Imaginez qu'il s'agit d'une journée de travail typique, quelque part en début de semaine, loin du vendredi, et que vous vous apprêtez à effectuer une heure de métro pour rentrer chez vous après le boulot. L’intégralité de ce qui vous entoure est un mélange de nuances de gris : bâtiments administratifs d’après guerre, voitures roulant au gazole et visages encombrés d’ex-grévistes. Fatigué, vous arrivez enfin dans votre modeste appartement et louez un silence enfin retrouvé. C'est alors que votre voisin du dessus qui n'a pas conscience du monde extérieur commence à jouer « Californication » à la guitare sèche tout en chantant et battant le rythme avec son pied. L'envie de le poignarder brutalement naît. Normalement, vous allez rester prostré là, sans rien faire si ce n'est le haïr dans votre esprit. Mais parfois, les choses dérapent légèrement.
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Ils partagent avec nous un immeuble, une rue et parfois l'intégralité de leur intimité allant de leur sexualité à leurs goûts musicaux déviants. Les voisins sont pour beaucoup une némésis capable du meilleur – garder un chaton pendant des vacances – comme du pire : soirées à thème toute la nuit, perceuse et burin le dimanche matin ou encore défécation dans les parties communes. Les voisins sont capables de transformer notre quotidien en enfer jusqu'à nous demander si cela fait partie d'un châtiment divin. Tel un exutoire collectif, nous vous avons demandé vos pires histoires de voisinage.Après un rapide apéro entre collègues un soir d’été, je rentre chez moi vers 21 heures. En arrivant sur mon palier, je découvre un papier sur mon paillasson, visible aux yeux de tous. Une longue lettre manuscrite apparemment déposée par ma voisine du dessous. Après quelques longues phrases d’introduction, soigneusement choisies, le couperet tombe : « Merci de faire moins de bruit en urinant. Par exemple en prenant soin de le faire le long de la parois de la cuvette. Je vous entends aller aux toilettes tous les jours à 7h et à 23h. » Après un premier sentiment d’humiliation totale et de violation d’intimité, la colère monte assez rapidement. Je me décide donc à lui rendre visite immédiatement histoire de crever l’abcès. Hors de question que je culpabilise à chaque fois que je vais faire pipi chez moi.Je tombe alors sur une nana d’une quarantaine d’années, hyper accueillante. On se tutoie facilement et elle m’invite à prendre l’apéro. Elle me sert plusieurs ti-punchs et nous voilà partie pour refaire le monde jusqu’à 1h du mat. On parle boulot, famille, musique… Sans finalement vraiment reparler de notre déconvenue. Je rentre chez moi, ivre, et heureux d’avoir rencontrer une voisine, avec évidemment une irrépressible envie de faire pipi que je retenais depuis mon apéro entre collègues. Je m’exécute donc et me surprends à le faire le long de la parois. Cela dure maintenant depuis un an et demi. On a jamais repris l’apéro depuis.
Raphaël, 29 ans
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« Le lundi, en partant au taf, il faut ensuite esquiver les flaques de pisses ou d’alcool dans la cage d’escalier. »
Anthony, 30 ans
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Marjolaine, 27 ans
Marc, 65 ans
Seb, 28 ans
« Pendant qu'elle partait assister à ses cours de droit, il passait les mêmes morceaux en boucle toute la journée, fort, pour "se les mettre dans la tête" »
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Évidemment, ils se mettaient sur la gueule en permanence, au moins deux fois par semaine à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, et j'entendais tout. Je grinçais des dents de honte pour lui en écoutant leurs cris : la voisine le faisait pleurer presque à chaque fois. Une fois, il s'est mis à sangloter comme un chiot vers huit heures du matin, au cours d'une embrouille apparemment liée au fait que sa copine tapait de la coke au réveil. Cependant, jamais il ne m'a inspiré de sympathie. Pendant qu'elle partait assister à ses cours de droit, il passait les mêmes morceaux en boucle toute la journée, fort, pour "se les mettre dans la tête". Car figurez-vous que monsieur se voyait devenir DJ. Mille fois j'ai frappé contre le mur comme un sauvage, jamais ce couple n'a cessé de faire un boucan de carnaval. Si tu te reconnais là-dedans, sache que je n'ai plus jamais eu envie de tuer quelqu'un autant que toi.J'ai depuis, maintenant un an, comme voisins un tout jeune couple. Ils ont tous les deux 19 ans. Comment je le sais ? Car ils s'engueulent très très fort ces derniers temps. À coup de « Sale pute, tu l'as sucé. T'as 19 ans soit t'es fidèle, soit tu te barres ». Outre le fait qu'ils s'engueulent à des décibels inacceptables devant le mur de ma chambre à des heures bien entendu improbables, ils vouent une passion pour Disney. Un presque culte qui ne s'arrête pas pendant leur disputes. Quand ils sont de bonne humeur, j'ai le droit à « Prince Aliiii, ouuiii, c'est bien lui ». Chanté avec des jeux vocaux dignes d'un gagnant d'un Grammy Awards, sauf que non ils ne chantent pas bien. Et lorsqu'ils s'engueulent et que l'un ne veut plus écouter l'autre, la chanson Disney est la solution. Alors que la fille lui assène des critiques, lui se met à chanter "Sous l'océan" et vice-versa. Drôle de façon de s'engueuler qui me les rend encore plus antipathiques, moi qui déteste les chansons Disney. Ce qui est encore plus drôle est le nom qu'ils ont donné à leur réseau internet : "le wifi du love". Même un couple culcul la praline peut s'engueuler salement, mais n'oublions pas pour autant les classiques. À quand le "Libérée, délivrée" ? J'aimerais bien.Il y a quelques années de ça j’étais en collocation avec deux potes. Personne ne nous avait prévenu mais le propriétaire de notre appart était notre voisin de palier. Ce que j’aimais pas trop déjà, parce que t’avais un peu le sentiment d’être épié en permanence. C’était un type de 40 ans environ, pas très avenant et qui n’était jamais venu se présenter à nous. Un mois après notre emménagement, un dimanche soir vers minuit, je rentre chez moi après avoir maté le match chez un pote. Sur le palier, il y a de la musique à balle – comme à un concert – qui vient apparemment de l’appart du proprio. C’est de la musique de merde, genre des années 80, mais pas le bon côté des 80s. Pourtant Dieu sait que j’aime bien les années 80. Bref, je rentre, je vois ma coloc qui ne sait pas trop quoi faire.
Justine, 25 ans
Clément, 35 ans
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Je décide d’aller sonner chez le proprio. Je sonne bien 10 fois. Sans réponse. Je rentre chez moi. Puis, j’entends que quelqu’un rentre dans l’appart du voisin. Donc le mec met la musique à fond, mais sans être chez lui. J’y retourne, je re-sonne. Le type ouvre avec son petit chien moche qui vient se foutre dans mes pattes. Et là je sens que le mec a le regard de quelqu’un qui n’a pas bu que du thé. Je lui dis que la musique est quand même un peu forte – surtout maintenant qu’il a ouvert sa porte. On est comme à Bercy. On n’arrive même pas à s’entendre parler. Le gars parvient à comprendre ce que je lui demande et il me répond le plus sérieusement du monde « Ah non, ce n’est pas fort ». On se lance alors dans un dialogue de sourds qui ne va mener à rien. Je lui dis « Bah si », lui enchaine « Bah non ». Ça dure cinq minutes comme ça. Puis il me dit « Sérieusement, ça me viendrait pas à l’idée de venir déranger mes voisins pour ça ». Là, je ne sais plus comment prendre le truc. En marmonnant « Je vais baisser la musique », il me claque la porte à la gueule. Les décibels baissent très légèrement. Je rentre chez moi, j’allume mon ordi et je commence à regarder des annonces d’appart – sentant que cette cohabitation s’annonce très problématique. Ce qui s’est malheureusement vérifié : films de boule à balle dans l’appart, potes bourrés en permanence chez lui… Mais on ne pouvait trop rien dire vu que c’était notre proprio, qu’il était assez flippant et ivre continuellement. Bon, on a fini par rester deux ans et demi dans cet appart. Seul point positif de cette expérience, il ne faisait pas chier quand on faisait des soirées.« Ce qui s’est malheureusement vérifié : films de boule à balle dans l’appart, potes bourrés en permanence chez lui… Mais on ne pouvait trop rien dire vu que c’était notre proprio »
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Thibault, 33 ans
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Après cet épisode, elle est passée en mode roue libre, à déposer dix mots sur notre paillasson, envoyer un courrier recommandé, pour finir par adresser une plainte pour nuisances sonores à la co-pro et à mon propriétaire. En plus de ça, elle était super cheloue, passant des pleurs aux menaces et en allant même jusqu’à proposer de financer elle-même l’installation d’une moquette dans tout notre appart et de m'acheter un nouveau lit – qu’elle entendait grincer… Au fil des mois, je passais de moins en moins de temps chez moi. Puis quatre mois après son arrivée, le couperet a fini par tomber. Mon proprio a débarqué pour nous expliquer qu'on devait quitter l’appart. Mais en réalité, cela n’avait rien à voir avec la bruitophobe du dessous. Il avait vendu l’appart et devait le refaire à neuf – annonçant plusieurs mois de travaux bien bruyants. Le karma venait de frapper.J’ai vécu mes premières années (partiellement) émancipées du joug parental dans une petite impasse pas loin de la place de la République. Conquise par le quartier, j’étais restée sourde aux messages de prévention de mes potes : « Ah ouais tu vas habiter dans la rue où les gens vont faire pipi le samedi soir ? ». L’immeuble ne m’avait pas non plus mis la puce à l’oreille. Les moulures de chérubins dans le hall d’entrée et les parties communes intactes ne laissaient augurer l’état de déliquescence dans lequel l’ensemble allait se trouver quelques années plus tard. Au milieu des piaules d’étudiant et des familles nombreuses se cachaient pourtant quelques cas atypiques comme le fou furieux du 6e qui s’endormait en matant des vidéos de bastons sur Internet, le son poussé au max et amplifié par l’écho de la cour. Et puis ma voisine de palier.Sexagénaire en petite forme, elle hébergeait une demi-douzaine de sans-abri anciens ressortissants des pays de l’ex-URSS tatoués comme des barmans du XIe mais en plus authentique. Elle ne quittait que très rarement son lit et encore moins son appart’, missionnant ses « colocs » pour faire les courses. Le cœur sur la main, elle déposait un sac de couchage sur le pas de la porte quand son dortoir improvisé était plein. Certains s’installaient alors dans le couloir et la cage d’escalier pour une bonne nuit de sommeil uniquement interrompue par le fou furieux du 6e étage qui tentait de les en déloger à coups de gros claque-doigts. L’entente était plutôt cordiale jusqu’à l’arrivée des punaises de lit - je considère comme un privilège d’avoir pu les découvrir avant qu’elles ne deviennent mainstream. Incapable de s’en débarrasser (pour des raisons autant financières que logistiques), la voisine, épicentre de l’infestation qui avait gagné tout l’immeuble, vouait toutes les tentatives de traitement à l’échec. Mères de toutes les calamités, les punaises de lit revenaient semer la zizanie tous les six mois.Les derniers comportements civils s’éteignirent à mesure que l’état de délabrement des lieux s’aggravait. L'immeuble était devenu (peut-être l'avait-t-il toujours été) un point de deal et de tapin. Même la voisine ne communiquait plus que par borborygmes. Après la mort d’un de ses « colocs » sous les moulures de chérubins du hall d’entrée dans la nuit d’un 31 décembre (cause inconnue mais la responsabilité du fou furieux du 6e n’est a priori pas engagée), je ne lui ai plus jamais parlé et je me suis tirée.VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.