Des hommes d'honneur : au Red Star, on transmet avant tout des valeurs
Photos : Charles Chevillard

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Formation

Des hommes d'honneur : au Red Star, on transmet avant tout des valeurs

Pour les éducateurs du Red Star, chaque séance est l'occasion de faire émerger des futurs champions, mais surtout d'inculquer les valeurs du club, utiles sur le terrain et en dehors.

VICE et le Red Star se sont associés pour suivre la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen sur et hors des terrains, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd'hui, on donne la parole à des éducateurs chevronnés. Quatre portraits qui racontent à la fois les rêves de gloire des gamins et l'attachement de ces techniciens au club, mais aussi la réalité du foot amateur et les problématiques de développement sportif auxquelles le Red Star fait face actuellement.

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Stade Bauer, un mercredi soir d'automne. Les ballons fusent sur le terrain luisant, éclairé par les projecteurs. Derrière, un immeuble imposant bien connu des suiveurs du Red Star règne sur le paysage urbain alentour. Les éducateurs donnent leurs consignes, replacent leurs joueurs. Les catégories d'âge s’enchaînent sur le synthétique. Dans les tribunes habituellement occupées par les ultras lors des matches à domicile, de nombreux parents assistent aux séances. Les autres sont dans le hall, attendant soit le début, soit la fin des différents entraînements. Les enfants patientent dans les vestiaires, certains arrivent en retard. Pourtant, ils prennent tous le temps de saluer les adultes, inconnus ou pas.

Pour un club comme le Red Star, aux moyens limités, la formation revêt une importance particulière et demeure un pilier du projet mis en place par toute l'équipe dirigeante. Malgré l’absence d’un centre de formation et des U17 et U19 pas encore au niveau national, l’exigence est primordiale. Le Red Star n’est pas un club comme les autres. Les jeunes doivent le comprendre et se développer tout en respectant ce fameux blason, et son histoire. Qui de mieux que les éducateurs pour inculquer cette histoire aux jeunes footballeurs et footballeuses ? Entre deux entraînements, quatre d’entre eux se sont exprimés sur leur rôle et le futur de la formation. Avec une même rengaine : respecter les valeurs du Red Star.

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Anthony Ferreira (U11 & U15 B)

Éducateur à l’école de foot, mais aussi en U15, Tony est une figure importante du club. À 47 ans, il cumule déjà 12 années au Red Star. Un amour réel entre le club et ce père aimant, fier de faire partie de cette famille.

VICE : Tu as toujours été éducateur dans le club ?
Tony Ferreira : J’ai joué au foot, de mes huit ans jusqu’en vétéran. À vrai dire, j’ai déjà entraîné il y a une quinzaine d’années, mais j’avais la double casquette : entraîneur et joueur. Comme j’habite Saint-Ouen, mes enfants se sont inscrits au Red Star et j’ai suivi. Au départ, j’étais dirigeant avec Soumah [responsable de l’école de foot, soit les équipes de jeunes jusqu'à 13 ans, ndlr] dans les catégories U10, U11 et U12. Par la suite, j’ai passé mes diplômes. J’ai toujours voulu partager mon expérience. Éducateur a toujours été un poste qui m'attirait. Je voulais partager mon savoir avec les petits et les adolescents.

À quoi ressemble le suivi des éducateurs au Red Star ?
Le Red Star, c’est simple. Il y a un directeur technique [Sébastien Robert, coach de la dernière montée en Ligue 2 en 2015, ndlr] qui nous donne un projet de jeu en début de saison. Il nous expose sa vision. Ensuite, avec ses propres principes, chaque éducateur fait sa soupe afin de respecter le projet durant toute la saison. Tous les mois, il y a une réunion technique. Nous étudions nos forces, nos faiblesses, les problèmes avec les parents, les solutions, etc. Ce que recherche le Red Star, c’est former des bons jeunes afin qu'ils aient le bagage technique nécessaire pour jouer à 11. C’est notre base. Personnellement, cela fait uniquement deux ans que je m’occupe des U15 B. Par le passé, j’ai fait toutes les catégories de l’école de foot. À un moment donné, j’avais envie de voir comment ça se passait plus haut. Ce n’est pas la même exigence, pas les mêmes exercices. Nous sommes plus durs avec les U15 que les U11. C’est logique.

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Le Red Star est une marque importante du football français et parisien. Ressens-tu cette différence avec certains clubs ?
C’est un grand club avec une belle histoire. Le Red Star a une grande image de marque, c'est l’un des plus vieux clubs en France, avec une histoire particulière, il a donc une grande popularité. La ferveur des supporters est importante. Il faut venir voir les matches des pros, ils sont toujours là, ils sont à fond. Les enfants s’identifient beaucoup au club. Ils ont une dotation [maillot, short, chaussettes, ndlr] pour les entraînements et les matches. On les oblige à le ramener à chaque fois. Vous êtes au Red Star, vous devez porter le maillot du Red Star. Vous n’êtes pas à Arsenal, au Paris Saint-Germain ou au Real Madrid. Tu as la tenue du PSG ? Va jouer là-bas, mais pas chez nous. Quand un joueur oublie son maillot, il a une punition. Toute petite certes (rires). Il doit s’identifier au Red Star.

L’année dernière, nous avons reçu environ 300 gosses pour seulement 10 places

Les jeunes ont une belle image du Red Star. On le voit durant les détections. Ils ont envie de jouer ici. L’année dernière, nous avons reçu environ 300 gosses pour seulement 10 places ! Ça fait rêver. En tant qu’éducateur, nous sommes là pour leur donner envie et rassurer les parents. Quand ils viennent voir les entraînements, ils voient que c’est carré, strict. Les parents aiment cette exigence. Les autres équipes veulent toujours nous battre. Il faut se donner à fond, respecter les valeurs du club.

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Un détail m’a interpellé. Durant les entraînements, il y avait beaucoup de parents contrairement à ce qu'on peut parfois voir dans certains clubs. Pourquoi et surtout comment ?
Avant chaque début de saison, nous faisons une réunion avec les parents. Ils signent une charte. Nous leur expliquons ce que représente le Red Star ainsi que nos attentes. C'est primordial que les parents soient impliqués dans le suivi et lorsque nous jouons à l’extérieur, nous avons besoin de leur présence pour accompagner les enfants. Il y a aussi des parents fans de football. C’est un plaisir pour eux de venir. Ça motive les enfants, aussi. Ils sont heureux (sourire).

Dans quelle mesure parvenez-vous à conserver vos meilleurs joueurs ?
Ce qui nous manque, c’est les U17 et U19 nationaux. Nous avons des U19 Division d'honneur et des U17 Division supérieure régionale. Nous espérons faire monter ces derniers. Cette absence est un problème car on ne peut pas garder les meilleurs. Quand les U15 sont contactés par des clubs pros, ils veulent s’engager. Entre U13 et U17, nous perdons beaucoup de joueurs. Nous ne pouvons pas rivaliser avec des centres de formation. C’est le problème de tous les clubs d’Île-de-France. À part le PSG, c’est impossible pour les autres : PFC, ACBB, Bobigny, Aubervilliers, etc.

Est-ce une fierté d’être éducateur au Red Star ?
Le Red Star, c’est quelque chose de spécial. Lorsque tu intègres le club, tu ressens plus que de la fierté. Nous faisons partie des murs. C’est un club populaire avec une grande histoire. J’aurais pu entraîner ailleurs, mais j’ai choisi le Red Star.

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Raymond Tchaye (U19 DH)

À 40 ans, Raymond Tchaye a déjà roulé sa bosse. Formé au Red Star et ancien joueur en CFA et DH, il est éducateur au club depuis huit ans. Adjoint à ses débuts, il a appris, passé ses diplômes et dirige dorénavant les U19. Mais il donne aussi des coups de main à l’école de foot et aux féminines. Attaché à son club de toujours, il défend l’étoile rouge avec passion.

VICE : Raymond, pourquoi le Red Star ?
Raymond Tchaye : En fait, j’avais créé un club de football dans mon quartier : l'Étoile Football Club. J’avais toutes les catégories de joueurs et de fil en aiguille, tout s’est accéléré. Bobigny, le club phare de ma ville, m’a approché. Je suis finalement allé au Red Star, mon club d’origine. On vient souvent ici par passion, car on aime le club. Personnellement, j’ai joué ici à l’époque de François Gil [ancien formateur à Bauer et au PSG, ndlr]) et Alain Bornand [ancien coach, ndlr]. Je voulais faire une carrière dans le football, mais j’ai eu pas mal de pépins… Je veux transmettre ce que je n’ai pas pu faire. J’ai fait 2-3 matches en CFA, mais j’ai surtout fréquenté la DH. Malheureusement, je n’avais pas les épaules ni l’accompagnement pour continuer. Par contre, j’avais déjà l’âme de diriger, de partager. J’avais cette envie. Quand j'étais jeune, j’étais déjà dans des associations. J’ai la fibre, j’ai cette passion. Je pense que c'est important, car généralement, les footballeurs deviennent bons lorsqu’ils sont de bonnes personnes. C’est lié.

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Tu as été formé ici. Que penses-tu de l’environnement du Red Star ?
Quand je vois les moyens mis en œuvre maintenant, je me dis que les gamins ont beaucoup de chance. Moi, j’ai connu le terrain en schiste rouge, c’était dur (rires). Il était interdit de rentrer à Bauer, c’était exclusivement pour l’élite, ce qui était logique. L’environnement au Red Star est favorable pour bien se développer en tant que jeune footballeur.

Un club, c'est une écriture. Il faut l'entretenir

Justement, le Red Star jouit d'une belle image de marque. On sait qu’il n’est guère aisé – parfois – de faire passer des valeurs et des messages aux jeunes âgés de 15 à 18 ans. Comment faites-vous ?
Nous sommes dans un monde médiatique. Les jeunes sont plus sensibles à certaines choses qu'à d'autres. Connaissent-ils l'histoire du club sur le bout des doigts ? Clairement non. Ça fait partie de notre travail, fidéliser les jeunes à un style, une philosophie, un passé. Un club, c'est une écriture. Il faut l'entretenir, ce qui n'est pas toujours facile à une époque où l'amour du maillot est moins présent. C'est un phénomène qui dépasse le simple cadre du Red Star et qui touche tous les clubs. Sans compter tous les rêves que suscite le foot. Aujourd'hui, quand vous regardez les abords de terrain, on voit beaucoup plus les parents. Cela n’existait pas à mon époque. Beaucoup se disent que le football peut être une bonne porte de sortie pour leurs enfants.

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Penses-tu que c’est lié à la nouvelle génération ?
Je vais donner un exemple très simple. Quand tu regardes ce que génère Mbappé, inconsciemment, tu envoies des messages. C’est lié au fric. Dès que tu mets de l’argent, tu mets du rêve. Pourquoi on joue au loto ? Le rêve (rires). Avec le football, on en est arrivé à ce mécanisme. Les gens pensent qu’on peut s’en sortir grâce au football. Avant, c’était l’école. Cela suscite beaucoup plus d’intérêt, les parents sont plus attentionnés.

Vu que le Red Star n’a pas de centre de formation, basez-vous votre discours sur l’image du club ?

Tous les paramètres doivent bien rentrer en ligne de compte. Quand tu veux faire adhérer un jeune à un projet, il faut bien lui expliquer l’avenir. Tu ne peux pas dire simplement : « Viens au Red Star. » Nous allons lui dire qu’il pourra bosser sereinement dans un club mythique avec un vrai suivi. Gagner sa place au Red Star, il faut que ça reste un privilège, une chance. Quand un tout jeune arrive au club, il doit se dire qu’il est dans un grand club. Lorsqu’un joueur intègre le PSG, il a les yeux qui brillent. Cela devrait être pareil pour ici.

Le Red Star est un grand club. L'équipe senior peut descendre en DH, et alors ? Il ne faut pas avoir honte, le retour se fera. Regardez, nous sommes remontés, ce n'était pas forcément facile, mais le président du club a mis en place un projet auquel il croit. En tant qu’éducateur, nous devons être porteurs de ce message, nous devons réfléchir aux projets à mettre en place afin d’intégrer l’élite à notre niveau. Ça passe par du travail, l’adhésion au projet. Le Red Star, c’est une famille, c’est convivial, mais c’est aussi du travail et parfois des déceptions. Par exemple, tous les jeunes ne pourront pas devenir professionnels. Notre objectif est donc, aussi, de former des hommes capables de rebondir après le football. Ayons ce mérite. Si on tombe sur ces jeunes dans la rue, ils pourront nous saluer fièrement et se dire : « Je suis tombé sur quelqu’un. » Considérons-les en tant que personne. C’est la plus grande valeur pour moi.

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Vous qui avez été joueur au Red Star, sentez-vous cette influence en tant qu’homme ? Est-ce l’une des raisons de votre retour au club ?
La pomme ne tombe jamais loin du pommier. À partir du moment où tu as reçu une éducation – pas uniquement familiale – de qualité, tu le ressens. Les éducateurs ont pour but d’apprendre le football aux jeunes, mais surtout d’éduquer. Ce sont des gens précieux, ils te poussent à la réflexion, ce sont eux qui m'ont donné envie de faire ce métier et de perpétuer leur héritage. Le football, je l’aime grâce à ces personnes. Ils m’ont fait progresser et m'ont donné des façons de faire. Maintenant, je comprends mieux ce qu’ils me disaient il y a 20 ans (rires). La répercussion est plus importante. À 20 ans, tu te la racontes un peu, tu penses que tu es super fort et à partir de là, tu négliges le petit détail qui fera la différence. À l’époque, j’étais loin d’être le plus mauvais. Avec du travail, ça aurait certainement changé ma vie… Je l’ai compris et je n’ai aucun regret. J'ai compris que ma mission ne consistait pas forcément à faire du foot, mais plutôt de partager des valeurs.

Est-ce une fierté d’être éducateur au Red Star ?
Pour moi, le Red Star, c’est un rêve, une vraie fierté. Évidemment que tout le monde aspire toujours à mieux, au meilleur. Si on me proposait d’être adjoint avec l’équipe fanion, je ne pourrai pas refuser, même pour mettre les plots et les coupelles (sourires). J’ai grandi dans ce club et je me dirai plus tard : « Regarde ce que tu as réussi à faire dans le club ». Ça pourrait être un modèle pour les jeunes qui jouent ici. J’ai passé les échelons, j’ai travaillé pour réussir quelque chose. Nous rêvons tous de rester au club, nous rêvons de tout donner. Quand vous rentrez dans un tel club, il vous suit dans la vie quotidienne. Si nous n’aimions pas le Red Star, nous serions partis depuis longtemps. Dès qu’on parle football avec vos amis, votre famille ou vos collègues, ça parle Red Star. On ne peut pas y échapper.

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Soumah Bakayoko (responsable de l'école de foot)

Soumah est une figure importante et respectée du Red Star. À 41 ans, cela fait maintenant 22 ans qu’il est éducateur ! Responsable de l’école de foot depuis sept piges, il a pour mission d’organiser l’école de football et d'encadrer tous ces jeunes talents. Posé et réfléchi, il est fier de porter le blason de l’étoile rouge. Un rôle qui ne le quitte jamais.

VICE : Étiez-vous déjà éducateur avant d’intégrer le Red Star ?
Soumah Bakayoko : Avant, j’ai été éducateur dans différents clubs dont Bobigny. J’ai commencé à entraîner à 19 ans, en 1995. J’étais passionné par les enfants, de 8 à 15 ans. Ce sont eux que je voudrais encadrer dans l’aspect football même si j’ai eu les U19 quelques années après. Je suis rentré en juin 2004 au Red Star. J’ai commencé par les benjamins (U13). À l’époque, il y avait deux pôles d'entraînement : Bobigny et Saint-Ouen. J’ai débuté par le 1er puis par la suite, je suis passé sur le second. Quelques années après, le club a décidé d’orienter le club vers 1 seul pôle, celui de Saint-Ouen. Je suis responsable de l’école de football du Red Star depuis 7 ans.

En quoi consiste votre rôle ?
L’idée est d’organiser les catégories, les rencontres du week-end, accompagner les éducateurs dans leurs tâches sportives, respecter la ligne directrice du responsable technique, aider les éducateurs, planifier des rencontres et des tournois ou encore communiquer avec les parents. Ce dernier point est très important. Je fais le lien entre les deux : éducateurs et parents. Je suis là pour trouver des solutions s’il y a un problème ou des questions.

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Concernant les parents, ils sont nombreux aux entraînements. Leur implication est-elle importante ?
Au sein de l’école de foot, nous laissons les parents présents. Ils sont là aux entraînements et aux matches. Ils souhaitent une réussite sportive de leurs enfants et les accompagnent au mieux dans leur épanouissement. Nous trouvons ça extrêmement positif. Dans le passé, nous avons pu élaborer un projet de collectif de parents durant quatre années. Ce fut une vraie réussite. Ils ont par exemple lancé des buvettes pour subventionner les éducateurs et leurs besoins de matériel (achats de but, ballons, gourdes). Il y a un papa qui a fait une donation d’environ 300 gourdes pour l’école de foot ! Nous ne voulons pas mettre de barrière entre les éducateurs et les parents. Des débutants jusqu’aux U13, ils sont nombreux. Si nous nous mettons à dos les parents, nous savons que nous serons pénalisés dans le futur. En termes de transport notamment, ils sont primordiaux. Il existe une vraie convivialité. Nous fêtons les anniversaires et échangeons beaucoup. Par contre, nous posons une barrière : celle du sportif. Nous les sensibilisons par rapport à ce problème. Beaucoup le comprennent, certains pas du tout (sourire). Souvent, il y a des petites convocations et un rappel à l’ordre par rapport au règlement interne. Néanmoins, il n’y a jamais eu de conflit. Tout se règle tranquillement.

Le Red Star est une marque importante. Inculquez-vous le respect de ce fanion si historique ?
Pour commencer, il y a une charte du joueur. Sébastien Robert – notre responsable technique – l’a mise en place avec nous. Chaque gamin doit suivre des règles simples : respecter l’arbitre, les parents, les adversaires, les infrastructures. L’image qu’ils dégagent doit être positive pour le club. Le maillot qu'ils portent est important, c’est un maillot centenaire, au passé glorieux. Tout enfant qui porte ce maillot s’y attache. Le Red Star est très connu en France et en Île-de-France. Nous, les éducateurs, sommes très pointilleux sur cette image. Les gens doivent avoir envie de venir au club en les voyant.

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Comment se passe le liant entre l’école de foot, la pré-formation et la formation ?
Il faut reconnaître que nous sommes un club pro sans structure professionnelle au niveau des jeunes. Nous sommes une association avec une structure amateur. Nos jeunes sont libres de partir dans des centres de formation sans être bloqués. Les joueurs sont ambitieux, ils veulent réussir dans le football. Les parents aussi. Nous essayons de temporiser tout ça. Nous avons mis en place une charte vis-à-vis de ce phénomène. Durant les trois-quatre premiers mois, nous essayons de donner un cadre serein aux jeunes, on évite les contacts avec les clubs pros pour qu'ils ne soient pas déstabilisés à l’école et au football, avec leurs coéquipiers. Pour le moment, cela se passe très bien. Nous faisons des réunions techniques tous les mois avec Sébastien Robert. Pendant celles-ci, nous échangeons sur le fonctionnement, les gamins, leur niveau sportif. Si un joueur a un fort potentiel, nous pouvons le faire monter dans la catégorie supérieure.

Vous avez des anciens joueurs au Red Star au sein de votre équipe éducative. Trouvez-vous ça primordial ce passage de témoin ?
C’est important. Nous en avons pas mal. Au Red Star, certains s’occupent de l’école du foot ou du foot à 11. Ça permet aux enfants de comprendre cet amour du maillot. Ce n’est pas parce que nous sommes adultes que nous oublions notre formation. C’est plus valorisant quand ces hommes-là peuvent encadrer les petits. Le passage de témoin se fait.

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Êtes-vous salarié du club ?
À part Sébastien Robert, il n'y a aucun salarié. Nous vivons notre passion avec énergie depuis des années. Nous ne comptons pas les heures passées au club, nous aimons ça. Nous souhaitons toujours que le Red Star avance et progresse. On ne lâche pas afin de grandir et améliorer nos infrastructures pour les petits et les grands. Nous faisons confiance au président et à ses différents projets. Nous souhaitons l’accompagner jusqu’au bout et construire un centre de formation. Nous voulons que l’image véhiculée dans les années 1990 se perpétue, que le Red Star soit juste derrière le PSG. Le vivier francilien regorge tellement de talents. Le Red Star peut en profiter.

C’est une fierté de porter l’écusson du Red Star ?
Je suis très fier. Il ne nous quitte jamais. Dans la vie de tous les jours, je suis chauffeur du bus. Parfois, je porte la doudoune du club. À mon dépôt, ils viennent tous demander des nouvelles du club, de mon travail d’éducateur. C’est une fierté de représenter le club à mon travail ainsi qu’en dehors du foot. Si je n’étais pas fier, je ne mettrais pas le maillot, le survêtement ou autre (rires).

Karim Fellahi (entraîneur-adjoint U19 DH)

À 43 ans, Karim est un pur produit de la Seine-Saint-Denis. Né à Epinay, il a grandi tout prêt du Stade de France et a été formé au Red Star. L’ancien professionnel (Red Star, Saint-Étienne, Estoril, Mouscron) est très fier de son département et de l’étoile rouge. Adjoint des U19 depuis cette année, il découvre un rôle qui lui plaît. Très attaché au club, il veut partager les valeurs et continuer à s’épanouir en tant qu’éducateur.

Au Red Star, vous formez des footballeurs mais aussi des hommes, me disait Raymond Tchaye. Avez-vous la même vision ?
Je suis tout à fait d’accord avec lui. Nous avons la même vision des choses. Issus du 93, nous sommes dans le dur déjà. Pour arriver à un certain niveau, il faut plus se battre. C’est comme ça, on ne choisit pas. Dans les quartiers, nous avons des valeurs. Les gens peuvent parfois penser qu’il y a du négatif, mais pas uniquement. Il y a du positif, des idées créatives. Il faut leur donner la chance. La dernière fois, j’écoutais une interview de Mourad Boudjellal [président du Rugby club toulonnais, ndlr], il disait la même chose. Quand on rentre au Red Star, ça sent le football, le respect, la chaleur humaine. On ne peut pas venir ici en « touriste ». On peut me dire ce qu’on veut, ce n’est pas un club comme les autres. C’est le premier club de Paris, un club mythique. Au Red Star, on m’a toujours inculqué une valeur : le respect. Celui des autres et de soi-même. À partir du moment où tu viens dans un club comme celui-ci, tu as des objectifs. Et ce n’est pas seulement de la compétition, il y a un état d’esprit entre les joueurs, de la réciprocité. C’était comme ça à mon époque. Le club se construit de cette manière.

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La chance du Red Star se situe au niveau de la situation géographique : le 93. Toutes ces dernières années, le club avait un vivier incroyable. Il n’y avait pas besoin de faire de la pub, les jeunes venaient d’eux-mêmes. Je pense qu’il peut avoir ce renouveau-là. Les autres clubs du 93 ont également grandi, ça fait de la concurrence. En Ile-de-France, le niveau est élevé. Mais quand il y a un noyau dur au sein même d’un club, ça permet de garder des joueurs. Les éducateurs ont porté le même maillot et ils ont ça dans le sang.

Vous avez été formé au Red Star. Le retour à Saint-Ouen était-il écrit ?
Pour moi, c’était naturel. J’y comptais. Ça faisait un petit moment que je voulais revenir au Red Star, déjà lorsque le club était en CFA 2. À l’époque, je jouais en D2 belge, tout allait bien. Quand j’ai su que François Gil et Patrice Lecornu étaient revenus au club, je voulais faire partie du projet, m’engager sur du long terme et pouvoir devenir éducateur par la suite. Cela ne s’est pas fait, c’est la vie.

Par la suite, j'ai eu l'occasion de retenter ma chance grâce à Rui Almeida, mon ancien coach au Portugal à Estoril, devenu entraîneur du Red Star. J'ai fait quelques entraînements sans que ça ne débouche sur quoi que ce soit avant qu'on me propose de passer mes diplômes et de revenir à Saint-Ouen. On m’a proposé les U19 avec Raymond ou de bosser avec Sébastien Robert et la réserve. J’ai choisi le premier car nous sommes de la même génération. J’ai un grand respect pour Sébastien ainsi que sa philosophie de jeu que j’affectionne, j’avais envie d’aider les jeunes. Avec Raymond, ça se passe super bien.

Selon vous, c'est important pour les U19 d’avoir un ancien joueur professionnel comme vous afin de leur donner des conseils ?
Aujourd’hui dans quasiment tous les clubs qui réussissent, il y a un ancien joueur qui a porté le maillot du club, qui l'a mouillé et a écrit l'histoire du club. Lyon le fait très bien, Saint-Étienne aussi. J’ai joué quelques années avec Julien Sablé. C’est un ami. Et aujourd’hui, il est nommé coach de l’équipe sénior après s’être occupé du centre de formation. Voilà. Laurent Huard, pareil. Il a été formé à Rennes et est revenu au club [aujourd’hui coach des U17 du PSG, ndlr]. Il y en a tellement de partout. Tout ça, ce sont des valeurs ajoutées. Quand demain, vous allez rencontrer un jeune – sans être prétentieux – et lui raconter votre parcours, il va être plus à l’écoute. L’idéal serait d’avoir un ancien joueur dans chaque club pour transmettre ces valeurs.

Et lui éviter de faire fausse route…
Oui c'est aussi le but. Parce qu'aujourd'hui malheureusement, les jeunes ont un tas de sollicitations. Ils recherchent toujours une équipe de meilleur niveau et les agents sont jamais bien loin… Les anciens joueurs professionnels peuvent les conseiller vis-à-vis du choix de carrière, du club. C’est à nous d’avoir les bonnes paroles et le bon comportement. Mais quand un jeune voit les performances de Mbappé, ça l’inspire. C’est exceptionnel ce qu’il fait. Il n’y en aura pas 2 ou 3. D’autres sont passés par là : Ben Arfa, Nasri, Menez. Ils se sont cassé les dents à un moment même s'ils ont une belle carrière. Des Mbappé, il y en a dans chaque quartier. Ce qui fait la différence ? Certains sont programmés pour ce métier. Tu en as d’autres, il faut être derrière eux.

Comment conserver ces pépites, les polir, les faire briller ? Tout dépend de la perspective de l’équipe première. Si demain, les seniors ne font confiance qu’aux joueurs venus de l’extérieur, ça sera plus compliqué. Ça a été le cas dans le passé. Il ne faut pas qu’il y ait cette cassure, c’est mon intime conviction. Le Red Star, c’est quoi ? Des joueurs de l’extérieur avec une ossature de jeunes. Régis Brouard est dans cette optique d’intégrer les meilleurs jeunes [l'arrière droit Matias Ferreira en est le plus bel exemple, ndlr]. Il est passé par là, il sait. C’est le fonctionnement du club. Si les petits n’ont pas l’occasion de goûter au professionnalisme, ils vont partir. Ils n’ont pas le temps les jeunes. Ils veulent tout, tout de suite. Quand un gamin est intéressant, il faut l’intégrer au groupe pro. Il doit se sentir chez lui.

Notre talon d'Achille par rapport aux autres clubs professionnels, c'est l’absence de centre de formation. C’est plus délicat de retenir les meilleurs. La problématique est aussi que nos U17 et U19 ne sont pas au niveau national. C’est l’objectif du club. Nous avons perdu trop de joueurs. Nous devons travailler là-dessus. Ça doit partir des seniors, de la formation. Il faut avoir la fluidité avec les éducateurs et les parents. Il faut les convaincre qu’on va faire confiance aux jeunes. J’espère qu’on aura bientôt le centre de formation, c’est un autre combat avec la mairie ça. Pour le stade aussi… Tout ça fait que je peux me mettre à la place du jeune. Forcément, il se pose des questions, puis il va au PFC, où il y a les U17 et U19 nationaux, un stade et une équipe en L2.

En prenant les gamins en photo, j’ai remarqué qu’ils embrassent l’écusson très jeune. Les valeurs du club semblent être très rapidement intégrées. Est-ce la même chose chez les U19 ?
Le Red Star, c’est une histoire. Si l’éducateur n’est pas du club, c’est bien plus compliqué de diffuser ça chez les jeunes. Je le vois avec les gosses. Dès qu’ils rentrent au Stade Bauer, il se passe quelque chose dans ce stade. J’en parlais à un ami, il me disait la même chose. Cette atmosphère est particulière. Si le jeune arrive et embrasse le maillot, c’est positif déjà. Après, c’est à nous d’être dans la continuité. Il ne faut pas omettre la gagne. Évidemment pas avec les U6 (sourire), ils sont là pour apprendre. Tout ça part des éducateurs. Cette image est primordiale.

Pour les U19, c’est différent. Ils arrivent, ils partent du club. Ce n’est pas la même histoire. Les éducateurs doivent faire ce boulot. Ils savent que c’est particulier. Tu enlèves la casquette, tu dis bonjour, tu es toujours respectueux. Tu portes la tenue du Red Star. Nous éduquons des hommes. Encore plus avec les U17 et U19. C’est un moment charnière. Les valeurs sont dans toutes les catégories.

Les parents sont plus oppressants qu’auparavant. Ils voient leur enfant comme une future pépite. Comment gérer ça ?
Je comprends les parents. Si mon fils avait des qualités indéniables, je ferais tout pour l’amener au top. Mais il y a un âge où il faut privilégier le jeu à l'enjeu. Quand je vois certains parents en U9, c’est gênant. Il faut relativiser. Il y a aussi les médias et les réseaux sociaux qui jouent un rôle, parfois négatif. Tu regardes les vidéos, ça parle qu’argent. Les petits ont une tête énorme après. Tout ça est dangereux.

Porter ce blason est une fierté ?
Chaque fois que je porte le maillot, ça me fait quelque chose. Pareil plus jeune. J’en parlais avec Raymond. On attendait nos convocations, nous étions tellement stressés (rires). Tout ça, on ne l’a plus. Ça manque parfois. Bien évidemment que c’est une fierté. Chaque jour, quand je vais aux entraînements, j’ai cette motivation et surtout un devoir : transmettre. Qu’on m’ait laissé cette chance, ça me donne envie de la donner aux plus jeunes à mon tour. Ce club et ce maillot sont particuliers.

Les gens connaissent le Red Star surtout dans le 93. Nous sommes dans la course pour monter en Ligue 2. Les gens sont attachés au club et le suivent. Vous savez, le Red Star est assez clivant. Il est aimé ou détesté. Mais il reste historique quoi qu’il arrive.