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Sports

Les Déesses du stade et du ballon ovale

L'université Brown reconnaît le rugby féminin comme un sport à part entière – Alejandra Carles-Tolra a dressé le portrait de ses adeptes.

Cet article a initialement été publié sur VICE.

« Je leur ai dit que je ne pourrais jamais jouer au rugby. Ces filles me démoliraient, déclare Alejandra Carles-Tolra, l'artiste derrière The Bears, une série de photos qui dresse le portrait de l'équipe de rugby féminin de l'université Brown. C'est effrayant et brutal, même si ce sport a quelque chose de gracieux. Je me suis déjà cassé de nombreux os dans ma vie – je me suis dit que je n'allais pas m'infliger ça une fois de plus. »

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Carles-Tolra m'appelle depuis New York. Jusqu'à récemment, la photographe espagnole était basée en Nouvelle-Angleterre, sur la côte est de l'Amérique du Nord. Elle vit désormais à Londres. Mais revenons un peu en arrière : cette histoire commence par une petite Barcelonaise obsédée par le théâtre et qui, fascinée par la performance et l'identité, décide d'étudier la sociologie à l'université.

« J'ai toujours été obsédée par le fait que nous puissions changer d'identité selon le contexte et les groupes dont nous faisons partie, explique Carles-Tolra. Le théâtre a été pour moi un moyen d'explorer cette idée et m'a menée à la sociologie, car je voulais l'étudier de manière formelle. Mais j'ai senti une déconnexion entre ce que je cherchais à comprendre et le langage que j'employais. »

Dissuadée par le langage académique dense, élitiste et parfois inaccessible du sujet, elle s'est tournée vers une méthode de communication universelle : la photographie. Elle a quitté l'Espagne pour Boston, est allée à l'université et s'est jetée à corps perdu dans tous les aspects du médium.

Pendant la réalisation de Fall In, une précédente série de photos documentant le travail du Reserve Officers' Training Corps (ROTC), elle a trouvé que les cadettes étaient un sujet plus intéressant que les cadets. « Les jeunes hommes essayaient de gérer cette double identité : ils endossent ce rôle de personnage militaire tout en essayant de définir, en même temps, ce qu'ils sont. Ils sont assez jeunes et ne savent toujours pas qui ils veulent devenir. Je suis très intéressée par cette dualité. »

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« Avec les femmes, c'est devenu encore plus complexe. Il y avait une troisième couche de complexité, où non seulement elles essayaient de gérer cette dualité qui inquiétait les hommes, mais devaient aussi s'accomplir dans un domaine perçu comme masculin », poursuit-elle.

Ensuite, Carles-Tolra s'est installée à Providence, Rhode Island (où se trouve l'université Brown) et a décidé de photographier un autre groupe féminin au sein d'un environnement dominé par les hommes. « Je voulais trouver une communauté de femmes dans un domaine masculin et dans un domaine où, à cause de cette communauté, elles allaient faire face à de nombreux stéréotypes. »

Ce qui nous amène à The Bears. Les Brown Bears font partie d'une minorité prospère dans la culture du sport collégial américain – celle des équipes de rugby exclusivement féminines. « Ce qui m'a vraiment surpris a été la variété de femmes et le nombre de raisons qui les avaient poussées à intégrer un sport comme celui-ci. Certaines étaient des femmes pleines d'assurance ; elles représentaient le pouvoir et la force. D'autres étaient très timides, elles luttaient encore à trouver qui elles sont et qui elles veulent devenir. Elles se sentent protégées par cette puissance de groupe. »

La puissance et le contraste entre l'individu et le groupe sont presque palpables dans les photos de Carles-Tolra, où les femmes font des mêlées dans des entrelacs presque abstraits de cuisses et d'estomacs. « Sur certaines de ces images, les expressions que vous voyez sont celles de la peur, de l'inquiétude. Elles ne veulent pas se blesser. Mais elles sont protégées par leurs grandes jambes solides. C'est une métaphore pour montrer que vous pouvez vous sentir faible, mais que vous êtes entouré par des personnes qui vous protègent », poursuit-elle.

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L'approche de documentaire de Carles-Tolra (elle possède un Nikon D800 et un petit flash pour rester discrète) se confond avec son expérience théâtrale. Les portraits individuels ont été capturés sur le vif avec le flash contre un ciel sombre pour ajouter au drame et au contraste. Contrairement à de nombreux portraits de ce type, les figures féminines ne sont pas immobiles ou passives. Un sentiment d'agitation physique transparaît à travers le cadre.
« Tous les portraits ont été pris pendant qu'elles attendaient la balle. Elles sont donc sur le point de se déplacer ou d'envisager de se déplacer ou d'effectuer un mouvement. Ce n'est qu'un entraînement. Je ne voulais pas qu'elles soient statiques. Je ne voulais pas que les portraits soient formels. Je voulais vraiment capturer cet aspect performatif et théâtral du personnage qui est sur le point de faire quelque chose. »

« Ce qui est bien avec le rugby, c'est qu'il y a une place pour chaque personne et chaque corps, ajoute-t-elle. Vous pouvez être très maigre et être un grand atout, ou vous pouvez être très grande et forte et être également un avantage pour l'équipe. Il n'y a pas de type de corps spécifique ou de personnalité spécifique dans le rugby ». Dans un environnement dominé par les hommes, il est rare de trouver une bulle solide dans laquelle les femmes peuvent prospérer. Carles-Tolra n'est certes pas prête à se casser un os sur le terrain, mais pour l'artiste, ce sport est plus que nécessaire.

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