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L'incroyable histoire du club de hockey du fils de Staline

Après la mort de son équipe de hockey dans un crash aérien, Vassily Iosifovich Djougachvili a réussi à remplacer tous les joueurs dans le plus grand secret.

Malgré sa courte existence, l'histoire du club de l'Armée de l'Air de la Région Militaire de Moscou reste très intéressante, car, évoluant de 1944 à 1953, année de la mort de Joseph Staline, ce club s'est incrusté au milieu des grosses cylindrées du championnat. Ces années-là sont alors dominées par deux clubs, à savoir le CDKA Moscou (actuel CSKA) et le Dinamo Moscou de Lavrenti Beria, le chef des services secrets. En ce temps, les sociétés sportives puissantes dirigées par des organismes d'Etat se font la guerre sur et en dehors des terrains de football et tout est bon pour battre l'autre tandis que tout est mis en œuvre pour attirer les meilleurs joueurs. Dans cet environnement de requins, le VVS Moscou se trouve un appui de taille, et surtout un nom utile pour le mercato, en la personne de Vassily Djougachvili.

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Le nouveau jouet du Tsarévitch

Selon ses vœux, le dernier-né de l'appareil politique soviétique, le club, doit être confié à Vassily Iosifovich Djougachvili. Ce nom vous dit peut-être quelque chose ? Ce Vassily n'est autre que le second fils de Joseph Staline, parfois appelé le Tsarévitch, le fils du Tsar.

Né au Kremlin en 1921, le jeune Vassily, alors âgé de 11 ans, subit un choc dans sa vie avec la disparition de sa mère Nadejda Allilouïeva, en 1932. Une mort dont les circonstances sont longtemps cachées, son suicide ayant été déguisé en mort des suites d'une appendicite. Il est alors le garçon préféré de son père, celui-ci ayant eu un autre fils de sa première femme, Iakov Djougachvili, envers qui Staline n'éprouve que mépris et colère. Pourtant, durant sa jeunesse, Vassily est un personnage controversé, pour ne pas dire gênant. Fugueur et indiscipliné, le plus jeune fils de Staline est mauvais à l'école et passe plus de temps avec les agents du NKVD chargés de sa sécurité qu'avec sa famille.

A lire aussi : Comment le fils de Staline a façonne le football soviétique

Son père va alors l'inciter à rejoindre l'Armée. Le fiston s'exécute sans réelles convictions en s'engageant au sein de la 16e Division aérienne, où il fait ses classes jusqu'à atteindre le grade de lieutenant-général en 1942. On lui prête quelques victoires dans les airs durant le conflit, mais ce qui va réellement marquer le personnage est sans conteste son attitude caractérielle, pour ne pas dire dangereuse.

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Vassily bat sa femme, boit énormément et se comporte de manière frénétique, jouant du pistolet sur les lustres de sa propre maison et partant pêcher à la mitrailleuse avec ses amis. Pour preuve, l'un de ses complices est mortellement blessé durant l'une de ses escapades. Autre fait d'armes, durant ses six mois de service dans les airs, il pilote son avion sous l'emprise de l'alcool, l'incartade de trop pour ce fils ingérable.

L'armée lui coupe les ailes à la fin de la guerre. Le voilà cloué au sol, bombardé général de corps d'armée. Un poste qui l'amène rapidement à se ridiculiser au cours d'une parade aérienne, causant le crash d'un bombardier après avoir envoyé une escadrille en vol par mauvais temps.

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Comme tout bon fils de dictateur, Vassily a des lubies, dont celle de diriger son propre club de foot. Incapable de briller dans ses fonctions d'officier, il est alors nommé à la présidence du VVS Moscou. Il n'a que 23 ans. Ses intentions sont alors très claires : bâtir une organisation sportive capable de rivaliser avec les clubs de l'élite. Pour cela, il fait construire un complexe sportif à Park Kulturyi, à Moscou, destiné à l'ensemble des sportifs du club, plus de 300 athlètes.

Les premiers résultats ne satisfont pas Vassily qui se met alors à enrôler de force des joueurs pour renforcer ses équipes. C'est le cas en 1948 où, après des résultats en dessous de ses espérances, il décide de recruter toute la première ligne de l'équipe de hockey du Spartak composée de Zdenek Zigmound, Ivan Novikov et Youri Tarassov. C'est également le cas en 1950 avec le gardien de but de hockey du CDKA, Gregori Mkrytchan. Les bons résultats et les trophées coïncident d'ailleurs avec ces arrivées.

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Distribution d'appartements, promotions militaires ou salaires élevés, loin de l'esprit communiste, tout est bon pour attirer les meilleurs joueurs dans le club de Vassily.

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Même topo dans le football, où il enrôle des joueurs tels que Vsevolod Bobrov (à ce moment triple champion d'URSS 1946/47/48, double vainqueur de la Coupe URSS 1945/48 et meilleur buteur en 1945 et en 1947 avec le CDKA), excellent aussi bien en hockey sur glace qu'en football, Yevgeni Babitch (champion d'URSS 1948 avec le CDKA), Viacheslav Tikhonov ou encore Gayoz Dzhedzhelava, un des meilleurs attaquants de l'histoire du football soviétique ayant évolué au Dinamo Tbilissi de 1937 à 1948, forcé à prendre les commandes de l'équipe de 1950 à 1951. Si la plupart des joueurs ont cédé aux avances autoritaires du Tsarévitch, d'autres ont tout de même réussi à tenir tête au fils du Vojd (chef).

Ainsi, en vacances à Kislovodsk, Nikita Simonian voit arriver les aides de camp du Tsarévitch. Ces derniers ont pour ordre de ramener le footballeur à Moscou, chez Vassily en personne. Devant le dirigeant, il déclare : « Vassily Iosefovitch, je vous en prie, permettez-moi de rester dans mon équipe ». Sur ce, Vassily répond : « Vous voyez ! Cet homme m'a dit la vérité. Merci à toi pour ta sincérité et reste donc au Spartak. »

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Quand on connaît la carrière de Nikita Simonian (Champion olympique 1956, 4 championnats d'URSS, 2 Coupes d'URSS avec le Spartak, club dans lequel il reste à ce jour meilleur buteur avec 133 buts en 213 matches), on comprend alors la tentation pour le jeune Vassily de l'enrôler.

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Le désastre aérien de Sverdlovsk

Alors que ses projets pour son équipe de hockey sur glace se mettent en place peu à peu, un événement va venir gâcher ses plans, et pas des moindres. Le 5 janvier 1950, le VVS Moscou se rend à Chelyabinsk pour un match du championnat soviétique de hockey. Les conditions météo forcent l'avion à se dérouter sur l'aéroport de Sverdlovsk, aujourd'hui Ekaterinbourg. Malheureusement pour les pilotes, la météo n'est guère mieux ici. La piste est complètement enneigée et l'aéroport plongé dans le blizzard. Après quatre tentatives d'atterrissage avortées, la cinquième est fatale au Lisunov Li-2 qui termine son vol au milieu des arbres, terrassé par un vent latéral violent. Personne n'en réchappe et le VVS perd alors les onze joueurs présents dans l'avion ainsi que deux membres du staff.

Les tombes des victimes du crash et le mémorial, à Koltsovo dans la banlieue d'Ekaterinbourg wikimapia.org

Aussitôt prévenu, Vassily Staline ordonne que l'on enterre à la hâte les onze corps dans des tombes de fortunes à l'extérieur de la ville. Et bien sûr, motus et bouche cousue dans la presse.

Craignant la réaction de son père, Vassily tente alors l'impensable, cacher cet événement au monde et remplacer les joueurs décédés par de nouveaux, tout ça en une seule journée.

Vassily ne va pas dormir de la nuit, voyant la disgrâce nationale arriver sur lui. L'équipe de Hockey de l'Armée de l'Air, dirigée par un ex-pilote de chasse, décimée dans un accident d'avion. Quelle ironie. Craignant la réaction de son père, Vassily tente alors l'impensable, cacher cet événement au monde et remplacer les joueurs décédés par de nouveaux, tout ça en une seule journée. Par chance, quatre de ses joueurs n'étaient pas à bord de l'avion pour diverses raisons. Le Tsarévitch établit alors à la hâte une short liste de joueurs susceptibles d'être recruté le jour même. Fait incroyable, son entreprise macabre va réussir.

Seulement quelques jours après l'accident, l'équipe du VVS est sur la glace et reprend son championnat comme si de rien n'était, composée majoritairement de joueurs issus des ligues inférieures. Les personnes au courant de la tragédie aérienne n'ont évidemment jamais osé en parler, de peur des conséquences sur leur carrière et leur vie. Il faudra attendre plusieurs années avant que la vérité ne soit révélée au public.

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