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Militons pour faire de la course de billes un sport olympique

​Regarder des vidéos de courses de billes est une expérience étrangement satisfaisante.

On accède parfois à un sentiment de plénitude en accomplissant des choses futiles. Je me souviens que, du temps où je travaillais dans une pizzéria, j'atteignais un nirvana relatif dans le pliage de boîtes à pizzas, notamment quand il fallait plier les bords pour créer un fond de boîte rigide. Un sentiment de complétion m'envahissait alors : peut-être était-ce le fait d'avoir créé, à partir d'un simple bout de carton prédécoupé et grâce à ma dextérité acquise après entraînement, le contenant de la forme de nourriture qui valide à elle seule la présence des Italiens sur cette bonne vieille Terre ? Il y a sûrement de cela. Toujours est-il que Jelle Bakker, qui tient la fabuleuse chaîne YouTube Jelle's Marble Runs, a lui aussi un plaisir simple. Il aime les billes, surtout pour « le son qu'elles font quand elles touchent différents objets ». Bon, lui ça tient peut-être un peu plus des délires ASMR, genre des gens qui jouent avec des dés en chuchotant des trucs inintéressants. Mais, en tant que fétichiste du pliage de boîtes à pizzas, je comprends aussi ce qu'il ressent.

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Jelle - qui souffre d'une forme modérée d'autisme comme il l'explique sur sa chaîne - a poussé très très loin cette passion pour le son des billes. De circuits hyper élaborés type "Domino Day de la bille" en tsunamis de plus de 10 000 billes, on peut dire que Jelle a complètement investi la niche que représente la chaîne YouTube de billes. Mais les vidéos les plus fascinantes de celui qui se fait appeler The Marble Master ne sont pas forcément celles montrant les impressionnantes capacités de ses machines à billes en mouvement perpétuel ou ses circuits de l'espace. Non, ce sont plutôt les courses de billes et plus particulièrement les courses qui se déroulent dans le sable.

Il y a là aussi une forme de satisfaction improbable à regarder douze billes faire la course. Mais cela tient au savoir-faire de Jelle Bakker : ses circuits dans le sable, apparemment mis au point sur une colline pas loin de chez lui aux Pays-Bas, sont superbement construits, jusqu'à créer un suspense inattendu. On se met à s'investir émotionnellement, à choisir sa bille préférée : veut-on voir gagner la blanche qui fait la course en tête depuis le début ou l'outsider rouge qui la poursuit après avoir pris du retard au départ ? La réalisation est au cordeau, elle aussi, rivalisant en clarté avec celle des grands prix de Formule 1.

Jelle Bakker a diversifié les formes de courses de billes, cherchant peut-être un peu trop à créer la sensation à chaque fois. C'est bien tout ce qu'on peut lui reprocher. Le circuit le plus long, la Coupe du monde des courses de billes, la course d'œufs de Pâques, c'est très bien, mais ce qu'on recherche vraiment c'est juste une bonne vieille course de billes, à regarder les dimanches de désœuvrement avec une bière fraîche à la main, en espérant voir son petit favori gagner (le mien, c'est la bille orange).

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Sa Coupe du Monde 2016 est ainsi plutôt agréable à regarder, malgré le fait qu'elle prend place sur un circuit en plastique alambiqué (encore une fois, chez VICE Sports, on préfère la rectitude contrariée des circuits sablonneux). Elle permet aussi à des nations qui ne sont pas forcément sur le devant de la scène sportive, d'habitude, de se faire remarquer. On félicitera ainsi Taïwan pour sa place en quarts de finale. Et si vous vous motivez à regarder les trois vidéos de cette Coupe du monde 2016, sachez juste que le chauvinisme a parfois du bon :

Mais le chef d'œuvre de Jelle Bakker reste tout de même cette course de Pâques indécise jusqu'à la fin. Elle a encore été améliorée par le YouTubeur Ozzy Man, dont la spécialité est de rajouter des commentaires hystériques sur des vidéos faites par d'autres. Un bonheur simple pour les anglophones :

Malgré tous les antécédents que peut inventer Ozzy Man aux participants, l'intérêt de ces courses réside surtout dans l'indécision totale qui prédomine : si on ne sait pas si les billes sont toutes de la même taille ou du même poids (on l'espère, pour la beauté du sport), on sait en tout cas à coup sûr que tout facteur psychologique est absent de la compétition. Puisque, je vous le rappelle, on parle de petites sphères d'environ 2 centimètres de diamètre.

Alors, pendant que le sport mondial est gangréné par des affaires de corruption à la FIFA ou de dopage d'Etat en Russie, militons pour que les courses de billes et leur charmante innocence deviennent un sport à part entière. Signez donc cette pétition pour faire de la course de billes un sport olympique.