Luis Figo et la saveur sucrée de la trahison
Foto de Christian Charisius, Reuters

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Luis Figo et la saveur sucrée de la trahison

Le Portugais est un des plus grands joueurs des années 90, mais une série de décisions ont fait de lui un traître et un être malchanceux.

Aujourd'hui, on vous parle d'un joueur qui, en Espagne, est aussi adulé que détesté. La faute à un transfert que les fans du FC Barcelone n'oublieront jamais. On parle bien sûr de Luis Figo.

Des blancs pleurnichards à la tête de cochon de lait

La figure de Luis Figo restera toujours liée à son histoire avec les deux grands rivaux du football espagnol : le FC Barcelone et le Real Madrid. Le joueur portugais né à Lisbonne a été une des icônes incarnant l'interminable lutte entre les Madrilènes et les Catalans. Une icône pas vraiment idolâtrée du côté du Nou Camp. Car pour les socios barcelonais, ce qu'il a fait est pire qu'une trahison.

Après s'être révélé au Sporting Lisbonne, Figo a signé au Barça presque sans le vouloir. Johan Cruyff s'est battu pour le milieu droit, remportant la mise face à la Juventus Turin et Parme. Il a vécu 5 ans à Barcelone, cinq années qu'il a toujours considérées comme « une étape fantastique qui m'a aidé à grandir en tant que joueur. J'ai pris beaucoup de plaisir. Je ne renie pas mon passé. Il m'a permis d'être qui j'ai été en tant que professionnel ».

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Bien qu'il ait remporté deux championnats, deux coupes du Roi et une Supercoupe d'Espagne, Figo a vécu des années agitées dans la capitale catalane où il a vu défiler trois entraîneurs aux styles très différents (Cruyff, Robson et Van Gaal). Cruyff, son protecteur, l'a voulu pour calmer des supporters abattus après le fiasco de Laudrup. Figo devait être la nouvelle figure du Barça. Et il l'a été.

Il est rapidement devenu l'idole des supporters barcelonais. L'équipe ne jouait pas son meilleur football et ne gagnait pas tout ce qu'elle souhaitait, mais Figo donnait tout sur le terrain et se posait en capitaine d'un bateau pris dans la tempête. Au-delà de ses qualités balle au pied, c'est en prononçant une phrase précise qu'il s'est ouvert la porte du cœur des Catalans. Le jour où ils fêtaient leur doublé Liga-Coupe du Roi en 1998, Figo a crié, s'adressant aux rivaux de toujours : « Blancs pleurnicheurs, félicitez les vainqueurs ». Barcelone tenait son nouveau héros.

Figo a joué son meilleur football au Camp Nou, il y a vécu sa plénitude physique et a su se mettre dans la poche toute la communauté de supporters qui traversait tant bien que mal le désert de l'ère Gaspart, le président de l'époque. Il semblait être un footballeur heureux.

Cependant, tout a changé à l'été 2000. Le Real Madrid et Barcelone fêtaient les élections. Nous avons alors fait la connaissance de Florentino Pérez, un entrepreneur avec les idées claires qui a orchestré sa campagne autour du recrutement de Figo. Florentino a remporté les élections et le Portugais a été présenté à Madrid une semaine après. On ne trahit pas la famille, ou du moins c'est ce que devaient penser les supporters barcelonais. Et ils ne lui ont jamais pardonné. Figo s'en était allé, et avec lui l'idée du joueur qui ne se courbait devant personne, l'image du footballeur qu'il était impossible d'arrêter dans son couloir, l'idée du capitaine exemplaire, qui était arrivé au plus haut de la hiérarchie au prix de sa souffrance et de sa sueur.

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Luis Figo face à Chelsea lors d'un match de Ligue des champions en 2000. Image vía Reuters.

Les supporters barcelonais ont instantanément oublié les succès qu'il avait aidés à obtenir, cette célébration grandiose sur la Place Sant Jaume, et les galons qu'il avait acceptés en devenant capitaine lorsque Pep Guardiola souffrait de blessures récurrentes. Toute la ville n'avait qu'un objectif : lui souhaiter la bienvenue lors de son retour au Camp Nou. Le peuple catalan attendait le traître.

Quand ce jour est arrivé, le Camp Nou a rugi plus férocement que jamais. L'immense majorité des 100 000 spectateurs ont sorti un mouchoir pour recevoir Luis Figo. Cette même année, il a gagné le championnat et le Ballon d'or. La vie lui souriait dans la capitale et l'année suivante, il a gagné le seul titre qu'il lui manquait en club : la Ligue des champions, la neuvième du Real, si chère au club.

Du Real à l'Inter par la petite porte

La carrière sportive du portugais commençait cependant à toucher à sa fin. Au fil des années et des prémices d'un déclin physique compréhensible à son âge (il a 30 ans lorsqu'il remporte la Ligue des Champions avec les Merengues en 2002, ndlr), sa présence au sein du Real des galactiques se faisait de moins en moins évidente.

La saison 2003-2004 a marqué le début de la fin. Les Madrilènes aspiraient à tout gagner et ont fait chou blanc. La défaite la plus cuisante a été celle infligée par la Juve de Pavel Nedved, David Trezeguet et Alessandro Del Piero. Figo a manqué un penalty décisif qui a valu au Real de quitter la C1 au stade des demi-finales.

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Il s'est retrouvé sur le banc du Bernabéu dès l'année suivante, et a vu trois entraîneurs différents essayer de sortir le club du trou. Vanderlei Luxemburgo a essayé, mais il a piétiné l'ego du Portugais en le cantonnant au banc de touche. Figo n'a pas joué le dernier clasico de la saison et n'a donc pas eu besoin de réfléchir longtemps avant de rejoindre l'Inter Milan.

Autre sortie ratée. Autre décision qui détonne avec le footballeur qu'il a été. Il est parti du Barça pour l'argent et la reconnaissance sportive et il s'est à moitié fait jeter du Real parce qu'il ne servait plus à grand-chose dans une équipe de galactiques. Il n'a jamais fait ses adieux au Camp Nou et celui-ci l'a toujours reçu en Judas par la suite. Il n'a pas non plus fait ses adieux au Bernabéu, mais là-bas on se souviendra toujours de lui comme le joueur autour duquel s'est formée une équipe sans précédent.

Luis Figo loupe son penalty face à Buffon, en Ligue des champions en 2003. Image vía Reuters

Il part donc à l'Inter de Milan, où il a devient vite le chouchou des supporters. Il remporte quatre Scudetto consécutifs avec les Nerazzurri et vit une des meilleures époques du club. Zlatan Ibrahimovic, Hernan Crespo, Patrick Vieira ou Marco Materazzi, tous ont été membres d'un Inter qui aujourd'hui semble avoir basculé dans l'histoire. Là-bas, Figo n'était pas le centre de l'attention médiatique - le jeune Zlatan faisait déjà des siennes - et le Portugais a pu profiter de ses quatre dernières années en tant que professionnel.

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Il est venu à l'Inter pour « pouvoir jouer un peu », d'après ses propres mots et il en est parti comme une star, avec des nouveaux titres dans les bras, sous les ovations et les accolades de ses compagnons comme de ses rivaux.

Toujours le miel dans la bouche

Si Figo a connu un oasis de tranquillité, c'est bien en sélection nationale. Il a débuté en 1989 avec les moins de 17 ans mais son premier et unique triomphe a lieu avec les moins de 20 ans de Carlos Queiroz lorsqu'il remporte la Coupe du monde 1991 au Portugal.

Paulo Bento, Dimas, Luis Figo et Joao Pinto lors de l'Euro 2000. Image vía Reuters

"La génération dorée" a marqué un âge d'or dans le football portugais même s'ils ne sont pas parvenus à obtenir le moindre titre avec la sélection. Figo, Joao Pinto et Rui Costa étaient ceux qui brillaient le plus au sein de cette génération de joueurs qui a commencé à écrire l'histoire lors du mondial des moins de 20 ans. Mais lorsque cette génération, aidée de Victor Baia ou Nuno Gomes, s'est qualifiée pour la Coupe d'Europe en Angleterre en 1996, ils se sont retrouvés confrontés à la réalité. Bien qu'ils aient surmonté la phase de poule, ils ont rencontré en quart de finale la Tchéquie d'un certain Pavel Nedved – futur ennemi de Figo en Ligue des Champions – qui les a sortis du tournois.

La meilleure génération de footballeurs du pays n'avait pas répondu aux attentes et sont rentrés chez eux avec un goût amer dans la bouche. Lors de l'Euro 2000, ils ont néanmoins montré de quoi ils étaient capables, et seul un pénalty de Zidane lors des prolongations les a tenus éloignés de la finale. Deux ans plus tard, un nouvel échec vient ébranler la confiance du peuple portugais en son incroyable génération. Lors du Mondial de la Corée et du Japon, les joueurs sont éliminés dès la phase de groupe, et plusieurs membres de la sélection prennent leur retraite internationale. Figo, lui, reste.

Luis Figo lors de la finale de l'Euro 2004 perdue face à la Grèce. Image vía Reuters

En 2004, un joueur qui au bout de quelques années amènerait le Portugal à gagner un Euro – celui de 2016 – a intégré la sélection. A l'époque déjà, Figo était tout content de jouer avec lui, conscient de son potentiel. Lors de cet Euro 2004 à domicile, Cristiano Ronaldo a disputé sa première grande compétition internationale et est même parvenu jusqu'en finale, un match qui reste un drame fondateur, le pêché originel qui pousse depuis Ronaldo à vouloir tout gagner, tout le temps. Les Portugais rencontraient la Grèce qui les avait déjà défaits lors du match d'inauguration. Toutefois, tous les paris penchaient du côté des hôtes. Mais le football reste le football, et Figo a quitté le stade qui l'a vu naître, avec le sentiment d'être passé à côté de l'Histoire. Les Portugais ont beau avoir assiégé le but grec toute la seconde mi-temps, rien n'y a fait.

Conséquence de ce naufrage, Rui Costa a abandonné la sélection. Figo a bien failli le suivre, mais quelque chose l'a poussé à rester jusqu'au mondial allemand. Lors de cette compétition, le Portugal est parvenu jusqu'en demi-finale mais s'est de nouveau heurté à son grand bourreau, la France de Zidane, une nouvelle fois sur penalty. Figo a définitivement abandonné la sélection, sans avoir gagné plus qu'un titre en moins de 20 ans et caressé plusieurs fois du bout des doigts le succès.

L'équipe nationale a été son refuge lorsque les choses ne se passaient pas bien au Barça ou au Real, et bien qu'il ne puisse s'appuyer sur aucun titre dans son palmarès, au Portugal on se souviendra de lui comme l'un des représentants les plus brillants de la génération de footballeurs portugais qui a sans doute été la meilleure en terme de niveau de jeu.