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​Le jour où la sélection nationale de Zambie a voyagé au bout de l'enfer

Le 27 avril 1993, le football africain a été secoué par l'un des plus grands drames de son histoire. 22 membres de la sélection de la Zambie, parmi lesquels 18 joueurs et quatre entraîneurs, trouvaient la mort dans un crash aérien.
Imagen vía Reuters

Tous les jeudis, VICE Sports revient sur un événement dans l'Histoire du sport qui s'est déroulé à la même période de l'année. C'est Throwback Thursday, ou #TBT pour vous les jeunes qui nous lisez.

Sous un soleil écrasant, les joueurs zambiens, armés de fleurs rouges et oranges, déambulent tristement sur la plage de Libreville. Ils entonnent une chanson traditionnelle, en hommage aux trente victimes du crash aérien de 1993, le regard porté vers la mer. A quelques mètres des premières vagues, les membres de la délégation zambienne, conduite par le sélectionneur Hervé Renard, déposent les gerbes funéraires. Nous sommes en février 2012, à quelques jours de la finale de la Coupe d'Afrique des Nations contre la Côte d'Ivoire. Noyé dans le cortège, un type a le cœur plus serré que les autres.

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C'est Kalusha Bwalya, le capitaine de la sélection défunte en 1993. Alors retenu aux Pays-Bas par son club du PSV Eindhoven, il avait vécu de loin ce drame national. Neuf années plus tard, foulant le sable meurtrier, il déclare, la voix tremblotante et altérée par l'émotion :

« Ce n'est pas une coïncidence de se retrouver ici. En 1993, les Chipolopolos (surnom des joueurs zambiens, ndlr) sont venus dans cette ville pour tenir une promesse. Ils n'ont pas réussi mais ont donné leur vie pour une noble cause, le rêve d'apporter la gloire à leur pays, la Zambie. C'est la même cause qui nous a amenés ici. La seule différence, c'est que nous sommes vivants alors que mes anciens partenaires ne sont plus là. Mais leurs rêves sont désormais les nôtres. »

Ce jour-là, les paroles de Kalusha Bwalya ont été entendues. Quelques jours après, la Zambie remporte la première Coupe d'Afrique des Nations de son histoire.

L'histoire du ballon rond est entachée d'une flopée de catastrophes meurtrières. Le drame du Heysel, les tragédies de Furiani et Hillsborough – pour ne citer qu'elles – ont fait couler bien des larmes et du sang autour du rond de cuir. Dans la famille des drames liés au foot, le crash aérien des Zambiens reste trop souvent occulté. Peut-être parce-que la population zambienne, elle-même, ignore encore ce qu'il s'est réellement passé. En avril 2013, à l'occasion de la commémoration des vingt ans de l'accident, Elijah Ngwale, le directeur du programme zambien pour les Droits de l'Homme, avait rappelé que le gouvernement de son pays n'avait toujours pas divulgué publiquement le rapport du crash. Que sait-on, alors, des circonstances qui ont amené l'avion de la Zambia Air Force à s'écraser au large de la côte gabonaise?

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Un seul scénario a toujours fait consensus : une escale à Libreville (au Gabon), puis un décollage – engagé malgré des défaillances constatées – qui foire, un pilote qui coupe l'un des moteurs par erreur, puis les eaux sombres et profondes. Les Aigles zambiens n'ont jamais rallié jamais le Sénégal, où un match éliminatoire pour la Coupe du Monde 1994 les attendait.

Ce jour du 27 avril 1993, vingt-deux zambiens ont trouvé la mort. Godfrey Chitalu, alors sélectionneur et toujours recordman du nombre du buts inscrits dans une année civile (107, et donc devant Messi), faisait partie du convoi macabre. Au contraire du miraculé Kalusha Bwalya, désigné par la force des événements pour catalyser la renaissance d'une équipe nationale décimée, dans un pays déchiré par la douleur.

L'équipe nationale de Zambie lors des commémorations en 2012. Crédit : Reuters.

Lorsqu'il se retrouva sur la plage de Libreville, au moment de prononcer son discours humide et poignant, Kalusha Bwalya a dû prendre la mesure du chemin parcouru depuis la catastrophe. Le déchirement, la reconstruction, puis la victoire. En 1993, au moment du crash, le capitaine des Chipolopolos est retenu aux Pays-Bas et est sommé de rejoindre ses coéquipiers dès leur atterrissage sur le sol sénégalais. Il ne les a jamais revus.

Malgré sa douleur, Kalusha Bwalya accepte de reconstruire une équipe : « Cette décision fût prise par le gouvernement, la fédération, et le peuple, a-t-il expliqué plus tard. J'étais l'ancien capitaine, et nous partagions le même objectif : participer à la Coupe du Monde ». L'effectif regroupé à la hâte n'a pas accompli pas cet objectif ambitieux, mais a réussi miraculeusement à atteindre la finale de la CAN en 1994. Les Chipolopolos seront battus 2-1 par le Nigéria, à l'issue d'une défaite aux allures de victoire retentissante. Kalusha Bwalya, le héros du football zambien, a conduit une équipe montée de toutes pièces au sommet de l'Afrique.

Près d'une décennie plus tard, Hervé Renard offre sa première CAN à la Zambie. Sur la plage de Libreville, quelques jours avant le triomphe de son groupe, l'ex-entraîneur de Sochaux avait soufflé : « Quand une équipe de remplaçants est capable d'aller en finale en 1994, on se dit que le football est aussi une question de mental et de psychologie. A nous de nous en servir. Je sens que, quelque part, le nom de la Zambie est marqué ici. »

Il faut croire que c'était écrit.