges, Lyon, Mulhouse, Paris, Reims et Vierzon), pour rencontrer les adeptes des voitures stylisées. Aux yeux du photographe le lowriding n'est pas qu'une affaire de mécanique et volants customisés. C'est un véritable style de vie, qu'il entend faire découvrir aux novices dans son ouvrage Lowlife, à paraître en France au mois de septembre.

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VICE : Comment as-tu découvert la culture lowrider ?
Reda : Tout a commencé dans les années 90 grâce à la musique et les clips de certains groupes de rap comme Cypress Hill. J’ai tout de suite été happé par l’esthétique des voitures, mais aussi par les acteurs de cette culture pour qui le lowriding est un style de vie à part entière. J’ai ensuite été fasciné par son histoire et son appropriation.

« Tu peux en trouver dans tous les départements d’Ile-de-France, mais aussi à Anglet, Annecy, Biarritz, Bourges, Cannes, Clermont, Mulhouse et dans beaucoup d’autres villes »

À quel moment t’es-tu dit que tu allais faire un travail photographique et un livre sur le lowriding ?
J’ai commencé à faire des photos lorsque je travaillais dans le milieu musical et au fil du temps la photo a pris le pas sur le reste. J’ai toujours été influencé par la culture urbaine venue de Californie et il m’est apparu naturel de mettre en lumière au travers de mon objectif le monde du lowriding. Le livre est un aboutissement, une trace de toutes les rencontres que j’ai faites. Une manière de rendre hommage à cette culture et à tous les gens que j’ai croisés toutes ces années.

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On découvre dans Lowlife qu’il y a des amateurs en France…
Et ils sont nombreux. Tu peux en trouver dans tous les départements d’Ile-de-France, mais aussi à Anglet, Annecy, Biarritz, Bourges, Cannes, Clermont, Mulhouse et dans beaucoup d’autres villes. Le lowriding se vit en France, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Le but de mon livre est aussi d’ouvrir une fenêtre sur la lowlife en France.

Comment expliquer que des Français soient attirés par cette culture hispano-américaine ?
Je pense que le hip-hop a popularisé le lowriding par le biais de clips d’artistes west coast. Je pense à Cypress Hill bien sûr, mais aussi à Eazy-E, Ice Cube, Tupac, Snoop Dogg ou encore Dr. Dre. Le lowriding est un élément central de la culture chicano, laquelle a voyagé au-delà des frontières américaines grâce au mouvement hip-hop.

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Le lowriding se vit-il différemment en France qu’outre-Atlantique ?
Il est vécu quotidiennement aux Etats-Unis. Les adeptes peuvent le pratiquer tous les jours car la météo et les routes le permettent. Surtout, les pièces dont ils peuvent avoir besoin coûtent beaucoup moins cher qu’en Europe. C’est incomparable. En France, le lowriding se vit le week-end ou lors des rassemblements.

On pourrait résumer le lowriding à du tuning à la sauce hispano-américaine ?
C’est un petit peu plus complexe que ça. Lorsque la communauté américano-mexicaine de Californie du Sud a débuté le lowriding, à savoir rouler avec des voitures basses, il était question qu’elle y injecte ses propres influences à la culture automobile américaine. Ce mouvement est une extension de la coutume culturelle mexicaine appelée Paseo. Les jeunes hommes et femmes se réunissaient en centre-ville pour se « jauger les uns des autres ». Souvent, ces cavaliers locaux paradaient avec leurs chevaux pour épater les filles. Des décennies plus tard, dans les années 50, les voitures ont remplacé les montures et c’est devenu un vecteur de revendication et un signe de distinction vis-à-vis des autres communautés américaines.

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Un signe de distinction qui passe par la customisation des voitures…
Qui passe par des personnalisations complexes, uniques, mais aussi par des peintures et décorations qui rappellent les traditions picturales du Mexique. Pour l’anecdote, les premiers lowriders avaient leurs coffres remplis de sacs de sable. Certains avaient même les spires des ressorts coupées afin d’abaisser au plus près du sol leurs voitures. Mais en 1958, les législateurs de l’Etat de Californie du Sud ont voté une loi rendant illégale la conduite d’une voiture rabaissée au-delà de la partie inférieure des jantes. La même année, la Chevrolet Impala a été mise sur le marché et elle est devenue un emblème du Lowriding. Et puis en 1959, un certain Ron Aguirre a développé des techniques hydrauliques, empruntées à l’aviation, lui permettant d’abaisser et d’élever sa voiture à sa guise à l’aide d’un interrupteur. Il venait de contourner la loi.

« C’est d’abord un échange humain, par exemple lorsque les membres d’un club additionnent leurs compétences pour aider l’un des leurs à construire sa voiture »

En quoi le lowriding est-il un véritable mode de vie ?
Oui, c’est un style de vie qui avec ses codes et ses valeurs qui sont les fondements de cette culture : famille, respect, loyauté, honneur, travail acharné. Un style de vie qui, contrairement aux a priori, place l’individu et non l’individualisme au centre. Dès lors, tu te rends compte qu’on est aux antipodes de ce qui est véhiculé au sein de notre société actuelle.

C’est-à-dire ?
De nos jours, j’ai l’impression qu’on est plus axé sur la performance individuelle et la course aux résultats. Tout doit aller très vite. Les lowriders, eux, doivent s’armer de patience s’ils veulent réussir à personnaliser leurs voitures. Il faut aussi savoir accepter ses limites et apprendre au contact des autres. C’est d’abord un échange humain, par exemple lorsque les membres d’un club additionnent leurs compétences pour aider l’un des leurs à construire sa voiture. Même si le résultat, la voiture – lowrider – ou la moto – Vicla – n'appartient qu'à une seule personne, elle est la somme de plusieurs forces. Ça créé et des liens et après tout le monde se réunit pour partager un repas et échanger sur la vie.

Reda a un site Internet sur lequel une partie de son travail est exposé.

Vous pouvez vous procurer Lowlife sur ce site.

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