FYI.

This story is over 5 years old.

foot

« Il va finir par y avoir un mort »

Arbitre de foot amateur, Yassine Sahli a été agressé sur le terrain, dimanche 25 février. Ce vendredi, il se rend à la FFF pour remettre sa licence et son sifflet – et déposer sa démission.
Photo : Nicolas Tucat / AFP

Après une carrière de footballeur amateur achevée à Corbeil-Essonnes, je suis devenu arbitre il y a deux ans. Mais aujourd’hui, j’ai décidé d’arrêter. Ce boulot, je ne l’ai jamais fait pour les 76 euros de défraiement par match, mais par passion. Or, de la passion, il n’y en a plus. Chaque week-end depuis deux ans, je me fais insulter par les joueurs, les entraîneurs, les spectateurs… Je ne supporte plus cette violence, je ne reconnais plus ce sport que j’ai tant aimé.

Publicité

À mon époque, l’arbitre était respecté, écouté et les joueurs redoutaient vraiment de prendre un carton. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Dans le football amateur, les 22 joueurs présents sur le terrain se prennent pour des arbitres… Bien sûr, il y en a des respectueux. Mais il y a aussi des vicelards qui attendent que l’arbitre se retourne pour insulter ou frapper. Et d’autres qui n’en n’ont jamais rien eu à faire du foot et ne sont là que pour la baston.

« Dès le coup d’envoi, les insultes ont fusé : "Fils de pute !", "Nique ta mère !" »

Dimanche dernier, le 25 février, le match de Départemental 4, entre Vert-le-Grand et Arpajon, a été pour moi la fois de trop. Ce sera mon dernier match en tant qu’arbitre. Dès le coup d’envoi, les insultes ont commencé à fuser et dès la première faute que j’ai sifflée, j’en ai pris plein la gueule, à base de « Fils de pute » et « Nique ta mère ». Au bout de 20 minutes de jeu, j’ai sanctionné l’entraîneur de Vert-le-Grand d’un carton rouge pour son attitude. A la mi-temps, alors que son équipe menait 2-0, il a continué de m’insulter. J’ai sorti deux autres cartons rouges durant la seconde période, pour un joueur de Vert-le-Grand, et pour le président du club qui m’a quand même lancé : « Donne-moi l’occasion de te casser la gueule ». La tension est encore montée d’un cran lorsque ces deux-là ont voulu entrer sur le terrain pour « s’expliquer » avec moi. J’ai alors décidé d’interrompre le match.

En entrant dans les vestiaires, je me suis fait agresser par le président de Vert-le-Grand et un des joueurs que j’avais exclu pendant la rencontre : coups de poing, coups de pied, je suis tombé au sol, j’ai perdu connaissance. J’ai été transporté à l’hôpital de Corbeil-Essonnes. Diagnostic ? Un traumatisme crânien et cervical. Et 10 jours d’ITT pour violences volontaires aggravées. Depuis, je suis toujours sous le choc : je dors peu, j’ai l’impression que mon cerveau me réveille par peur d’une nouvelle agression.

« Pour moi, le foot, c’est fini. Je n’ai même pas regardé le dernier PSG-OM à la télé »

Pour moi, c’est terminé. Le petit arbitre amateur que je suis va se rendre ce vendredi 2 mars à la Fédération Française de Football pour déposer la démission, rendre ma licence et mon sifflet, et alerter les dirigeants sur l’explosion de violence qui gangrène le foot amateur. J’espère que mon geste leur fera prendre conscience de la gravité de la situation. Il faut absolument que la FFF réglemente le statut d’arbitre amateur. On doit être mieux protégé parce que je le dis très clairement : si ça continue comme ça, il va finir par y avoir un mort. Je fais cela pour les autres, pour ceux qui y croient encore aux valeurs du sport. Mais pour moi, le foot, c’est fini. Je n’ai même plus envie de regarder un match à la télé. Pour la première fois de ma vie de footeux, je n’ai même pas regardé « PSG-OM » mercredi dernier…