​José Beyaert, de champion olympique à trafiquant en Colombie
Photo via velos-mont-valerien

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​José Beyaert, de champion olympique à trafiquant en Colombie

Le médaillé d'or aux Jeux de Londres en 1948 se sentait à l'étroit dans le monde policé du cyclisme. Il a trouvé sa voie loin de l'Europe où il a trempé dans divers trafics.

Durant trois mois et à raison d'un article par semaine, la rédaction de VICE Sports vous fait découvrir les truands du sport. Des hommes et des femmes issus de différentes disciplines, dont le talent certain est éclipsé par leur comportement sur et en dehors des terrains, des courts, des parquets et mêmes des greens. Des arnaqueurs, des séducteurs, des aboyeurs, des méchants qui ont des penchants pour la picole, la drogue ou les crasses en tout genre.

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José Beyaert a eu une vie d'aventurier. Bien des fois, ce terme est galvaudé, le "remarquable" se résumant tout au plus à un ou deux faits de gloire, quelques remous sans grandes conséquences. La vie de José Beyaert en revanche, pourrait parfaitement être la base du scénario d'un film à grand succès ou d'une prochaine série Netflix tant elle est faite d'aventures et de rebondissements. L'histoire de José Beyaert, c'est un peu un Scarface à l'envers. Là ou dans le film de Brian De Palma le héros quittait Cuba en quête d'un destin nouveau, le cycliste, natif de Lens, fait le chemin inverse. En quittant le Nord de la France et en s'installant an Amérique latine, Beyaert s'est mis en quête de son propre Eldorado, d'une vie meilleure malgré les aléas liés à ce choix de vie si particulier pour le milieu du XXe siècle.

Mais pour mieux comprendre l'histoire de José Beyaert, il faut prendre la direction de l'ancien bassin minier du nord de la France, où il a vécu ses premières années. Comme beaucoup dans la région, il est issu d'une famille de mineurs, la vie est rude. Quotidiennement, son père descend à la mine afin d'en extraire le charbon. Mais devant la dureté d'une telle vie et le lent déclin du secteur, la famille décide de déménager en région parisienne, où le paternel s'établit comme cordonnier. Un changement de vie qui s'avère salvateur pour José car c'est à cette période, peu avant sa vingtaine, qu'il va découvrir le cyclisme de compétition. Les entrainements se font en intérieur et le jeune José a ses habitudes au vélodrome d'hiver, le Vel d'Hiv.

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Le premier coup du destin arrrive très vite. Beyaert est sélectionné pour courir l'épreuve en ligne des Jeux olympiques de 1948, à Londres. Lui qui n'a pas encore couru de grandes courses se trouve propulsé dans le grand bain. Les conditions sont exécrables. La pluie tombe de manière incessante outre-Manche et la course est un calvaire. Entre les chutes et les crevaisons, seul un petit groupe de survivants se présente à l'abord du dernier tour. Une attaque plus loin, José Beyaert est, un peu à la surprise générale il faut le dire, sacré champion olympique. Un exploit retentissant pour une carrière par la suite plutôt décevante. A l'image d'un Peter Sagan actuellement, le jeune homme semble s'ennuyer dans le peloton, il ne souhaite pas pleinement s'investir dans le cyclisme et ses contraintes.

Le deuxième coup du destin se profile alors. Sa médaille d'or olympique en poche, Beyaert jouit d'une réputation grandissante. Au début des années 1950, il est invité à participer au très sélectif Tour de Colombie. Un tour qui va se prolonger pour lui : « Je suis resté un mois de plus pour l'inauguration du vélodrome de Bogota, puis un autre mois… ». Un coup de foudre en somme. Comme l'explique parfaitement Matt Rendell dans son ouvrage Olympic Gangster : The legend of José Beyaert, cette nouvelle vie va être la base de nombreuses aventures. Fort de sa notoriété de coureur cycliste, il va coacher la sélection nationale colombienne. Pour la première fois, ces coureurs sont entrainés professionnellement. Ce travail paye puisque les Sud-Américains vont arriver en force sur les routes du Tour de France au détour des années 1980. En parallèle, il ouvre un café avec sa femme, à Bogota.

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Beyaert profite également de son exil en Colombie pour s'encanailler. Comme l'explique le livre, il va très vite tomber dans différents trafics, notamment avec le Brésil, d'où il fait venir du bois précieux et le revend. D'ailleurs, plusieurs rumeurs insistantes affirment que l'homme qui atteint maintenant la quarantaine aurait une seconde vie, avec femme et enfants, au Brésil. Et comme dans n'importe quel bon film, les événements vont se précipiter. Il va très vite, à tort ou à raison, être accusé de participer à différents trafics de drogue entre l'Amérique du Sud et l'Europe. Pire encore, il va être mêlé de près ou de loin à différents meurtres sur le sol colombien.

Pour couronner cette période plutôt trouble de la vie de Beyaert, Matt Rendell fait référence à un cliché publié dans l'hebdomadaire Paris-Match. Sur ce dernier, on peut voir Beyaert en compagnie de José Rodriguez Gacha. Si ce nom ne vous dit sûrement rien, celui de son chef, le narco-trafiquant Pablo Escobar, est beaucoup plus célèbre. Cette photographie ne prouve pas grand-chose dans le fond, mais elle met en lumière les accointances plutôt louches de l'ex-champion olympique durant son long séjour en Colombie (il y passera près de cinquante années). Bien sûr, comme dans toutes ces histoires où la réalité prend un tour romanesque, de nombreuses zones d'ombre et de fantasmes laissent encore une place au doute sur la véracité des faits. Ces supputations, avérées ou non, prouvent néanmoins une chose : José Beyaert est à bien des égards, sportifs ou non, entré dans la légende.

Au tournant des années 1990, Beyaert sent le vent colombien tourner défavorablement. A l'époque, les rapts des FARC contre les célébrités sont monnaie courante. En 2000, c'est Lucho Herrera, légende nationale du cyclisme, qui en fait lui-même les frais. Plus en confiance, Beyaert préfère rentrer en France, à La Rochelle, ou il termine sa vie discrètement en 2005. Pas d'ouverture de JT ni de Unes de journaux pour cet ancien champion olympique. Un retour à l'anonymat, comme le laissait présager son envie d'ailleurs, d'oubli.

Malgré tout, Beyaert a laissé un héritage sportif en Colombie. Inspirée par ses méthodes d'entraînement, c'est toute une génération de jeunes coureurs locaux qui a rapidement progressé. S'il est difficile de faire un lien direct entre son travail et l'incroyable niveau du cyclisme colombien actuel, il est quand même tentant de penser que Beyaert a joué un rôle important dans l'éclosion des "scarabées" dans les années 80 comme Herrera et Parra, puis dans l'avènement de la nouvelle génération emmenée par Nairo Quintana, Estaban Chaves ou même Carlos Betancur quand il n'est pas en surpoids.