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Comment je suis devenu supporter de Chelsea grâce à une pub SFR, Didier Drogba, et l’amour de l’adversité

Il nous raconte son amour pour cette équipe décriée qui a débuté bien avant l'arrivée du milliardaire russe Roman Abramovitch.
Photo REUTERS/Albert Gea

Né en 1993, le foot a rapidement eu un impact sur ma vie, grand frère et Coupe du monde 1998 obligent. Mais je me focalise plus sur les acteurs que les équipes. C'est ainsi que Marcel Desailly devient peu à peu mon idéal du ballon rond, bien aidé par son carton rouge en finale du Mondial 1998 qui le démarque naturellement du troupeau. La même année, Desailly signe à Chelsea. Un maillot bleu, avec Umbro en sponsor, un lion comme emblème, ma passion de supporter sans frontières est née.

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Le Chelsea Football Club (CFC) des années 2000 ne vit pas encore sur l'argent russe, mais propose un melting-pot attachant. Le CFC sera la première équipe de Premier League à ne pas aligner d'Anglais dans un onze titulaire, en plein Boxing Day 1999. On retrouve alors un crew de Français aux patronymes et faciès sympathiques : outre Desailly donc, il y a Frank Leboeuf, Manu Petit et William Gallas. Mais aussi un Nigérian aux dents du bonheur, Celestine Babayaro, un Islandais aux cheveux peroxydés, Eidur Gudjohnsen, et un duo magique. Gianfranco Zola, magicien exilé à Londres, distribue les caviars aux 33 tonnes de Jimmy Floyd Hasselbaink.

Là encore, difficile d'imaginer des blases plus stylés. Deux jeunes Anglais arrivent sur la pointe des pieds compléter ce tableau, John Terry et Frank Lampard. Chelsea est alors loin de tout terrasser, mais offre à un enfant parisien le visage d'une équipe sympathique, sous l'œil bienveillant de Claudio Ranieri. Mon amour pour Chelsea est aussi alimenté par la promotion au capitanat de Marcel Desailly, l'homme le plus connecté de France au début des années 2000. N'oublions jamais, après le carton rouge, cette pub SFR qui a forgé la légende du Français.

Tout cela se passe tranquillement, jusqu'en juin 2003, date à laquelle Roman Abramovitch décide d'investir ses gros sous à Londres, en rachetant le club de Chelsea notamment, à Ken Bates. S'ouvre alors une période faste au niveau des transferts, la présence d'un magnat russe étant à cette époque rare dans le football. Pas facile de tout suivre pour un gamin de dix ans, sans les avantages clients SFR de Tonton Marcel, mais Chelsea continue de recruter des visages sympathiques : Claude Makélélé pour compéter la colonie française, Joe Cole et sa gueule de lad, Damian Duff pour le quota rouquin. Toutes ces nouvelles têtes vont être rapidement sous les ordres du salaud de service, José Mourinho. Chelsea entame sa mutation de grand méchant.

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La période des premiers titres arrive logiquement en 2004-2005. Jamais facile à gérer dans une cour de récré où il faut expliquer aux copains jaloux que tu suis cette équipe depuis ta tendre enfance et que tu n'es pas un putain d'opportuniste. Soulagement, je comprends rapidement que tout le monde va supporter Arsenal et ses Frenchies bien lisses. Je suis dans mon coin, derrière les Blues. C'est le moment d'apprendre à aimer le fait que tout le monde déteste ton équipe. Une caractéristique propre à Chelsea, club élu le plus détesté d'Angleterre - trop international, trop nouveau riche, trop défensif - malgré une popularité mondiale reconnue. Combo parfait, je suis trop content de débuter ma carrière d'avocat du diable et, même sans aller à Stamford Bridge, je sens que je fais partie d'une communauté atypique.

Le recrutement à tour de bras continue, sans que cela soit un vrai obstacle à la passion. On trouve de nouvelles têtes d'affiche toujours plus charismatiques et francophones. Les contingents de Ligue 1 débarquent, avec Michael Essien, Lassana Diarra, Florent Malouda, Nico Anelka ou encore Salomon Kalou qui découvrira l'élite française plus tard. Sans oublier le vrai héros, Didier Drogba, probable futur manager de Chelsea. Même avec son complet Airness, Didier impose le respect quand il dit en revoir à l'OM. Il marque directement son territoire, en septembre 2004 au Parc, en criant « Aller l'OM » devant les tribunes après son deuxième but face à Paris. Pour la cour de récré, encore un bon point pour fermer les bouches des copains qui suivent encore le PSG, c'est-à-dire les rares à ne pas être devenu supporters de Lyon grâce à un lien familial bancal.

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Cette joyeuse communauté du CFC affiche un capital sympathie inégalable à mes yeux, encadrée encore et toujours par John Terry, qui commence à mettre son nez dans des sales affaires, et la classe de Frank Lampard. Preuve à l'appui, les vidéos de l'époque trahissent la bonne humeur communicative, dans un groupe qui a supporté pendant trois ans la rigueur du Mou.

Après les conquêtes nationales viennent les épopées continentales. En 2008, Chelsea échoue face à Manchester United aux tirs au but. Terry glisse alors qu'il a la victoire au bout du pied, Anelka bute sur Van Der Sar pour parfaire une carrière qui sent déjà bon l'inachevé. Drogba, lui, a giflé Vidic en prolongations et voit tout cela du vestiaire. Un rendez-vous manqué. Beaucoup de sourires chez les détracteurs. Je ne suis pas résigné.

La suite de l'histoire européenne de Chelsea est marquée par Barcelone. Aux grandes histoires les adversaires coriaces. Ces Barca-Chelsea, c'est souvent un attaque-défense, toujours les gentils contre les méchants. Premier épisode en 2009, où le Barça se qualifie à la dernière seconde sur un but d'Andres Iniesta. Drogba, encore lui, joue la carte de la Fucking Disgrace au nez de l'arbitre et prend quelques matchs de suspension. J'ai 16 ans, c'est le début du lycée, la cour de récré n'existe plus tellement, mais c'est le supplice d'affronter les Bisounours qui croient faire catalan 2ème langue.

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L'histoire d'amour continue, la classe des joueurs de Chelsea n'est plus à prouver. John Terry, toujours accueilli à Stamford Bridge par une banderole "Captain, Leader, Legend" trompe sa femme de toujours avec celle de son coéquipier Wayne Bridge. Il est soutenu corps et âme par ses supporters, par sa femme, et Bridge renonce à l'équipe d'Angleterre pour le laisser tranquille. Royal, je suis définitivement fan.

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La revanche européenne sonne en 2012. Chelsea réalise une campagne de Ligue des champions bien pourrie, mais arrive tant bien que mal dans le dernier carré face au grand Barça. Messi, Iniesta, Busquets, Guardiola, toute la clique blaugrana est là. Après une victoire à l'arrachée 1-0 à domicile, Chelsea va à Barcelone pour garder cet avantage jugé maigrichon. Ce match retour reste le souvenir impérissable pour tout supporter des Blues doté de TF1. Rapidement, le Barca mène 2-0, Terry prend un carton rouge pour un geste dont lui seul a le secret, c'est le fameux scénario catastrophe. Jusqu'à une merveille de lob de Ramires, parti de sa moitié de terrain, qui évite le contre de Valdés. Tout ça sur une passe à l'aveugle et dos au but de Frankie Lampard – White Chocolate pour lui. Chelsea est virtuellement qualifié. Mais l'idole de toujours, Drogba, est de mèche avec le destin. Il provoque un penalty, que Messi envoie sur la barre. De plus en plus jouissif, jusqu'au but de Torres, le mal-aimé, face à un Valdés, cette fois le cul par terre, définitivement.

La finale est une Odyssée aussi, commencée par Salomon Kalou. Drogba égalise à la 88ème, cause un nouveau penalty en prolongations, que Robben, ancien de la maison bleue, rate. Séance de tirs au but, Dieu Drogba est cinquième tireur, prend deux pas d'élan, et crucifie l'insolent Neuer. Chelsea n'est jamais meilleur que contre la Terre entière. Au milieu des amis qui « n'aiment pas le Bayern mais sont trop contents d'être contre Chelsea », le plaisir est total. Comme cette danse non contrôlée où Eva Carneiro est squashée par Kalou et Essien, hilares.

Aujourd'hui, l'équipe a bien changé, le club a sali Lampard, mais Terry est toujours capitaine d'un navire qui vient de balancer Mourinho par-dessus bord pour la deuxième fois. Etre supporter de Chelsea en 2016, c'est aussi espérer que le PSG se cassera les dents sur une équipe de ventre mou de Premier League dès les huitièmes de la Ligue des Champions. Pour avoir une bonne raison de plus de se moquer des Qatarix, d'une part. Et garder ce sourire en coin, meilleure réponse face aux logorrhées des copains haineux.