Avec les Syriens réfugiés aux États-Unis

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Avec les Syriens réfugiés aux États-Unis

Dans la banlieue d'Atlanta, une petite ville accueille les laissés-pour-compte du monde entier – et ce, depuis la guerre du Vietnam.

« La Syrie est le Paradis sur Terre. J'avais l'habitude de faire pousser plein de fruits et de légumes là-bas. Avant, j'étais fermier. Aujourd'hui, je fais la plonge dans un restaurant. » Telle est l'histoire de Sameer Kiwan, qui me raconte tout ça tout en regardant tristement sa femme. « Lorsque nous étions en Syrie, nous rêvions de quitter le pays pour visiter le monde entier. Le jour où nous sommes partis, nous avons compris que la Syrie était notre monde. »

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La guerre qui ravage la Syrie depuis près de six ans a forcé Sameer, sa femme Hazar et leurs quatre enfants à quitter leur ferme de Daraa pour rejoindre une petite maison de deux chambres située à Clarkston, dans la banlieue d'Atlanta, en Géorgie. Suha Zein, une Syrienne qui vit dans cette même ville depuis 27 ans, aide les nouveaux habitants à s'intégrer. C'est elle qui m'a présenté la famille Kiwan et qui m'a incité à écouter et raconter leur histoire.

Grâce à Suha et d'autres référents sur place, j'ai rencontré plusieurs réfugiés syriens arrivés récemment sur le sol américain. J'ai compris très vite que ces gens avaient fui une zone de guerre pour affronter une situation certes plus pacifique, mais assez peu enviable : la nécessité d'obtenir un visa américain. Lorsque vous êtes un réfugié ayant trouvé un peu de paix outre-Atlantique, on vous demande de vous intégrer très rapidement, avec des étapes clés à franchir de toute urgence : avoir un job, parler anglais, etc. Au final, ces réfugiés devront rembourser le gouvernement – qui leur a avancé le billet d'avion – et ne toucheront aucune aide après six mois passés sur le territoire américain.

Pour nombre de ces familles, la vie aux États-Unis est emplie d'anxiété et de difficultés quotidiennes. « À mes yeux, il est tout simplement impossible pour ces réfugiés de trouver un travail, parler anglais et être autosuffisants en six mois, surtout pour ceux qui ont des enfants », me dit Suha.

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Suha Zein en compagnie d'Hazar

« On ne parle pas de charité mais bien de sauvetage par ici », m'explique Ted Terry, le maire de la ville. « Certaines personnes comparent ça au fait de pousser quelqu'un dans l'eau pour qu'ils apprennent à nager de force. Si cette personne se noie, on va lui envoyer un gilet de sauvetage, mais c'est à peu près tout. »

Clarkston est célèbre pour sa réputation de « ville la plus diverse des États-Unis », servant de lieu d'accueil pour les réfugiés depuis la guerre du Vietnam. « Vous pouvez comprendre l'histoire de notre planète au cours des 45 dernières années rien qu'en regardant les habitants de notre ville, ajoute M. Terry. Les gens persécutés, affamés, en danger de mort – tous ont trouvé refuge à Clarkston. »

J'ai rencontré Ted Terry au Refuge, un café associatif qui engage certains réfugiés et leur offre des cours d'anglais. Malgré l'ouverture d'esprit des gens du coin, les réfugiés sont confrontés à la méfiance – si ce n'est plus – des dirigeants républicains de l'État de Géorgie. Il y a un peu plus d'un an, le gouverneur Nathan Deal ratifiait une ordonnance pour interdire l'accueil de nouveaux réfugiés syriens dans son État. Ted Terry, qui parraine une famille syrienne lui-même, est donc un iconoclaste au sein de la scène politique de Géorgie.

« Lorsque j'ai annoncé ouvertement que je défendais l'accueil des réfugiés syriens, j'ai reçu pas mal de coups de fil assez marquants, raconte le maire. Un type m'a appelé pour me dire qu'il s'inquiétait de l'implantation de la charia dans la ville de Clarkston. Les gens oublient souvent que les réfugiés ont toujours existé, et que les enjeux politiques ne doivent pas masquer notre humanité. » Ted Terry s'arrête quelques secondes avant d'ajouter avec un large sourire qu'« après tout, le réfugié le plus célèbre, c'est le Christ ».

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Ted Terry discute avec Ahmad Alzoukani, un réfugié syrien

Meina Al Mufti, âgée de 10 ans, apprend l'anglais en regardant des vidéos sur Youtube.

Hazar en compagnie de ses fils, Mohammad, 17 ans, et Zakariiya, 6 ans

Pour de nombreuses familles de réfugiés, ce sont les enfants qui s'intègrent le plus facilement, car ils apprennent l'anglais plus rapidement.

Mariam Al Mfalani, 12 ans

Kassim Alloh, devant un verset du Coran

Le mari de Fatima Alnasan a passé cinq mois dans les geôles du pouvoir syrien. « Quand il était en prison, j'étais psychologiquement à bout », me raconte-t-elle.

Mohammad Alloh (sur la droite) est âgé de 13 ans. Il a du mal à contenir son émotion lorsqu'il évoque les années très difficiles passées dans un camp de réfugiés en Jordanie.

Manal Al Mfalani montre à sa fille le Coran de sa grand-mère – l'un des seuls objets qu'il lui reste.

Hala Isiwan, 11 ans, montre un diplôme qu'elle a reçu dans son école.

« Avant, nous accueillions les réfugiés du monde entier. Aujourd'hui, le monde entier nous accueille », se lamente Sameer Kiwan.

Sameer Kiwan

Samir Alshimali vit avec sa famille dans une maison située à Clarkston.

Hala Isiwan rit aux éclats alors que ses parents miment une cérémonie traditionnelle devant mon appareil photo.

« Ici, tout est nouveau mais au moins nous ne souffrons plus », me dit Fatime Alnasan.