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Quand Monica Seles a ravi la première place du classement WTA à Steffi Graf

En mars 1991, la Yougoslave de 17 ans devient la plus jeune n°1 mondiale de l'histoire du tennis féminin, dépassant Steffi Graf, avec qui elle vivra une rivalité aussi brutale qu'épique.
Flickr / C Thomas

Tous les jeudis, VICE Sports revient sur un événement dans l'Histoire du sport qui s'est déroulé à la même période de l'année. C'est Throwback Thursday, ou #TBT pour vous les jeunes qui nous lisez.

C'est une histoire de chiffres. Le 11 mars 1991, une adolescente yougoslave fait l'affront de subtiliser la première place du classement WTA à la reine jusque-là incontestée du circuit, Steffi Graf. Depuis trois ans et demi, soit 186 semaines, l'Allemande règne sur le tennis féminin. Et voilà qu'à 17 ans, 3 mois et deux jours, Monica Seles vient la dépasser. C'est à l'époque la plus jeune joueuse de l'histoire du tennis à accéder à cette place.

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Trois auparavant, la jeune Yougoslave de Novi Sad commençait à peine ses premiers pas sur le circuit pro. A 14 ans. Elle fait partie de ces tenniswomen adolescentes qui ont un jour conquis le classement WTA grâce à l'affront de la jeunesse et l'arrogance de l'insouciance. On est au début des années 1990, Seles est alors considérée comme la "Madonna du tennis féminin" par les médias américains.

Seles est la première vraie cogneuse du circuit, un style d'attaquante puncheuse à deux mains, aussi bien en revers qu'en coup droit, qui fera des émules par la suite. Et puis il y a les cris. Devenus la marque de fabrique de Miss Grunts (Miss grognements), ces gémissements auront déstabilisé plus d'une adversaire, celles-ci se plaignant parfois auprès de l'arbitre des bruits que produit la jeune Yougoslave.

Le 11 mars 1991, il y a donc une petite révolution dans le tennis féminin. La reine Graf, seulement 21 ans à l'époque, laisse sa couronne à une superstar précoce. Seles enchaîne les contrats avec de grandes marques et déclare : « Le tennis n'est pas tout dans ma vie, je me vois bien faire une carrière à Hollywood ». Elle s'entraîne en Floride avec le coach Nick Bollettieri, où, en même temps qu'Agassi, on lui inculque comment devenir une championne. « Comme à Agassi, il lui a appris à gagner 1,50 mètre dans le terrain sur son retour, à trouver des angles fabuleux », se souvient Dominique Bonnot, journaliste spécialiste du tennis féminin et auteure de N'oublie pas de gagner, un ouvrage retraçant les parcours compliqués de différentes championnes.

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Dès la fin des années 1970 il y a eu des petites reines du tennis : en 1979, à 16 ans, Tracy Austin remporte l'US Open. L'année d'après elle devient numéro 1 mondiale, établissant le record qui sera battu par Seles. Dans les années 1990, c'est Martina Hingis, qui, à 16 ans, six mois et un jour, devient la nouvelle détentrice de ce record. En même temps que Seles, une autre adolescente sévit sur le circuit : l'Américaine Jennifer Capriati, les deux jouant parfois en double à l'époque. Elle aussi est une cogneuse de fond de court, et elle aussi a découvert très jeune le monde professionnel, à 13 ans, en 1990. « C'est l'archétype de la gamine qui ramène des milliards grâce au tennis », explique Dominique Bonnot. Comme beaucoup d'enfants-stars du monde du tennis, Capriati a très mal vécu ses premières années sous les projecteurs, au point d'arrêter sa carrière dans un premier temps en 1993.

La starisation d'adolescentes prodiges fait alors fureur. De nos jours, ce n'est plus possible. La WTA a mis en place un système pour limiter le nombre de tournois accessibles par an aux filles de moins de 18 ans, après les cas de burn-out de filles dégoûtées du circuit comme Capriati ou Andrea Jaeger, qui a mis fin à sa carrière à 19 ans. Du côté des hommes, le constat est différent, il suffit de voir le record du plus jeune numéro 1 mondial : c'est Lleyton Hewitt qui le détient, avec ses 20 ans en l'an 2001. Pour des questions de maturité physique, les tennismen adolescents peuvent rarement rivaliser avec leurs aînés.

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Seles en 1998, après son come-back. Photo: EPA

Seles, en 1991, embrassait alors sa célébrité sans arrière-pensée. « Elle n'a jamais eu de crise d'adolescence. C'était elle qui se mettait cette pression pour être au meilleur niveau », se souvient Dominique Bonnot. Elle était un peu en décalage. » Pour preuve, lors de sa première participation à Roland-Garros, elle distribue des bouquets de fleurs au public avant un match. Son adversaire du jour, Zina Garrison, est loin d'apprécier le comportement de Seles, alors âgée de 15 ans. « Mais elle faisait ça sans arrière-pensée, son geste a été mal interprété à l'époque. » Cette année-là, la Yougoslave est allée jusqu'en demi-finale de Rolland, bataillant jusque dans un troisième set avec Steffi Graf, pour le premier affrontement d'une rivalité qui, par la suite, a duré près d'une décennie.

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Seles est resté 21 semaines en tête du classement WTA, avant que Graf ne revienne s'emparer de la première place en août, puis que les deux échangent leurs positions pendant un mois, avant que Seles ne s'installe durablement sur le trône : 91 semaines, de septembre 1991 à juin 1993. L'hégémonie. Entre 1991 et 1993, Seles a remporté sept titres du Grand Chelem et trois Masters.

Ce qui a mis fin à ce règne est l'une des histoires les plus tragiques de l'histoire du tennis. Un pur moment d'horreur sportive. Lors d'un changement de côté pendant le tournoi de Hambourg en juin 1993, Seles se fait poignarder avec un couteau de cuisine dans le dos par Gunther Parche, un fan dérangé de Steffi Graf présent dans le public qui veut que son idole redevienne numéro 1 mondiale. L'homme n'a écopé que de 2 ans de prison avec sursis, avec l'obligation de suivre des soins psychiatriques. Seles s'en est sortie sans trop de séquelles physiques, la lame n'ayant pas atteint sa colonne vertébrale. Mais les séquelles psychologiques sont là. Et Graf a repris la première place du classement, comme l'agresseur de la Yougoslave l'avait voulu.

Monica Seles est revenue sur le circuit en 1995 après deux ans de dépression qui se sont traduits par des troubles alimentaires compulsifs. « Elle avait pris du poids, et était mentalement fragile, explique Dominique Bonnot. Le circuit l'avait oublié. Elle, pensait qu'elle était chez les Bisounours. » Elle souffre alors de binge-eating, mange de manière compulsive en cachette. Après ce retour, elle remportera son dernier Grand Chelem en 1996 avec l'Open d'Australie, mais sa rivalité avec Graf ne sera plus la même. Finalement, c'est l'Allemande qui aura pris le meilleur sur l'Américano-yougoslave (Seles fut naturalisée en 1995) au fil de la décennie, 10 à 5 dans leurs confrontations. Un duel de styles, le classicisme de Graf face à la hargne de Seles. Mais une rivalité qui a un peu laissé les fans de tennis sur leur faim : que se serait-il passé sans le drame de Hambourg ? « Après la rivalité Navratilova-Evert des années 1980, on pensait qu'on aurait droit à la suite avec Seles-Graf, estime Dominique Bonnot. Et puis on a été privé de ça. Seles aurait mérité mieux. »