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Mont-Laurier déclare la guerre à Pepsi

Mais la compagnie ne reviendra pas sur sa décision de fermer un centre de distribution dans la ville des Hautes-Laurentides
Photo courtoisie : Sébastien Bisson

Les élus de Mont-Laurier ont lancé un ultimatum à Pepsi : la compagnie avait jusqu'à aujourd'hui pour offrir une solution de sortie de crise aux employés de la région, sans quoi les citoyens mobilisés durciront le ton dès la semaine prochaine.

PepsiCo a répondu par une fin de non-recevoir. Dans un courriel à VICE, ils ont indiqué qu'ils ne seraient « pas en mesure de revenir sur la décision » de fermer un centre local de distribution de produits Pepsi, qui avait été annoncée le 24 avril dernier.

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Devant cette décision qui a mis fin à 25 emplois et nui indirectement à une quinzaine d'autres, la petite ville de 14 000 habitants s'est mobilisée comme jamais auparavant. « Une perte de 40 emplois pour Mont-Laurier, au ratio de travailleurs, ça équivaut à 4000 emplois à Montréal », relativise Frédéric Houle, directeur général du Centre local de développement (CLD) d'Antoine-Labelle.

Ici, ce n'est plus Pepsi

Mécontents, les habitants de la région ont décidé que Pepsi, c'était la goutte qui faisait déborder le vase. Ayant connu plusieurs pertes d'emplois récemment avec la centralisation des services hospitaliers à Saint-Jérôme et la fermeture imminente de leur pisciculture, ils ont décidé de ne plus se laisser faire.

La mobilisation citoyenne a commencé à la microbrasserie du Lièvre : son propriétaire Jonathan Sabourin a immédiatement mis fin à son contrat avec Pepsi pour se tourner vers son compétiteur. Même chose chez lui : il ne boit plus de Pepsi, mais bien du Coca-Cola.

Son mécontentement a trouvé écho chez d'autres citoyens et commerçants, pour ensuite gagner les villes voisines : les 17 municipalités de la région ont appuyé les habitants dans leurs démarches.

De multiples assemblées de mobilisation ont été tenues à la microbrasserie de Sabourin. Les commerçants ont lancé des campagnes de boycottage officielles : d'abord les 1 et 2, puis les 8 et 9 juin. La première salve d'actions a réuni plus de 80 commerces, la seconde, presque 140.

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Le boycott a réuni des dépanneurs, des restos, mais aussi des entreprises comme des garages et des concessionnaires, qui ont mis leurs machines distributrices Pepsi aux poubelles.

Photo courtoisie : Sébastien Bisson

Durant les quatre jours de mobilisation, certains commerces ont vidé leurs étagères de Pepsi. Un dépanneur a choisi d'emballer ses produits de pellicule plastique pour les rendre inaccessibles, d'autres ont simplement affiché des messages incitant à la solidarité avec la région.

Photo courtoisie : Sébastien Bisson

Un panneau d'affichage numérique a même été loué et installé illégalement en bordure de route par un militant.

Photo courtoisie

Si plusieurs distributeurs ne retireront pas les produits des tablettes définitivement, ils comptent désormais sur le soutien de la population locale pour ne plus acheter de Pepsi.

« Quand les clients arrivent à la caisse avec un Pepsi, je leur dis qu'on boycotte. Des fois, ils vont reporter le Pepsi et prennent un Coke à la place », raconte avec un sourire radieux Francis Verreault, propriétaire du Dépanneur Therrien. Il estime vendre la moitié moins de Pepsi qu'auparavant.

Un casse-croûte de Lac Saguay où je me suis arrêtée manger un hot-dog fait un pareil calcul. Son propriétaire, Donald Martin, a même contacté Coca-Cola pour leur proposer de financer le remplacement de son enseigne à l'effigie de Pepsi. Il attend présentement une réponse.

La mobilisation à venir

Les militants n'ont pas encore décidé de la suite de choses; ils attendaient toujours une réponse de Pepsi aujourd'hui. Frédéric Houle explique qu'ils avaient encore un petit espoir que l'on trouve une solution pour les emplois perdus.

Les pourparlers avec Pepsi ont duré environ deux semaines. Une première rencontre a eu lieu le 2 juin entre le maire local Michel Adrien, le député de la région Sylvain Pagé et la compagnie. Ils ont continué à négocier au téléphone une à deux fois semaine, selon M. Houle.

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Finalement, Pepsi a tranché : le centre reste fermé pour de bon - une décision que j'ai d'ailleurs apprise à Frédéric Houle à la suite de la réception du courriel. Quatre emplois seront sauvés. Le directeur du CLD m'a assuré que la mobilisation se poursuivrait.

Une réunion prévue lundi prochain à la microbrasserie locale sera l'occasion de mieux s'organiser. Plusieurs stratégies ont été proposées déjà; certaines sont assez audacieuses - les intervenants rencontrés m'ont néanmoins explicitement demandé de ne pas les rendre publiques pour le moment.

Ils souhaitent en outre étendre le boycott à d'autres régions des Laurentides. Des lettres ont été envoyées aux mairies pour les inciter à se joindre à la lutte de Mont-Laurier. Le propriétaire du Dépanneur Therrien souhaite pour sa part que tout le Québec se mobilise.

Le jeu en vaut la chandelle

« C'est important d'être solidaire, parce que l'économie des régions est fragile. Mais je ne suis pas certaine que ça va avoir un impact sur la compagnie », me lançait hier Michèle, une dame attablée dans un café de Mont-Laurier.

Elle a un bon point. PepsiCo a généré des revenus de 63 milliards de dollars l'an dernier. Leurs produits sont vendus dans plus de 200 pays. Ils possèdent également les produits Lays, Tropicana, Quaker et Gatorade, pour ne nommer que ceux-là.

Même si Mont-Laurier ne buvait plus jamais une seule goutte de Pepsi, l'impact dans les finances de la multinationale serait infime.

Frédéric Houle est bien conscient de cette réalité. Il ne compare même pas son combat à un David contre Goliath. « Même David est plus grand que nous, dans ce cas-ci! », lance-t-il à la blague.

Pour lui, le combat vaut la peine, car la mobilisation pourrait faire reculer d'autres entreprises qui considèreraient quitter la région.

Il donne l'exemple d'une entreprise de distributions de produits - sans vouloir la nommer - qui, selon les rumeurs, était sur le point de mettre la clé dans la porte. Il raconte qu'avec toute la mobilisation en cours, non seulement la compagnie a assuré qu'elle ne comptait pas fermer ses portes, mais elle a également affirmé qu'elle allait ajouter des emplois.

Le but ultime, selon lui, c'est d'envoyer le message que Mont-Laurier, c'est une région forte et solidaire.