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Sports

Pigeons morts et montgolfières : souvenons-nous des Jeux olympiques de Paris en 1900

Les Jeux olympiques de 1900 furent considérés comme un échec à l'époque. Mais ils gardent une importance significative pour leurs avancées en termes de féminisme et de lutte contre le racisme. On oubliera par contre les centaines de pigeons morts.

En 2016, les Jeux olympiques font partie des plus grands événements de la planète. Aussi bien pour les exploits des meilleurs sportifs et sportives du monde, que pour les derniers scandales de corruption et de dopage, les JO sont un spectacle global qui attire des milliards de téléspectateurs. Peu de logos sont aussi reconnaissables que les anneaux olympiques, peu d'ambassadeurs aussi connus qu'Usain Bolt.

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Mais les Jeux olympiques n'ont pas atteint leur rayonnement universel du jour au lendemain. Il y a un siècle, quand les Jeux olympiques modernes n'en étaient qu'à leurs débuts, on se demandait même jusqu'à quand ils allaient durer. En réalité, les Jeux olympiques de 1900 à Paris, qui débutèrent le 14 mai dans la capitale française, ont même semé le doute dans l'esprit du Comité international olympique. Le président du CIO se demandait ainsi à l'époque si les Jeux allaient continuer sur le long terme.

Les JO de 1900 étaient les deuxièmes Jeux olympiques internationaux de l'ère moderne après une première édition en 1896 à Athènes.

Ce n'était cependant pas le plan initial : l'homme qui a ravivé la flamme olympique voulait que les Jeux de 1900 soient les JO de la résurrection. Pierre de Coubertin était ainsi un aristocrate français avec une affection particulière pour la Grèce antique. Cela, combiné avec sa volonté de rendre les Français robustes physiquement en cas de guerre, a été déterminant dans sa volonté de faire revivre les Jeux olympiques. Même s'il n'était pas la seule personne impliquée dans cette histoire, de Coubertin est resté comme le père des Jeux olympiques modernes.

En juin 1884, un congrès est ainsi tenu à la Sorbonne, où de Coubertin présente ses plans. Ceux-ci furent acceptés, et de Coubertin suggéra que ces Jeux inauguraux se tiennent dans sa ville en même temps que l'Exposition universelle de Paris en 1900.

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Mais de Coubertin avait tellement motivé ses troupes à propos des Jeux olympiques, que les autres délégués ne voulaient pas attendre six ans avant de commencer. Athènes fut donc choisie pour ses liens historiques avec les Jeux, alors que Paris fut désignée pour accueillir la deuxième édition quatre ans plus tard.

Pierre de Coubertin et sa moustache olympique // Image via Wikipedia

De Coubertin est devenu président du CIO en 1886, mais les Jeux qui suivirent dans sa ville natale ne furent pas un succès. La présence de l'Exposition universelle fit de l'ombre aux jeunes Jeux olympiques, le CIO ne gardant pas totalement le contrôle sur ces Jeux. Plusieurs sports furent ainsi pratiqués à Paris en 1900, mais tous ne faisaient pas partie des Jeux. Certains étaient indéniablement des sports, d'autres ne l'étaient pas, alors que certains autres étaient dans une zone grise. Des événements non-officiels incluaient ainsi du secourisme, de la montgolfière, des exercices de pompiers ou de la colombophilie.

Ces événements soulèvent pas mal de questions - les pigeons victorieux recevaient-ils des médailles d'or ? - mais ces Jeux n'étaient pas seulement extravagants. Ils furent ainsi les premiers à autoriser la présence d'athlètes féminines. De Coubertin pensait que leur présence aux Jeux de 1896 aurait été « incommode, inintéressante, inesthétique et incorrecte ».

En 1900, des femmes ont ainsi pu concourir dans les compétitions de golf et de tennis. Il paraît aussi qu'elles furent autorisées en équitation et au croquet.

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Mais c'est en voile que la première médaille fut décernée à une femme. À Hélène de Pourtalès, membre de l'équipage qui remporta la médaille d'or dans la classe des 1-2 tonneaux.

Mais l'avancée la plus significative fut la première victoire d'une femme lors d'une compétition individuelle. C'est Charlotte Cooper qui en est responsable, en battant la Française Hélène Prévost 6-1, 6-4 dans le tournoi de tennis féminin. Cooper remporta aussi le double mixte en compagnie de son compatriote Reginald Doherty.

Cooper connaissait déjà bien le succès à l'époque : au moment des Jeux olympiques de 1900 elle avait déjà joué six finales de Wimbledon, pour trois victoires. Elle en gagna deux autres par la suite, et, en plus de ça, vécut jusqu'à 96 ans.

Les Jeux de 1900 se sont aussi distingués par une autre première, qui, heureusement, fut aussi une dernière. Pour la seule fois dans l'histoire de l'olympisme, de vrais oiseaux furent utilisés pour un concours de ball-trap. Plus spécifiquement, les participants devaient tirer sur des pigeons qui s'envolaient.

Pour faire clair, et sans édulcorer le tableau : le but était de tirer et de tuer autant d'oiseaux que possible. Six étaient lâchés en même temps, les participants étant éliminés dès qu'ils en avaient raté deux.

Environ 300 pigeons furent tués au total, ce qui a dû laisser un joli tableau de plumes et de sang sur le sol parisien. C'est peut-être d'ailleurs pour cette raison que cette compétition ne fut pas reconduite lors des Jeux suivants à St. Louis, ni dans tous les JO d'après.

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Loin de ce bain de sang, d'autres compétitions ressemblaient plus à des fêtes foraines qu'au nec plus ultra du sport international. Le tir à la corde par exemple, fut un sport olympique pour la première fois lors des Jeux de 1900, et le resta jusqu'en 1920. Une compétition de croquet était aussi organisée. Elle continua en 1904 même si la version du jeu fut américanisée.

Le tir à la corde olympique en 1900 // Image via Wikipedia

Les Jeux de 1900 furent aussi les premiers à inclure le rugby. La version à XV fut de nouveau inscrite en 1908, 1920 et 1924, avant de disparaître pendant une bonne partie du siècle. Le rugby reviendra cette année - mais à VII - aux Jeux de Rio.

Ce tournoi de rugby de 1900 fut lui aussi l'occasion d'une première : la première médaille d'or remportée par un athlète noir, le Franco-haïtien Constantin Henriquez. La France remporta ainsi la compétition en battant la Grande-Bretagne puis l'Allemagne. Henriquez serait aussi le premier participant noir de l'histoire des Jeux olympiques.

Selon le CIO, 24 pays étaient représentés lors de ces Jeux, les historiens indiquant que bien d'autres nationalités étaient présentes dans le public de la compétition. C'est la France qui domina le tableau des médailles avec 101 breloques, 26 d'entre elles étant d'or. Les Etats-Unis finirent deuxièmes, la Grande-Bretagne, troisième.

Au final, les Jeux de 1900 furent éclipsés par l'Exposition universelle, un événement beaucoup, beaucoup plus connu à l'époque. De Coubertin admît des années plus tard avoir eu peur pour le futur des JO. Les Jeux suivants à St. Louis, qui se tenaient aussi en même temps qu'une Exposition universelle, furent encore moins une réussite. Les Jeux olympiques auraient ainsi pu tomber dans l'oubli sans l'organisation des Jeux olympiques intercalaires de 1906. Se tenant à Athènes, ceux-ci ne furent pas éclipsés par un autre événement. Ils furent aussi organisés en suivant un programme de plus courte durée, ce qui fît le succès des éditions suivantes. De Coubertin resta président du CIO jusqu'aux Jeux de 1924, qui virent les Jeux revenir à paris avec beaucoup plus de succès.

Les Jeux de 1900 furent peut-être un échec à l'époque, mais ils restent tout de même significatifs historiquement pour avoir cassé des barrières liées au sexe ou à la couleur de peau. Ce sont des réussites qu'il est toujours bon de rappeler. Par contre, il vaut peut-être mieux oublier les compétitions où l'on tuait des centaines de pigeons vivants.