Ce que l'évolution des sponsors nous apprend du développement de la Premier League
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Ce que l'évolution des sponsors nous apprend du développement de la Premier League

En 20 ans de Premier League, les sponsors maillots des clubs anglais sont passés de magasins de bricolage à des sites de paris sportifs.

Les mains sur le buzzer. Attention top. Quel est le lien entre ces différente boîtes : Packard Bell, Eidos, One2One, les chips Walkers, Elonex et BT Cellnet ?

La réponse est simple pour tout geek du championnat anglais : ces marques ont toutes orné les maillots de clubs de milieu de tableau de Premier League durant les années 1990. Respectivement Leeds United, Man City, Everton, Leicester, Wimbledon et Middlesbrough, bravo aux gagnants.

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Si la mention de ces entreprises-là fait directement émerger dans votre cerveau des images nostalgiques d'un Juninho Paulista ou d'un Gary McAllister, soyez rassurés, vous n'êtes pas seuls. Un rapide coup d'œil aux sponsors qui ont défilé sur les maillots anglais rappelle de bons souvenirs. En y regardant de plus près, on s'aperçoit que l'envolée supersonique de la première division anglaise peut se lire à travers la suite de logos placardés sur les abdos british.

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Pour les plus gros clubs anglais, les accords de sponsoring ont toujours eu tendance à être de nature plutôt internationale : le premier sponsor du pays a été le conglomérat japonais Hitachi sur les maillots de Liverpool en 1979. Mais en dehors des clubs de l'élite, les sponsors maillots des débuts étaient la plupart du temps des sponsors locaux. Les concessionnaires du coin étaient souvent de la fête : le premier sponsor de Middlesbrough fut Datsun Cleveland, celui de Portsmouth South Coast Fiat. Mais c'était le top du glamour en comparaison avec d'autres clubs. Le premier sponsor de Sheffield Wednesday fut ainsi les cuisines Crosby de Rotherham, tandis que Bradford a eu droit au dealer de yoyos qu'était M.E. Norman Toy City.

En 1992, la première division anglaise est devenue la Premier League, et les clubs ont commencé à aller voir ailleurs pour ramener de l'argent, mais pas si loin que ça. Lors de la première année de la toute jeune Premier League, 13 sponsors maillots étaient encore des entreprises basées au Royaume-Uni (contre 4 de nos jours).

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De plus, huit de ces compagnies étaient situées dans des zones proches du club, que ce soit Draper Tools, une entreprise de bricolage de la côte sud (pour Southampton), la station de radio londonienne LBC (Wimbledon), ou les fabricants d'ordinateurs Sanderson (Sheffield Wednesday). Et en encore plus pittoresque, pendant une décennie (jusqu'en 1995), les maillots de Sheffield United étaient sponsorisés par le négociant en bois Laver, situé dans le Yorkshire du sud. Le magasin d'équipement sportif JD Sports, qui n'était alors qu'une simple boutique au détail à Bury, a sponsorisé Oldham durant leurs deux années de Premier League.

Heureusement, le phénomène a continué lors des premières années de la Premier League : Ipswich Town a conclu un accord de dix ans avec l'entreprise locale de chimie Fisons avant de les délaisser pour les brasseurs du Suffolk Greene King, alors que Norwich City affichait le logo de la Norwich & Peterborough Building Society jusqu'en 1997.

Les sponsors locaux ont été les témoins silencieux des moments les plus légendaires de cette période-là. Quand un Roy Keane encore adolescent s'est pris un coup de poing par son entraîneur Brian Clough pour une passe au gardien trop molle lors de la finale de FA Cup 1991, il portait le logo de Shipstones, une brasserie de Nottingham. La performance exceptionnelle du gardien Ludek Miklosko pour West Ham contre Manchester United lors de la dernière journée du championnat 1994-95 a permis à Blackburn de remporter le titre. Il l'avait réalisée avec, sur le maillot, le nom du concessionnaire de l'est londonien Dagenham Motors.

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Un sponsor local a aussi été responsable de l'un des plus beaux maillots de l'histoire. Goodyear, le fabricant de pneus de Wolverhampton, était non seulement sur le maillot des Wolves circa 1992/93 avec son nom, mais aussi avec de fausses traces de pneus très osées. Un design qui a été malheureusement abandonné dès la saison suivante.

La légende des Wolves Steve Bull avec le maillot 92/93. | Photo PA

Et même quand les entreprises n'étaient pas vraiment du coin, les accords de sponsoring lors des premières années de Premier League sont restés assez sobres. Malheureusement, on n'a pas pu admirer en première division les maillots de Scunthorpe United en 1994-95, quand ils portaient haut les couleurs du parc aquatique Pleasure Island (L'île aux plaisirs), ni celui de Scarborough Town en 1991-92 qui avait fait le choix d'être sponsorisé par la marque Black Death Vodka. Mais on a eu droit à une association bizarre dans l'élite : QPR et Classic FM. Le partenariat - qui a sûrement dû être le résultat d'un brainstorming acharné à un moment donné - n'a pas duré longtemps. Mais on a pu apprécier un Ray Wilkins vieillissant, la calvitie bien installée, courant n'importe comment dans Loftus Road tout en faisant la promotion de la radio la plus soporifique d'Angleterre.

Mais hélas, il s'agit là d'une époque bien différente d'aujourd'hui. Si on les compare à celles d'il y a vingt ans, les compagnies qui se sont appropriées un espace publicitaire sur les maillots des clubs de première division peignent un portrait très différent du sport. Il se peut que les ventes de télés Sharp aient augmenté à Manchester et dans ses alentours durant les années 1990. Mais il semble assez improbable que des habitants de Salford se ruent chez leur concessionnaire pour essayer des Chevrolet depuis le contrat mirobolant signé en 2014. Le rapport supporter/sponsor est assez similaire du côté de Liverpool, où on imagine mal les habitants du coin se rendre à la banque d'investissement mondialisée Standard Chartered, pour peu qu'il y en ait.

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Et ce ne sont pas que les clubs les plus établis qui ont des sponsors destinés aux riches. Swansea City, qui n'était pas loin de la cinquième division il y a quelques années, arbore désormais le logo du consortium financier hongkongais GWFX.

Un coup d'œil aux sponsors actuels confirme l'une des tendances les plus récentes du sport : le football de haut niveau est intimement lié aux grandes plateformes de paris en ligne. Si vous ne vous en étiez pas rendu compte avec toutes les pubs qui défilent pendant les mi-temps des matches du championnat anglais, notez que plus d'un tiers des maillots de Premier League est décoré du logo d'une compagnie de paris sportifs en ligne (et si ça intéresse les comptables qui nous lisent : cinq de ces sept firmes sont basées soit à Gibraltar, soit à Malte, soit aux Philippines).

West Ham United fait partie des adeptes du pari sportif. | Photo PA

Et juste derrière les entreprises de paris sportifs, il y a les compagnies d'aviation. Plus précisément Emirates et Etihad Airways : deux entreprises affiliées à un Etat du Golfe pas vraiment au point question respect des droits de l'homme. Leur expansion financière vers le football anglais n'est qu'un aspect d'un projet en cours plus large qui vise à resserrer les liens géopolitiques avec les pays occidentaux.

Mais pas besoin de regarder seulement les entreprises étrangères au Royaume-Uni pour y trouver des éthiques douteuses : l'un des derniers sponsors locaux est Wonga (pour Newcastle), une boîte plutôt haïe dans le pays, qui propose des crédits à court terme à des taux révoltants.

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Il ne reste donc que quelques rares sponsors britanniques sur les maillots de Premier League, mais ils comportent souvent des astérisques. Bet365 est présent sur les maillots de Stoke City uniquement parce que Peter Coates est président à la fois de l'entreprise de paris sportifs et du club de foot. Le sponsor de Southampton, l'entreprise d'électronique Veho, a son siège social dans la ville, mais possède aussi des bureaux à Dubaï, New York et Hong Kong. On est loin des jours des magasins de bricolage Draper Tools et de Cristal Tiles, l'un des premiers sponsors de Stoke.

Au final, la leçon à tirer de ces "comparaisons avant-après" n'apporte pas grand chose de neuf. La Premier League s'est marketée à travers la planète à la même vitesse que la mondialisation.

La liste des sponsors actuels de maillots reflète simplement désormais le fait que la Premier League a un pouvoir d'attraction international, les espaces publicitaires sur les maillots étant la suite logique de cela. Désormais, seules les multinationales les plus fortunées peuvent se payer le luxe d'apparaître sur un maillot de Premier League.

Aston Villa est sponsorisé par les logiciels de comptabilité QuickBooks | PA Images

En retour, on a droit évidemment à des footballeurs hyper talentueux venus des quatre coins du monde. Pendant que West Ham passait de Steve Lomas à Dimitri Payet, ils ont aussi échangé Dagenham Motors pour Betway Online Gambling Group. Leurs revenus provenant uniquement des sponsors maillots étant dans le même temps multipliés par 60.

On parle rarement des accords de sponsoring comme la cause principale de la fin du romantisme dans le football de haut-niveau : après tout, cela a toujours été par nature des initiatives à but lucratif, et cela ne s'accorde pas généralement avec l'idée de romantisme. Mais beaucoup des accords de l'époque proposaient au moins une connexion réelle, visible - et économique - entre un club et sa communauté locale : ce lien spécial qui a été perdu avec l'explosion du foot-business. Ce coup d'œil dans le rétro offre donc une sorte d'histoire en images de ce processus.

Il reste de l'espoir cependant. Hull City a été promu en Premier League à l'intersaison. Conséquemment, l'équipe de Steve Bruce a ramené dans l'élite anglaise le meilleur sponsor de l'histoire : celui du complexe de loisirs dédié aux animaux Flamingo Land. Voila la dernière lueur d'espoir.