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Sports

Comment le FISE pourrait changer la scène du BMX en Croatie

Le Festival international des sports extrêmes a fait étape à Osijek en Croatie. L'occasion, peut-être, de booster une scène locale qui mangue cruellement de skateparks.

Ils roulent à quelques dizaines de mètres de "Copacabana", la plage locale du bord de la Drave. Le site de la compétition est un peu plus loin : on entend encore l'EDM qui rythme tous les après-midis du Pannonian Challenge, la compétition qui mêle skate, roller, BMX et musique, créée à Osijek il y a 17 ans. Eux préfèrent exploiter l'un des rares spots de street de la ville, sorte d'amphithéâtre en pierres qui forme un virage relevé. La veille, cette bande de potes, venus des quatre coins de la Croatie pour tenter sa chance, s'est faite éliminer du contest amateur. Il faut dire qu'avec plus de soixante inscrits dans leur catégorie, il fallait déjà avoir un niveau plus que respectable pour décrocher l'une des douze places de la finale. D'autant que, d'après Dominik, Luka et les autres, il n'y a pas vraiment de structures adéquates dans le pays pour s'entraîner. « La scène est pas terrible, c'est tout petit. Il n'y a pas de skatepark couvert, pas de magasin de BMX », déplore un premier. « En Croatie, on a maximum 100 riders. En comptant les kids », enchaîne un autre.

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Dans un sport où tout débute généralement loin du regard des fédérations et des clubs sportifs, difficile, d'imaginer une scène émerger sans un tissu de shops et de contests locaux. Et après un boom au début des années 2000, la Croatie semble repartie de zéro depuis que les anciens ont raccroché les gants et que personne n'a pris la relève. « Le Pannonian a rendu le BMX plus populaire. Les gens viennent des États-Unis, de République tchèque… », explique un rider à propos de la plus grosse compétition du pays. « Mais, intervient un autre, ça n'apporte rien aux riders croates. C'est mieux pour eux, pour les pros, pour l'industrie ou les médias, d'un point de vue international. Mais pas pour les riders qui ne sont pas pros. »

Une situation qui ne devrait pas durer à en croire Roberta Zorinic, l'attachée de presse du Pannonian Challenge. « Le BMX se développe bien dans le nord de la Croatie. On a aussi beaucoup de riders à Osijek parce qu'on a le meilleur skatepark du pays. Et avec le FISE, les gens vont voir qu'on est capables de faire ces choses qui se développent dans le monde entier, qu'il n'y a pas que les X Games, et que la Croatie peut accueillir ce genre d'événements », explique la jeune femme. Grâce à sa réputation, le Pannonian Challenge a d'ailleurs pu faire construire un nouveau skatepark, avec l'aide de la ville — c'est sur celui-ci, accessible à l'année, que se tient désormais la compétition annuelle. Roberta poursuit : « On a parlé avec Marin Rantes (Marin Rantes est le seul rider pro de Croatie, ndlr), et on a évoqué la possibilité de faire ce skatepark encore plus grand, avec plus de modules et il m'a dit que c'était déjà un super endroit pour s'entraîner. Il m'a dit qu'il viendrait sans doute s'entraîner ici avec ses amis, parce qu'il vit dans le nord de la Croatie et ils n'ont pas de parks, même en extérieur. » D'ailleurs, le rider professionnel voit aussi d'un bon œil l'arrive du FISE dans la région : « C'est la première fois qu'il y a un circuit coupe du monde de BMX et ça passe par Osijek, donc c'est vraiment bien pour le BMX en Croatie », explique le jeune homme, éliminé prématurément suite à une crevaison.

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Photo via Instagram.

Le Pannonian Challenge, c'est une histoire presque aussi vieille que le FISE, le Festival des sports extrêmes créé près de Montpellier il y a bientôt 20 ans et qui fait étape dans la quatrième plus grosse ville de Croatie. Avec ses 90 000 habitants et ses rues en travaux désertes, la capitale économique de la Slavonie a plutôt des airs de gros bourg. Ses habitants fuient la chaleur écrasante de la mi-juillet en se cloîtrant chez eux ou en étalant leurs serviettes sur les bords de la Drave, qui se jette dans le Danube un peu plus loin. Si la rivière n'était pas aussi sombre et gonflée, j'aurais du mal à croire ce que m'a dit Éric, le responsable médias du FISE, le lendemain de mon arrivée : « Toutes les épreuves ont été annulées, sauf le BMX. » La faute à un orage dantesque, dont les dégâts sont encore visibles : partout, des troncs d'arbres, des souches déterrées jonchent les bords de l'eau — dans l'enceinte du festival, des sessions de sculpture à la tronçonneuse ont même été improvisées.

Le FISE s'en tire bien et pourra mener à terme sa première collaboration avec les Croates, mais c'est un coup dur pour ces derniers, dont l'événement à la réputation nationale en prend un sacré coup. C'est à leur initiative que le FISE est venu se greffer au Pannonian Challenge : Jurica Barac, ancien pro–rider de BMX aujourd'hui ''general manager'' de l'événement, est venu demander l'aide de ses comparses français, bien décidé à faire de son événement un rendez-vous international. « "Jura" avait entendu dire que l'Union cycliste internationale allait faire un circuit de coupe du monde. On est allés à la réunion et il a proposé au FISE d'intégrer Osijek au tour. Ils ont trouvé que c'était une super idée, parce qu'on avait déjà 16 ans d'expérience et de succès : on amenait 20 000 spectateurs dans cette petite ville, soit quasiment 25% de la ville, c'est énorme. » « C'est plus eux qui ont besoin de nous que l'inverse », glisse d'ailleurs un cadre dirigeant montpelliérain pour résumer la situation. Il est vrai qu'avec des étapes prévues aux États-Unis, au Canada et en Chine, dans les mois à venir, cette escale croate a des allures de tour de chauffe pour les Montpelliérains.

Photo Maxime Brousse.

L'une des grosses différences entre les événements organisés par le FISE et ce Pannonian Challenge, c'est son entrée payante. Pourtant, dès la tombée de la nuit, les gradins sont pleins. Les Croates manquent peut-être un peu d'infrastructures, mais pas de public. Bientôt, les insectes pleuvent sur le park comme sur un stade un soir de finale de l'Euro. Ce qui ne semble pas déranger outre-mesure les 12 qualifiés. Parmi eux, le Vénézuélien Daniel Dhers. Avec ses cinq victoires consécutives entre 2010 et 2014, le type fait office de local. Dans le dossier de presse de l'événement, on apprend que le pro de 31 ans est surnommé ''La Machine''. Pourtant en finale, c'est clairement la star de la discipline, Logan Martin, qui a des allures de T1000. C'est propre, c'est technique, c'est impressionnant. Avant ses runs, on le sent concentré comme un descendeur. Pas question pour lui de céder aux rituels des sports de glisse, de checker ses adversaires ou d'applaudir leurs meilleurs tricks. On sent un type concentré sur son objectif mais si vous voulez mon avis, c'est un petit peu chiant à regarder. Parfois, la perfection manque de panache. Pas question, en revanche, de dire que sa victoire est volée. Logan Martin domine sa discipline, c'est indiscutable. À tel point qu'on s'inquièterait presque, dans les instances dirigeantes du FISE : le tour compte encore trois étapes, et on ne voudrait pas qu'un rider avec trop d'avance vienne gâcher le suspense…