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Culture

Une artiste a utilisé la vidéo-surveillance comme machine à selfies

Pendant un mois, à Liverpool, Jill Magid a collaboré avec la CCTV pour un projet d’auto-surveillance troublant.
Jill Magid: Trust (2004) from Evidence Locker. Edited CCTV footage.

L’ubiquité des technologies de surveillance publique a été renversée par l’artiste américaine Jill Magie dans son travail de 2004, Evidence Locker. Archives de vidéos et de correspondance électronique, cette production qui interroge autant le social que la technologie, a été réalisée en coopération avec le système de vidéo-surveillance de Liverpool et ses employés. Considérant les caméras comme des éléments d’une relation personnelle avec les autorités municipales, et consignant sa propre surveillance, le résultat est un exercice captivant et mystérieux de partage sans limite, un autoportrait dessiné par les technologies.

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Magid a ainsi chroniqué un mois à Liverpool, durant lequel elle était en communication avec les opérateurs de la CCTV, le système de vidéo-surveillance britannique. Elle a soigneusement mis en scène ses apparitions dans l’espace public, filmés par les caméras de video-surveillance. Identifiée par un imperméable rouge vif, elle appelait la police pour se localiser et leur demandait de la filmer. Elle est même allée jusqu’à se bander les yeux et leur demander de la guider dans les rues.

Jill Magid, Control Room (détail), Evidence Locker, 2004

« À 13h, je vous ai appelé, pouvez-vous me voir ? Je suis près de la statue de cheval. – Vous portez un manteau rouge ? – Oui. – Je vous ai. » En tout, elle a déposé 31 demandes officielles pour récupérer les prises de vue et les a ensuite assemblées comme des entrées de journal intime et des lettres d’amour candide disponibles par inscription électronique sur un site dédié.

Le prologue de son récit donne un aperçu éclairant et évoque l’étrangeté inhérente au projet, s’adressant à la municipalité tout en impliquant le spectateur. « Cher observateur, faites-moi un journal et gardez-le dans un endroit sûr. Prenez-en soin, c’est le mien. Gardez cette photo de mon visage. Gardez toutes les entrées en ordre. Mettez les lettres dans vos fichiers et les images dans votre dossier de preuves. Vous pouvez modifier tous les autres. Je remplirai les blancs, les parties manquantes de mon journal. Comme vous ne pouvez pas me suivre de l’intérieur, je vais l’enregistrer pour vous. J’indiquerai soigneusement le temps pour que vous ne me perdiez jamais. Ne vous inquiétez pas, vous me trouverez. Je vous aiderai… Cordialement, JSM. »

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Jill Magid, Sample Online Email Archive, Evidence Locker, 2004

En définitive, les vidéos Trust (à 17:44, lorsqu’elle se bande les yeux) et Final Tour (à 3:00, quand elle organise sa propre couverture) transforment Big Brother en collaborateur intime, offrant aux détracteurs de la vidéo-surveillance de nouvelles perspectives, dans un projet qui n’a fait que croître depuis qu’elle l’a commencé. Magid a dévoilé son intimité d’un manière saisissante et troublante, laissant le spectateur-voyeur sans rien d’autre que sa seule adresse e-mail.

Jill Magid Final Tour, Evidence Locker, 2004

Evidence Locker est à voir cet été à la Kunst Halle de Saint-Gall en Suisse, au San Francisco Art Institute et pour la Oslo Architecture Triennale. Pour retrouver tout le travail de Jill Magid, cliquez ici.