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Manger comme un Basque pendant les Fêtes de Bayonne

Chacun sa Mecque, chacun sa terre promise. Perso, la mienne se trouve dans le Sud-Ouest, lors de la dernière semaine de Juillet.

Chacun sa Mecque, chacun sa terre promise. La mienne se trouve dans le Sud-Ouest, à Bayonne. Chaque année lors de la dernière semaine de juillet, la capitale du Pays basque français organise les Fêtes de Bayonne, un grand rassemblement qui mélange traditions locales et beuveries notoires. Les Fêtes attirent chaque année plus d'un million de personnes en l'espace de cinq jours, soit un afflux de population énorme pour cette commune qui ne comptabilise habituellement pas plus de 47 000 habitants.

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C'est un évènement que je ne raterai pour rien au monde et pour la diaspora basque du monde entier, cela implique de rappliquer au Pays le plus rapidement, d'enfiler sa plus belle tenue blanche, de mettre sa cinta, son foulard et de faire la fête jour et nuit dans les rues du grand ou du petit Bayonne. Pendant 120 heures donc, la ville vit aux rythmes des bandas et des sonos des bars qui s'invitent dans les rues et — n'en déplaise à certains — des courses de vaches et des corridas.

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Toutes les photos sont de l'auteur.

Mais on ne va pas se mentir, l'essentiel des activités tourne autour de la bouffe et de la boisson. Il faut voir chaque jour de Fête comme un chemin de croix pour parvenir à concilier solide et liquide : on commence généralement par un premier verre à midi, on déjeune vers 14-15h, on enchaîne sur une première tournée des bars qui va nous emmener jusqu'au bout de la nuit où l'on ira se terminer dans une peña (un bar associatif) aux alentours de 5h du matin (précisément l'heure où notre corps décide de garder ou de rendre tout ce que l'on a ingurgité dans le processus).

Une seule méthode pour tenir la distance dans ce marathon rabelaisien : manger beaucoup et boire lentement — et de préférence en partant à la découverte des plats et des spécialités typiques du coin. Si vous respectez ces deux règles, vous trouverez l'énergie dont vous aurez besoin pour danser, pour draguer les quelques Parisiennes en goguette et même pour trouver des arguments contre ceux qui pensent que montrer son cul aux touristes pour déconner relève forcément du mauvais goût.

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Quant à moi voici à peu près comment je parviens à survivre pendant ces cinq jours de Fêtes.

Jour 1 :

Traditionnellement, les fêtes de Bayonne s'ouvrent toujours le mercredi. En sortant du travail, les locaux rentrent chez eux, enfilent leurs tenues de « festayres » et rejoignent peu à peu le centre-ville, pour boire un premier coup. Les hostilités sont officiellement lancées à 22h pétantes depuis le balcon de la mairie, d'où les clés de la ville sont lancées à la foule par quelques célébrités locales. Ensuite, direction les ruelles chaudes de la cité pour la première nuit de festivités. Jusque-là, tout va bien.

Jour 2 :

Au lendemain du premier jour, la fatigue reste très légère et le mal de crâne presque anecdotique. Résultat, on ne pense qu'à une seule chose : recommencer au plus vite. On met des vêtements propres et direction les Halles pour un premier Perroquet, le meilleur cocktail du monde. Ce que beaucoup ont tendance à oublier, c'est que les Baionako Bestak (c'est comme ça que l'on appelle les Fêtes dans la langue basque) sont avant tout une réunion familiale : le jeudi, les poussettes envahissent la place de la mairie pour le réveil du roi Léon (la mascotte des fêtes) qui, depuis le balcon, salue les enfants tous les jours à midi pétantes.

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Mon premier vrai repas : une belle côte de cochon rôtie.

Quant à moi, à cette heure-ci, logiquement, j'ai déjà pris un petit coup dans le nez. Cette année je m'apprêtais malgré tant bien que mal à inaugurer mon premier repas aux Arcades, un restaurant tenu par un pote, le chef Tomas Ainciart. On y bouffe bien et à bon prix — c'est exactement ce dont j'ai besoin pour commencer une bonne semaine de débauche. Après un petit gaspacho andalou, j'attaque le plat principal dont l'intitulé — l'alcool aidant — me fait autant marrer que saliver : « Belle côte de cochon rôtie à l'os avec sa sauce vierge aux noisettes et sa mousseline de carottes d'été. » Je termine cette incroyable ode à l'épicurisme basque avec un crumble « minute » aux pommes et pêches.

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Un repas pendant les Fêtes — et de manière plus générale, dans tout le Pays Basque — se termine obligatoirement par une rasade du digestif local. Chez nous, on boit le Patxaran, un alcool de prunelle sauvage noyée dans de l'anis. Créé au Moyen Âge en Navarre, on le consommait à l'origine pour ses prétendues vertues médicinales. Aujourd'hui, il permet surtout de se remettre en jambes quand on a un peu forcé sur la picole la veille.

Jour 3 :

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Un bon burger se déguste toujours au bord de la Nive.

Le vendredi, on est déjà à mi-parcours. C'est le jour où l'on enfile sa plus belle chemise blanche et où l'on s'asperge de son meilleur parfum pour tracer à la « soirée des célibataires ». Une fois sur place, il suffit de retourner son foulard pour montrer qu'on est à la recherche de l'âme-sœur (ou d'un coup d'un soir). C'est l'équivalent du Poke local, ça fonctionnait déjà bien avant Facebook et c'est la garantie de choper avant minuit.

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La carte interminable du Comptoir Paysan.

Côté graille, on a mangé sur le pouce au Comptoir Paysan. Depuis bientôt trois ans, la confédération paysanne du Pays Basque prend ses quartiers sous un chapiteau situé dans le Petit Bayonne. Derrière l'immense bar, on vient ripailler en ayant la sensation de faire un peu une bonne action : les bénéfices de ce circuit court sont reversés directement aux paysans et aux éleveurs locaux.

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Au Comptoir Paysan avec mon bon Patxi.

Pour une petite poignée d'euros, on s'y envoie de la charcuterie, des omelettes, du Talo (une galette de blé garni de ventrèche de porc), de la bière et un bon pinard du coin. Que demande le peuple ? Mention spéciale pour le Burger Paysan fait avec amour rural dans du pain artisanal avec de la tomate, de la salade, une tranche de fromage de brebis frais, un morceau de 200 grammes de viande de bœuf hachée et une petite sauce pimentée. Le bordel ne coûte que cinq balles : de quoi mettre un sérieux coup de pression à toutes les boîtes à burger hors de prix dans lesquelles je me saigne toute l'année à Paris.

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Un talo, la galette de maïs traditionnelle du Pays basque.

Jour 4 :

Le samedi, autant physiquement que psychologiquement, c'est la journée la plus dure. C'est aussi le jour des grosses tablées, car généralement, la majorité de vos potes (ceux qui n'ont pas pu poser de congés pour les trois premiers jours de Fêtes) déboulent en pleine forme avec une énorme dalle et son prêt à boire littéralement tout ce qui leur passe sous le coude.

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Jambon, chorizo, pâté : la Sainte-Trinité de la charcuterie basque.

Cette année avec ma bande de festayres, on a réservé pour quinze chez Haitia, un artisan boucher-charcutier établi à Mauléon depuis 1929. Sa spécialité : les produits Souletins (la Soule est l'une des sept provinces basques) comme le jambon, les boudins, le pâté et bien sûr, le foie gras.

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Le Axoa, l'incontournable de la cuisine basque.

FAITES-LE : La recette de l'axoa de veau des Fêtes de Bayonne

Au menu, ce jour-là : un plateau de charcuterie traditionnelle en entrée puis un axoa de veau (de dingue) avec des pommes de terre au gros sel. Le axoa est un plat traditionnel de la cuisine basque qui tient bien au corps. Il consiste à faire mijoter de la bonne viande de veau émincée finement avec du piment d'Espelette et des oignons. On le sert ensuite avec des pommes de terre — et jamais, au grand jamais, avec du riz, bordel. Pour le dessert, on nous a proposé le célèbre Russe d'Oloron, un gâteau praliné aux amandes et à la vanille. De quoi conclure l'enfer du samedi bayonnais sur une douce petite note.

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Le Russe d'Oloron ne vient pas de Russie mais d'un petit village du Béarn voisin.

Jour 5 :

Pour le dernier jour des Fêtes, rien ne va plus. On commence à ressentir des sueurs froides et on soufre de nausées et de courbatures. Je crois que le dimanche c'est vraiment mon jour préféré : les rues se vident progressivement et la plupart des touristes quittent le navire pour laisser les locaux seuls à la barre.

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Les repas du dimanche midi sont ceux pendant lesquels on ramasse le plus.

Cette année en bonus, la canicule s'est invitée au naufrage éthylique. 37 degrés à l'ombre : presque la température idéale pour aller bouffer au frais sur les bords de la Nive, où une réservation pour 30 personnes nous attendait (Oui, le nombre d'invité à table augmente de jour en jour).

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Cassez des œufs dans un gros poêlon, le bon jambon s'occupe du reste.

On a donc tracé au restaurant Le Clou qui proposait ce jour-là un menu composé d'omelettes au jambon ou aux piments à volonté, d'un très bon fromage de brebis et d'une part de gâteau basque en dessert. Le combo vin de Rioja et canicule a eu raison de deux de mes confrères, partis se reposer à l'ombre un peu plus tôt que prévu. L'un en passant par le poste de secours et l'autre mis de force dans un bus direction la plage d'Anglet avec l'espoir qu'il désaoule en route.

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Pas de Bayonne sans un gâteau basque.

Pour les derniers survivants, c'est rendez-vous à minuit au bar le Fandango dans la rue d'Espagne à l'heure de la fermeture. Si vous avez vu la scène de poursuite finale dans Mad Max Fury Road, c'est à peu de chose près le même délire. Pendant 10 min, c'est l'apocalype : baston de mousse géante, on se balance les fins de verres à la gueule sous une pluie de confettis et de sciure de bois. Une fois les hostilités terminées, on enlève son foulard pour symboliser la fin des Fêtes et on trinque une dernière fois avant d'aller définitivement sombrer à la maison.

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Le bonheur tient parfois à un bon manchon de canard dans une barquette en plastique.

Tout cela n'est bien évidemment qu'un échantillon de ce que Bayonne peut proposer dans ses centaines de bars, restaurants et peñas. J'aurais aussi pu mentionner ce que l'on avale le soir dans la rue sur le pouce, dans un gobelet en plastique ou dans une zahato pour mieux danser sur « Les lacs du Connemara », un bon Bruno Mars ou un excellent Maître Gimms. J'aurai pu vous parler de mes manchons de canards préférés (ceux que l'on trouve dans la rue Pannecauds), de la demi-douzaine de merguez engloutie chez un pote autour de sa piscine, des sandwiches de la Confrérie du jambon de Bayonne ou de la paella mythique que l'on déguste dans le fond de la peña Gella Tiki.

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Mon royaume pour un jambon-beurre de la Confrérie.

Une fois les Fêtes terminées, il faut toutefois s'attendre à être victime de ce que l'on appelle dans la région « une Baionite aigüe ». En effet, on parle peu du jour 6 et 7 des Fêtes de Bayonne, ces journées de repos forcé qui sont généralement consacrées à la lutte contre la gueule de bois et la récupération progressive de ses papilles et de son palet, brûlé par cinq jours d'alcool. Et dans ces moments de ramasse, tous les Bayonnais sont logés à la même enseigne. Le régime « after Fêtes », c'est un litre de Badoit avec quelques feuilles de salade et ça matin, midi et soir.

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Et je salive déjà en pensant l'année prochaine.

Quand il ne réalise pas des clips ou des vidéos pour VICE, Arthur fait les Fêtes de Bayonne toute l'année sur son compte Twitter.

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