Nong Rose, le ladyboy aux genoux d'acier

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Nong Rose, le ladyboy aux genoux d'acier

On a retrouvé Nong Rose, le premier combattant transgenre autorisé à se produire dans un des plus vieux stades de Thaïlande.

Le muay thaï a la particularité d'éclipser les stars les unes après les autres au fil des années et des combats. C'est ainsi que, comme tant d'autres, Nong Rose est tombée dans l'oubli, après avoir terminé sa carrière sur une belle victoire à Bangkok. A l'époque, elle faisait pourtant partie des grandes figures de la discipline, sur lesquelles on faisait de grandes opérations de comm'. Elle était entrée sur le ring dans une tenue de femme avant de s'imposer, ce qui ne l'avait pas empêchée de disparaître des écrans radars par la suite. Car la carrière des combattants de muay thaï est ainsi faite : le succès les détruit souvent plus qu'il ne les épanouit.

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En Thaïlande, vous pouvez rencontrer des milliers de combattants et rencontrer la future nouvelle star de la discipline au coin de la rue, mais il est difficile de se faire une place au sommet. Heureusement pour elle, Rose a été repérée par le promoteur OneSongchai, qui s'y connaît en organisation de combats, et qui a cru en elle et en sa capacité à ne pas décevoir les parieurs qui se massent autour des rings du pays. Autant dire que ces qualités n'ont rien à voir avec son statut de transgenre : Rose est avant tout une putain de bonne combattante, connue pour sa force physique impressionnante, le coeur qu'elle met dans ses combats et sa capacité à se préparer mentalement aux affrontements. Clairement, Rose est une guerrière de grande valeur, mais elle est pourtant considérée dans le milieu comme une combattante lambda que OneShongchai aurait réussi à monter en épingle en la surnommant « don de Bouddha ». Il faut bien reconnaître que OneShongchai est l'un des promoteurs les plus efficaces et les plus connus du pays depuis 20 ans maintenant.

La dernière fois que j'ai rencontré Rose, c'était il y a deux ans. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Elle vient d'être diplômée et affiche une longue chevelure qui fait sa fierté. Elle a décidé de se concentrer sur le muay thaï et de mettre sa carrière universitaire en stand-by. Mais alors, pourquoi avoir disparu des rings pendant plus d'un an ? Rose refuse d'en discuter, mais les rumeurs disent qu'elle a reçu 100 000 bahts, soit un peu moins de 3 000 euros, pour déserter les salles de combat. Mais apparemment, elle n'aurait jamais touché ce pactole.

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En Thaïlande, les revenus de la billetterie, des sponsors et des paris sont généralement divisés entre le propriétaire de la salle et les combattants à 50-50. Mais quand un des combattants annule le combat, le propriétaire ne peut pas prétendre à plus de 30-40%.

Quoi qu'il en soit, les raisons qui ont poussé Rose à arrêter le muay thaï restent obscures. Mais après des mois de négociations et des rumeurs de retour du prodige dans son village natal, loin de Bangkok, Rose est bel et bien de retour puisqu'elle a combattu dans la région de l'Isaan, dans le nord-est du pays, histoire de se remettre en jambes. OneShongai, également connu sous le nom de M. Song, est devenu le manager de Rose et lui a demandé d'arrêter d'accepter des combats dans des petites salles paumées, loin des strass de Bangkok. Rose s'est exécutée avec grand plaisir puisque cela signifiait de décrocher à nouveau des contrats plus juteux, car ses combats seraient filmés et retransmis à la télé. Rose est d'ailleurs très appréciée des médias thaïlandais, où elle a été invitée pour de nombreuses émissions. C'est là qu'elle a hérité de ce surnom qui la poursuit aujourd'hui encore, qu'on a traduit et reformulé ainsi : « Le Ladyboy aux genoux d'acier ».

Rose a donc fait son grand retour à Bangkok en mars dernier, avant de remporter le titre lors d'un tournoi organisé par ThaiRat TV dès avril.

Être un ladyboy en Thaïlande, ça n'a rien à voir avec l'expérience que peuvent avoir les transexuels dans les pays occidentaux. Ici, les ladyboys ont un statut propre dans la société, où ils sont reconnus comme un troisième genre. La conception thaïlandaise de la chose leur offre plus de souplesse et de fluidité, loin d'un système genré binaire qui ne leur laisse aucune place où ils se sentiraient légitimes. Rose en est donc très heureuse et se sent épanouie : « Je suis heureuse comme je suis, et de toute façon, les opérations chirurgicales sont bien trop chères pour moi. »

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A la manière de Rose, la majorité des ladyboys ne cherchent pas à changer de sexe mais se contentent de faire partie d'un troisième genre communément accepté. Cela fonctionne aussi dans le sens inverse, comme pour Toms, une femme qui se définit aujourd'hui comme un homme. Bien sûr, les ladyboys sont parfois maltraités ou victimes de discriminations, mais la politique de sensibilisation et d'éducation autour de leur condition a largement amélioré les choses. S'ils présentent les bons documents, ils peuvent par exemple demander à être rayés du service militaire. A 20 ans, Rose devrait se retrouver inscrite sur la prochaine liste des appelés au service, mais elle est confiante quant à son exemption.

Quand on lui a demandé si elle avait du beaucoup lutter pour en arriver là, Rose répond que non : « J'ai un corps d'homme et une âme de femme. C'est ainsi et il n'y a rien de plus à en dire. Je m'entraîne dur, comme tous les autres combattants, et je donne tout sur le ring. »

Avec sa personnalité pétillante de girl next-door, Rose aime par-dessus tout se retrouver tranquille chez elle à Phi Mai avec ses amis et sa famille où elle peut faire du shopping, s'acheter des produits cosmétiques et tester les restaurants du coin. Maintenant qu'elle touche 40 000 Baht par combat, soir un peu plus de 1 000 euros, Rose peut mettre de l'argent de côté. Elle espère bientôt s'acheter une voiture. C'est assez incroyable de voir tout ce qu'elle a accompli depuis ses débuts à Isaan où elle touchait 4 euros pour son premier combat.

D'après Rose, OneSongchai compte la faire combattre au Hapon cette année et vient de décrocher une belle rencontre au stade Rajadamnern. Le 7 juillet prochain, Rose sera le premier combattant transgenre autorisé à se produire dans ce stade, le plus vieux de Thaïlande. La plupart de ces enceintes ont un dress-code très strict, interdisant le port de T-shirts sur le ring. Mais OneSongchai a réussi à outrepasser ces règles pour que Rose puisse porter une brassière. Pour ce faire, Rose combattait auparavant exclusivement dans les stades qui autorisaient les combats de femmes, comme Omnoi. Mais cette époque est maintenant révolue.