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Tony Yoka, puni pour avoir oublié de donner son emploi du temps : est-ce vraiment trop injuste ?

Pour permettre les contrôles anti-dopages inopinés, les sportifs de haut niveau doivent régulièrement se géolocaliser. Oublier, c'est connaître le même sort du boxeur Tony Yoka, et prendre un an de suspension.
Photo : Christophe Simon / AFP

Le 23 juin, au Palais des sports de Paris, Tony Yoka remportait son cinquième combat professionnel face à l’Anglais David Allen. Trois jours avant, le boxeur français était auditionné par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). La raison ? Des manquements aux obligations de localisation pour les contrôles antidopages inopinés. Déjà suspendu 1 an avec sursis par sa fédération, Yoka a finalement été condamné à un an ferme de suspension par l'AFLD ce jeudi.

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Le médaillé d’or des poids lourds aux derniers Jeux olympiques de Rio n’est pas le premier à avoir oublié de renseigner son emploi du temps auprès du gendarme de la lutte antidopage. Et plusieurs d’entre eux ont été punis. C’est le cas du rugbyman Yoann Huget (trois mois de suspension), du lutteur Steeve Guénot (un an de suspension), du triple sauteur Teddy Tamgho (un an) ou du skipper Sofian Bouvet (un an). Tous ont subi le durcissement de la réglementation en matière de lutte contre le dopage.

Depuis 2005, à chaque début de trimestre, certains sportifs de haut niveau ont l’obligation de rentrer dans le logiciel Adams (Anti-doping Administration and Management System) un lieu et un horaire – sur une durée d'une heure entre 6 heures et 23 heures – signalant où ils se trouvent. C’est dans ce labs de temps que les contrôles inopinés peuvent avoir lieu. Si le sportif oublie de renseigner sa localisation, il est épinglé pour défaut de localisation. S’il n’est pas présent durant l’heure qu’il a indiquée pour un potentiel contrôle, il est sanctionné d’un no-show. Au bout de trois no-shows ou défauts de localisation en 12 mois, le sportif s’expose à une suspension.

Une suspension parfois mal comprise, même si « la localisation fait partie de leur métier, prévient Mathieu Teoran, Secrétaire général de l’AFLD. Ils doivent êtres responsables et comprendre que ça fait partie de leurs obligations. » Pour que l’utilisation du logiciel Adams devienne un réflexe, l’autorité publique multiplie donc les actions de sensibilisation et d’explication des règles auprès des publics. À eux de s’organiser et d’anticiper au mieux leurs déplacements.

Mais tous les sportifs de haut niveau ne sont pas concernés par l’obligation de localisation. Pour cela, il faut faire partie du groupe cible dont les membres sont choisis par l’AFLD. Son nombre oscille entre 200 et 600 en fonction du calendrier des événements sportifs. À l’approche d’une grande compétition, type Jeux olympiques ou championnats du monde, le panel s’élargit sensiblement. « On se base sur différents critères comme le niveau de performance, les blessures et le calendrier. En somme, les moments de leur carrière où les sportifs sont les plus vulnérables, complète Damien Ressiot. Par exemple, si un joueur de rugby de 32 ans se blesse alors que la Coupe du monde 2019 approche, il peut devenir vulnérable dans l’optique de disputer cette compétition ». Autrement dit, il a plus de chances de se doper pour atteindre ses objectifs.

Sofian Bouvet était dans le groupe cible lorsqu’il a été suspendu pour une durée d'un an, le 23 août 2017, à la veille du départ du Tour de France à la voile. « Ce système est très contraignant, encore plus quand tu n’as pas toute une équipe autour de toi. Et puis, une fois que tu es sanctionné pour des no-shows ou des défauts de localisation, tu es immédiatement associé au dopage, explique le skipper de 29 ans. J’ai passé toute mon année à me justifier auprès de certains proches ou de gens que je côtoie dans le milieu de la voile. » Là est un autre souci de la localisation. Bon nombre de sportifs se sentent assimilés à des dopés alors qu’ils n’ont pas eu recours à des produits dopants. « La croyance veut que les groupes cibles soient suspects, mais c’est faux, affirme Mathieu Teoran. Nous n’avons aucune certitude, mais l’élite du sport français doit être dans le groupe cible, ils sont les garants des valeurs du sport. »

Si elle aide à lutter contre le dopage – « On sait qu’il y a des tricheurs qui évitent ou contournent le système de localisation », dixit Damien Ressiot – la localisation est aussi une contrainte dans l’emploi du temps chargé d’un sportif de haut niveau. Entre entraînement intensif, impératifs nutritionnels et obligations médiatiques et commerciales. Le système ne laisse que trop peu de place à l’imprévu, aux surprises. « Certains pensent que ce système est liberticide, mais s’il a été mis en place, c’est qu’il apporte une plus-value, notamment dans la lutte antidopage hors compétition ». Une vie extra-sportive qui doit donc être sans cesse renseignée pour ne laisser que trop peu de place à l’imprévu.