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La NBA devrait donner leur chance aux femmes coachs

Becky Hammon est entrée dans l'Histoire cet été en remportant la Summer League avec les Spurs. Pourquoi les autres équipes ne suivraient pas l'exemple ?
Photo by Stephen R. Sylvanie-USA TODAY Sports

En général, tout le monde se fout pas mal de la Las Vegas Summer League, la ligue d'été de la NBA. Très peu des joueurs qui y participent deviendront des stars, et la plupart d'entre eux ne mettront même jamais les pieds sur un parquet de NBA. Mais quand les Spurs ont battu les Suns de trois petits points, le 21 juillet dernier, leur coach, Becky Hammon, est entrée dans l'histoire. Après être devenue la première femme nommée entraîneur-adjoint d'une équipe de NBA, puis la première femme à entraîner une équipe du Championnat nord-américain, elle est devenue la première femme à remporter un titre. Tout ça en trois semaines.

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Evidemment, tout le monde a été surpris par son succès. Après tout, l'ancienne star de la WNBA, qui a participé deux fois aux Jeux Olympiques (sous le maillot de la Russie), était la toute première femme à entraîner des hommes dans toute l'histoire du sport professionnel américain. C'est comme si Corinne Diacre était championne avec Clermont ; on ne parlerait que du fait qu'elle est une femme. Mais si les équipes cherchent vraiment à avoir les meilleurs entraîneurs possibles – ce qui devrait être le cas, étant donné que leur objectif est a priori de gagner – devrait-on vraiment s'étonner de voir des femmes coacher au plus haut niveau ?

Clairement pas.

De fait, dans presque tous les sports, il n'est pas rare que l'entraîneur ne soit pas du même sexe que les personnes qu'il/elle entraîne. Mais presque à chaque fois que c'est le cas, on a affaire à un homme qui entraîne des femmes. Par exemple, aux Etats-Unis, après que les lois anti-discrimination aient été votées en 1972 (le fameux amendement Title IX), plus de 90% des équipes féminines universitaires étaient coachées par des femmes. Mais à mesure que les salaires des entraîneurs augmentaient, de plus en plus d'hommes se sont portés candidats pour ces postes. Aujourd'hui, moins de la moitié de ces équipes sont entraînées par des femmes.

Et dans les sports masculins, les femmes sont carrément éjectées du marché. A peine 1% des équipes masculines sont entraînées par des femmes, et aucune n'évolue au plus haut niveau.

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OK, ce constat n'est pas spécifique au monde du sport. Récemment, un journaliste du New York Times remarquait qu'on avait plus de chances d'être PDG d'une grande entreprise si on s'appelait John que si on était une femme. Et même si des femmes ont déjà été à la tête de certains grands pays (l'Allemagne ou le Royaume-Uni, par exemple), on n'a encore jamais vu une femme être nominée pour l'élection présidentielle aux Etats-Unis (ce qui risque de changer avec Hillary Clinton, certes).

Clairement, les femmes font de moins bons leaders que les hommes. --Photo courtesy of Wikimedia Commons.

Mais pourquoi donc les hommes occupent-ils presque tous les postes de pouvoir ? On pourrait imaginer, éventuellement, que les hommes soient "naturellement" de meilleurs leaders que les femmes. Sauf que c'est une idée absurde, et surtout totalement impossible à démontrer tant les femmes ont enduré et continuent à endurer quotidiennement le sexisme et les discriminations. Et pour ce qui est du sport, comment se faire une idée de la capacité des femmes à mener un groupe d'hommes si on ne leur donne jamais l'occasion de faire leurs preuves ?

Aux Etats-Unis, il existe un sport très populaire, notamment à l'université, qui n'est pratiqué presque que par des femmes : le softball. Et pourtant, nombre d'équipes sont coachées par des hommes (35% en 2014). L'économiste Peter Von Allmen a mené une étude, grâce à un échantillon d'équipes suffisamment large, visant à déterminer si les équipes entraînées par des hommes avaient plus ou moins de succès que celles dirigées par des femmes. Surprise ! Ses résultats montrent que le sexe de l'entraîneur n'a AUCUN impact sur les résultats d'une équipe. Et vous savez ce qui détermine vraiment ces résultats ? L'argent investi. Qui l'eut cru ?

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Evidemment, on aimerait disposer d'études similaires concernant d'autres sports, en particulier des sports plutôt masculins. Mais pour ça, il faudrait que plus d'équipes embauchent des femmes. C'est l'histoire de l'œuf et de la poule, en gros.

La réussite de Becky Hammon participera peut-être à l'essor d'une certaine diversité dans les rangs des entraîneurs. Les joueurs des Spurs, eux, se sont déjà montrés enthousiastes à l'idée de travailler sous ses ordres. L'un des joueurs texans, Jonathan Simmons, avait même déclaré cet été : « Vraiment, je l'adore, alors qu'on ne travaille ensemble que depuis quelques jours. Elle est très cool, et surtout, elle nous coache comme le ferait un vrai joueur. Et ça, ça nous plaît forcément. »

Mais celui qui a rendu le plus bel hommage à Hammon est probablement Bobby Marks, l'ancien manager adjoint des Nets de Brooklyn : « Je sais que ce que je vais dire va surprendre, mais si je possédais une équipe et si je cherchais un coach actuellement, la première personne que j'appellerais serait Becky Hammon. »

Ces quelques mots ont fait la couverture du USA Today. Il faut dire que Hammon détonne un peu dans le paysage sportif, bien malgré elle. La vérité, c'est que ce n'est pas d'elle que nous devrions parler ; c'est plutôt de l'incapacité totale des équipes masculines à envisager que des femmes puissent les diriger.

Tableau blanc ? Check. Hyper stressée alors que c'est un match sans enjeu ? Check. OK, c'est bien un coach. --Photo : Stephen R. Sylvanie-USA TODAY Sports

Il y a des équipes en NBA qui n'ont pas fait une bonne saison depuis des années. Orlando, par exemple, a fini par virer son coach, Jacque Vaughn, à l'issue de la saison dernière. Et pour le remplacer, c'est Scott Skiles, un entraîneur qui a 13 ans d'expérience en NBA, qui a été choisi. On ne saurait faire plus conventionnel. Et pourtant, la plupart des équipes coachées par Skiles ont obtenu des résultats franchement médiocres. Il y a peu de chances qu'il transforme radicalement une équipe assez faible, sauf si l'effectif est profondément renouvelé.

Globalement, il faut vraiment trouver la perle rare pour changer une équipe de losers en candidat au titre. Autant dire qu'il vaut mieux se donner un maximum de chances de trouver l'entraîneur à même de changer le destin de l'équipe. Dès lors, il est absurde de se priver de la moitié des candidatures possibles en refusant totalement d'envisager de recruter une femme.

Paradoxalement, la NBA saisit bien l'intérêt d'élargir son horizon lorsqu'il s'agit de recruter des joueurs. Les équipes supervisent de jeunes talents dans le monde entier, et pratique une politique d'immigration extrêmement ouverte. Et sans surprise, les Spurs sont là aussi à la pointe de ce qui se fait. Il est désormais temps pour la Ligue dans son ensemble d'appliquer les mêmes principes aux bancs de touche.

Ce n'est pas difficile à comprendre : plus on se donne les moyens de trouver, plus on trouve. Et mieux. Hammon n'est certainement pas la seule femme douée pour le coaching dans le monde du basket. Et la prochaine fois que votre équipe embauchera un vieil entraîneur peu convaincant, posez-vous la question : a-t-on vraiment envisagé TOUTES les options ?