Le stade du Ray reste dans les mémoires de tous les supporters de Nice
Photo Christophe-Cécil Garnier

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Le stade du Ray reste dans les mémoires de tous les supporters de Nice

Quatre ans après avoir quitté leur enceinte historique pour emménager à l’Allianz Rivieira, les ultras niçois entretiennent la mémoire de leur ancien antre, en passe d'être détruit.

Comme s'il ne voulait pas complètement mourir, le stade du Ray semble résister aux assauts des tractopelles qui grignotent peu à peu l'enceinte historique de l'OGC Nice. Quatre ans après le déménagement du Gym dans son stade de l'Allianz Rivieira, la tribune Sud tient toujours debout. À son pied, un amoncellement de gravats où gisent pêle-mêle les anciens sièges rouges du stade, et une affiche annonçant la future sortie de terre d'une grande aire de jeux à l'emplacement même où les supporters niçois venaient supporter leur équipe depuis 1927. Fred est à côté, en pleine séance nostalgie. Appareil photo en bandoulière, cet ancien cofondateur d'OGC Nice TV, et membre de la Populaire Sud, laisse remonter les souvenirs. Nous sommes en septembre 2017, et la démolition définitive du stade doit s'achever d'ici un mois. « Avant ça, il faut que j'aille récupérer une marche avec un burin », envisage Fred, habillé d'un bermuda et d'un polo blanc. Biba, le capo de la Populaire Sud, l'unique groupe ultra du Gym, avait, lui, déjà pris ses précautions à l'occasion d'un des derniers matches de Nice dans son antre historique : « Je devais être interdit de stade, alors à la fin d'un match, j'ai cassé une marche du Ray », raconte-t-il.

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Avec la destruction du stade du Ray, c'est une page de l'histoire de l'OGC Nice qui se tourne. Photo Christophe-Cécil Garnier.

Vendredi 22 septembre, le jour de la réception d'Angers [soldée par un nul 2-2, ndlr], l'OGNC Nice fête les quatre ans à l'Allianz Riviera. Pour sa part, la Populaire Sud n'a prévu aucune animation particulière. Le signe d'un climat morose chez les ultras niçois depuis le débarquement dans la nouvelle enceinte ? En dépit des très belles performances de l'équipe sur le terrain, Biba reconnaît qu'un sentiment de « nostalgie » se mêle à la joie de voir les Aiglons proposer un jeu léché et efficace : « C'est normal, pose la question à tous les Niçois, ils te diront qu'ils sont nostalgiques du Ray. Mais il fallait le faire ! Soit tu restes dans ton stade du Ray, et tu finis comme Toulon et Bastia, soit tu grandis et tu évolues. » Un ton un brin fataliste qu'adopte aussi Max, le président de l'association, membre depuis trente ans. « Il y aura toujours de la nostalgie. Notre tribune [au Ray, ndlr] c'est un village, t'es à la maison, il n'y a pas de gens qui rentrent chez toi. Un peu comme dans le quartier pour exagérer. Tu as tes codes et tu connais tout le monde ». Plongé dans ses souvenirs de la tribune qu'il a tant côtoyée, Max rembobine les épisodes les plus marquants de son histoire, comme ce match contre le Paris Saint-Germain, où il repère quelques inconnus qui s'étaient glissés dans la tribune. Inutile de dire que ces supporters parisiens ont rapidement trouvé la sortie, bien aidés par les ultras niçois.

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« Regarde Nice-Angers, un vendredi à 19 heures. Je sors du boulot à 17 heures, à Nice Est. J'arrive au stade à 18h40. C'est une galère » – Biba, capo des ultras de la Polulaire sud

Au Ray, les 2 000 supporters qui débarquaient dans la Sud venaient souvent par passion de la tribune. Les nouveaux étaient repérés, couvés, ce qui n'est plus vraiment le cas à l'Allianz, où la tribune est gigantesque. Résultat, ceux qui y rentrent ne maîtrisent pas forcément les codes. « Il y a toute une éducation à faire », estime Biba tout en décapsulant une bière. Max embraye : « À l'Allianz, tu as plein de gens qui viennent dans ta tribune parce qu'elle est attrayante. Résultat, tu as une déperdition de la culture ultra, des gens qui viennent pour se montrer parce qu'ils ne connaissent pas les règles ni les codes. Ils chantent pas forcément, alors que si tu viens en tribunes, c'est pour mettre de l'ambiance avant tout ! Mais ici, certains viennent seulement pour faire des photos et des selfies. » Dans la tribune de l'Allianz, Biba dispose quand même de quelques relais « posés à différents endroits » pour nourrir la clameur des travées. Mais il en aimerait « encore un peu plus ». « La difficulté de notre groupe, c'est qu'il n'y en a qu'un seul pour une grande tribune. À Milan, par exemple, tu as 18 groupes dans la tribune, et chacun a son leader, dit-il avec un débit rapide. Là t'es quasiment seul ». Parfois, il donne le micro à quelqu'un d'autre et va encourager les gens aux extrémités du mouvement. « Malheureusement, c'est là qu'on en revient à la culture ultra qui peut manquer. Si tu les regardes pas et que t'es pas devant eux à les prendre par la main, ils ne le font pas. Il faut mettre la pression sans arrêt ». Un élément qui se sentait moins au Ray.

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Peu importe le stade, les supporters niçois seront toujours derrière leur équipe. Photo Fred Schwal.

Malgré cette nostalgie, le groupe rappelle qu'il était favorable à un nouveau stade, même s'il espérait plus de concertations lors de la construction. « Puis le stade, c'était surtout une question politique », jure Biba, en référence à l'accessibilité difficile, comparé à un Ray posé en plein quartier Nord. D'un côté, un stade au milieu des maisons et des commerces, de l'autre, une enceinte où seuls un Burger King et un concessionnaire Smart parsèment les alentours. « Ils auraient pu le faire dans les montagnes ils l'auraient fait. Ils sont contents, ils ont eu leur stade. Et après, ils font les choses à l'envers ». Le capo, qui bosse dans le bâtiment, cite par exemple le tramway qui n'arrivera qu'en 2018. Max enchaîne : « Les gens ont du mal à s'habituer. Au Ray, ils arrivaient 5 minutes avant le début du match. Ils jetaient la voiture dans un coin et ils rentraient ». Biba, lui, calait parfois sa voiture devant une maison aux alentours. « Je demandais : "Vous sortez pas ? Je vais au match et je reviens dans 2-3 heures". » À l'Allianz, il faut faire preuve de patience : les jours de match, les bouchons sont énormes. Les places de parking se font rares. Fred, qui habite dans le quartier du Ray, voit la différence. « Maintenant, avant un match, on se retrouve avec des potes, on fait du covoiturage, on prévoit de partir 2 à 4 heures avant le début de la rencontre. Ça demande une organisation que t'avais pas avant ». Le photographe indique que certains supporters n'ont jamais mis les pieds à l'Allianz après le départ du Ray. Biba ne dit pas mieux : « Regarde Nice-Angers, un vendredi à 19 heures. Je sors du boulot à 17 heures, à Nice Est. J'arrive au stade à 18h40. C'est une galère ». Ceci pourrait expliquer la difficulté à remplir l'Allianz, malgré les bons résultats des Aiglons depuis quelques saisons ? « Il y a toujours une excuse : avant, les gens ne venaient pas parce que ça ne jouait pas au ballon, parce que le stade était pourri. Maintenant, ça ne vient pas parce que c'est trop loin, que c'est galère pour se garer », constate Max.

La rencontre entre Nice et Angers illustre parfaitement ces galères qui empêchent le stade de se remplir entièrement. 18 000 spectateurs se sont massés dans les travées à demi-vides du stade. Parmi eux, les membres de la Populaire évidemment. Les manteaux avec la devise du groupe « Honneur et Fidélité » sont également nombreux dans les travées et montrent que l'identité niçoise est plus forte qu'un changement de stade. Cette identité, il faut la défendre, que ce soit au stade du Ray ou à l'Allianz Riviera. Le sentiment d'appartenance à une identité locale se ressentira toujours au sein du groupe, dans les discours tenus, mais aussi dans les choix esthétiques de chacun. Max incarne parfaitement cet amour niçois, qu'il a littéralement dans la peau. Un grand « Nice » barre son dos, tandis que le sigle BSN85 s'affiche sur son bras. Alors que le soleil se couche sur un nouveau week-end de foot la zone industrielle de l'Allianz dort depuis bien longtemps. Plus à l'Est, le quartier du Ray vit encore, un peu. Une voiture klaxonne. Sur la vitre arrière, un autocollant Nissart. D'un quartier à l'autre, d'une décennie à l'autre, le changement est perceptible. Des souvenirs d'un côté, l'avenir de l'autre. Et comme le chantent les ultras niçois :

Un jour pas comme les autres
J'suis tombé fou de toi
Mon cœur battait si fort
Je ne sais pas pourquoi 30 années ont passé
Honneur Fidélité
Y a qu'une brigade en France
C'est celle qui vient du Ray

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