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coupe du monde 2018

Ma pire soirée foot

Oui, le Mondial est terminé… Mais ne pleurez pas : le foot, ce n’est pas que de beaux moments d’émotion. C’est, aussi, de vraies soirées de merde.
Photo: Vice Staff

Michel Biel, comédien

© Tom Wagner

« J’ai foiré un casting à cause de la finale de l’Euro 2016 »

Le 11 juillet 2016, j’avais un casting super important pour The Happy Prince. C’était le premier film réalisé par Rupert Everett – un gros projet avec Emily Watson, Colin Firth, Béatrice Dalle… Une partie se tournait à Paris et j’auditionnais pour le rôle d’un clochard. J’étais archi-motivé. J’ai donc décidé de me la jouer Actors Studio en dormant dans la rue parisienne la nuit précédant l’audition. J’avais juste oublié un détail : le 10 juillet au soir, c’était la finale de l’Euro 2016 entre la France et le Portugal. D’entrée, j’ai compris que c’était une idée de merde. Il y avait une ambiance de dingue dans les bars et les gens étaient hyper agressifs avec moi. Faut dire que, côté look, j’avais mis le paquet : vieil hoodie frotté contre un pneu de voiture et jean dégueulasse troué… Tout le monde me regardait de travers, surtout les gens bourrés qui n’ont aucune envie de se faire emmerder par un SDF alors qu’ils matent tranquillement le match. Place de la Bastille, un mec m’a bousculé en gueulant : « On va te laminer, sale Portugais ! ». Arrivé gare de Lyon, il y avait toujours 0-0 et on a attaqué les prolongations. À la 109 e minute, Eder a mis le but qui éliminait la France et il s'est mis à pleuvoir. La foule est devenue encore plus nerveuse. Vingt minutes plus tard, le match fini, les rues sont vidées. J'ai passé une nuit de merde par terre, gare de Lyon. À 11 heures, je suis allé directement chez mon agent pour l’audition. Everett a paru sensible à ce que j’avais fait. Mais j’étais tellement nerveux, et crevé, que j’ai été mauvais. Je n’ai pas été pris. J’aurai fait un ça un soir normal, une nuit sans finale de l’Euro, je suis certain que ça se serait mieux passé. Depuis, le Times a qualifié The Happy Prince de ‘’chef d’œuvre’’ ».

Michele Farnesi, chef du restaurant Dilia, à Paris

© Marco Valori

« En Italie, on dit souvent que tu aimes souffrir, tu es pour la Fio’ »

« Moi, j’ai pas mal de souvenirs douloureux de football parce que je suis supporter de la Fiorentina et… on ne gagne pas beaucoup ! En Italie, on dit souvent que si tu aimes bien souffrir, tu es pour la Fio’. Même si j’étais très jeune à l’époque, je me souviendrai toujours de la blessure de Gabriel Batistuta [attaquant argentin et meilleur buteur de l’histoire du club] en 1998. On était champion d’hiver [titre honorifique décerné à l’équipe en tête du classement de la Serie A avant la trêve hivernale] et là, il s’est cassé le genou. Son remplaçant était Edmundo, un brésilien qu’on appelait « le Fou » - et qui a décidé de partir faire le carnaval de Rio. Du coup, la Fiorentina a perdu un match après l’autre et a terminé à la troisième place. Porca madonna !

Ça me reste toujours en travers de la gorge parce que je pense que c’était l’unique occasion de gagner un scudetto. Et elle a été gâchée par ce couillon. On avait personne pour marquer des buts : « Lùlu » Oliveira était archi nul et Rui Costa, qui était plutôt passeur décisif, ne pouvait pas tout faire tout seul. Il y a aussi eu la descente en 3 edivision, le penalty raté par Bobo Vieri en demi-finale d’Europa League, un 5-0 à domicile contre la Juventus… Bref, que des souvenirs douloureux »

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Bun Hay Mean, comédien

©FIFOU

« En 98, j’ai tout mis en œuvre pour supporter le Brésil et perdre ma virginité… »

« En 98, j’avais 17 ans. J’étais en terminale à Bordeaux et j’étais toujours puceau alors, forcément, ça me travaillait beaucoup. Un mois avant la Coupe du monde, j’avais rencontré Juliana, une jeune Brésilienne. Ça connectait bien entre nous. Pas encore de baiser, mais on rigolait ensemble et je me suis dit que le grand jour allait peut-être arriver.
Le 12 juillet 1998, la France est arrivée en finale… contre le Brésil. J’ai complétement oublié que je supportais les Bleus jusqu’à présent et j’ai tout mis en œuvre pour supporter le Brésil et perdre ma virginité. J’ai même acheté un maillot de Roberto Carlos, le défenseur latéral de la Seleção ! Le soir du match, avec Juliana, on est allés à la fan zone de la place des Quinconces.
J’avais un objectif : que la France perde pour que je la nique. Ma tête était pour la France et ma teub pour le Brésil. Au premier but de Zidane, j’ai eu les boules. Au deuxième, je n’y croyais plus. Au troisième but, elle pleurait… Au coup de sifflet final, Juliana s’est barrée avec des Brésiliens qui étaient là.
Je suis resté puceau encore quelques années. Et depuis, mes potes me surnomment encore Roberto Carlos ! »

Thomas Fabre, président des jeunes UDI

© Thomas Fabre

« Ma copine m’a proposé de partir en week-end à la campagne le jour de la finale de la Ligue des Champions »

« Je suis un fan de David Trézéguet, et donc de la Juve, depuis très longtemps. Alors forcément, quand ils vont loin en Ligue des Champions, j’essaie de ne pas rater leurs matches. La saison passée, je voulais à tout prix assister à la finale qu’ils ont disputée contre le Real Madrid.
Le problème, c’est que ma copine m’avait proposé un week-end à la campagne pile à ce moment-là. Erreur du débutant, j’avais dit oui - en comptant sur la présence d’autres mecs invités au week-end pour mater le match ensemble dans un bar du coin.
On est donc partis dans une maison de campagne près d’Auxerre. Enfin, plus précisément de Joigny. Et plus précisément encore, de La Ferté-Loupière. Bref, dans un endroit où il n’y a ni réseau, ni télé. Mais à ce moment-là, je ne m’inquiétais pas. Je me disais que je pourrai toujours aller au bar du coin regarder le match tranquille.
Le problème, c’était qu’au bar le plus proche – dont, en réalité, aucun n’entre nous ne savait où il était situé – était à plus de 15 kilomètres de la maison. Là, j’ai senti la motivation décliner chez les autres mecs. Chez ma meuf, elle était déjà à zéro : elle ne s’est jamais intéressée au foot. Heureusement, elle a fait preuve d’une grande bonté d’âme puisque, voyant que personne n’allait se chauffer, elle m’a proposé d’aller au bar pour que l’on regarde le match ensemble. J’ai culpabilisé un court instant, puis… j’ai dit oui.
On a été un peu surpris en débarquant dans le PMU voisin. C’était un soir de fête du village, donc personne ne s’interressait au match. Je me suis donc retrouvé dans un coin, sur une chaise en paille, avec ma copine qui se demandait ce qu’elle foutait là. Moi, j’étais à fond, et je n’ai pas pu me maîtriser quand Mandzukic a marqué pour la Juve. Un but magnifique, un retourné incroyable ! Dans l’euphorie, ma bière a fini au plafond… avant de s’éclater au sol. Du coup, j’ai passé la fin du match à laver le sol à la serpillère en assistant au carnage – Cristiano Ronaldo massacrant la Juve 4 à 1.
On est repartis en voiture dans la nuit. Ma copine m’a demandé de ne pas faire la gueule : elle avait quand même fait preuve de bonne volonté en m’accompagnant voir le match ».

Hakim Jemilin humoriste

©John Waxx

« En 98, j’ai pleuré tout seul, dans mon maillot de Ronaldo »

« Ma pire soirée foot de tous les temps, c’était la finale de la Coupe du monde 1998. J’avais huit ans, et ça a été la première déception de ma jeune vie : je soutenais le Brésil. J’étais en Tunisie, à Bizerte, tranquillement installé chez ma grand-mère maternelle avec mes oncles. Je passais un bon moment. Mais à la mi-temps, mon père m’a demandé de l’accompagner chez mon autre grand-mère.
Une fois arrivé, je me suis installé tout seul sur un canapé en bois inconfortable, avec un semblant de coussins. La télé était pourrie, il fallait taper dessus pour que l’image revienne. Mes grands-parents, mon père, tout le monde passait devant l’écran sans y accorder d’importance : j’étais le seul à aimer le foot. Ils ne se rendaient pas compte que c’était une finale de Coupe du monde !
Et puis le Brésil a perdu. Moi, j’étais un grand fan de leur culture, de Ronaldo, de Bebeto… C’est cette équipe qui m’a transmis la passion du football. Je me suis mis à pleurer, tout seul, dans mon maillot de Ronaldo. Et personne n’est venu me consoler ! Ils m’ont juste dit : « Hakim, c’est ça, le foot ! » Mais pour moi, c’était très important. Résultat : je n’ai pas voulu retourner chez ma grand-mère pendant un mois ».

Bérald Crambes, bassiste des BB Brunes

© Warner Music France

« J’étais avec cinq zicos qui ne pigent rien au foot, et préfèrent parler musique en mangeant des pizzas »

« Je suis un gros gros fan du PSG. Alors, le 8 mars 2017, pour le match retour des 8 es de finale de la Ligue des champions, j’étais chaud. Malheureusement, mes potes de foot habituels étaient absents et j’ai maté le match chez moi, vers Montmartre, avec mon coloc et des copains. Ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille… J’étais avec cinq musicos qui ne pigent rien au foot et préfèrent parler musique en mangeant des pizzas…
Dès la 3 e minute, Luis Suarez nous a planté un but. Pas grave. Quand Layvin Kurzawa a marqué contre son camp à la 40 e et, dix minutes plus tard, Lionel Messi a planté un penalty, j’ai commencé à être mal. Mais j’étais loin d’imaginer qu’on allait en prendre trois entre la 88 e et la 95 e ! Au début, dans mon salon, les gars réagissaient sur les buts espagnols. Mais, ils m’ont vu me décomposer, et ils ont arrêté. Au coup de sifflet final, j’ai explosé : « Arrêtez de parler d’amplis de merde ! » Je leur en voulais, je me disais que c’était à cause d’eux, de leur manque de soutien qu’on avait perdu. J’aurais préféré vivre ça avec mes potes qui aiment vraiment le ballon.
À la fin, on est sortis dans les bars quand même. J’ai pris une mine pour oublier. Evidemment, pendant et après le match, mes potes ne se sont pas privés de me chambrer. Ils ont bien violenté le slogan du PSG, « Rêvons plus grand ». Ça m’a pourri la vie pendant un mois cette défaite »

Norman Thavaud, vidéaste

© Quentin Caffier

« Finalement, personne n’est sorti à cause de la défaite du PSG. Je suis rentré tout seul chez moi, avec mes pompes toutes neuves »

« C’était le 6 mars 2018, soir de match du PSG. Ce soir-là, j'avais rendez-vous avec mes potes pour sortir. Je m’étais mis sur mon 31, avec mes plus belles fringues, des pompes toutes neuves, une coupe de cheveux soignée et une motivation maximale. J’ai rejoint ma bande un peu avant la fin du match, histoire qu'on soit tous réunis pour décoller ensemble en vue de passer une pure soirée. J’ai poussé la porte de l’appartement : l’ambiance était funèbre, personne ne parlait, les yeux étaient rivés sur la télé qui affichait 0-3. J’ai vu des joueurs au maillot blanc et bleu ciel alors, histoire de m'intégrer, je dis : « Non, mais Marseille, ils ont juste eu de la chance, là. » Il s'agissait du Real Madrid…
Après quelques tentatives de blagues, j’ai bien senti que tout le monde était vénère. L'un d'entre eux était carrément au bord des larmes, alors pour relativiser j’ai dit : « On s'en fout, des matchs comme ça, y en a toutes les semaines. » Gros silence. Mohamed m'a expliqué que le PSG venait de se faire éliminer de la Ligue des champions, que le club ne jouerai plus de match…
Finalement, personne n'est sorti ce soir-là à cause de la défaite du PSG. Je suis rentré seul chez moi, avec mes pompes toutes neuves. Alors que je n’en ai rien à foutre du foot ».

Dinos, rappeur

Image : Fifou / Because Music

« J'ai suivi le match sur Twitter…avant que la batterie de mon téléphone ne lâche »

Je suis originaire du Cameroun, donc je n’ai pas eu vraiment le choix : tu dois aimer le foot, c’est limite religieux - ou en tous cas, imposé par les ancêtres. Quand j’étais petit, j’étais vraiment à fond, je connaissais toutes les compos des équipes. Depuis, je suis un peu plus mesuré, mais je passe quand même pas mal de temps au five.

Ma pire soirée, c’était il y a deux ans, pendant l’Euro 2016. J’avais prévu de regarder la finale France-Portugal au Champs de Mars sur l’écran géant. J’étais serein avant le match, je pensais qu’on allait la gagner. Mais avant ça, je devais accompagner une tante au Mans, pour poser mon petit-cousin qui passait ses vacances là-bas. Le souci c’est, qu’arrivés au Mans, on a eu quelques galères. Du coup, on est reparti un peu à la bourre. Et là sur la route, on a eu le droit aux embouteillages, aux contrôles de police, tout ce qu’on peut imaginer…

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Donc, j’ai suivi le match à la radio et sur Twitter, avant que la batterie de mon téléphone rende l’âme. C’est l’enfer d’écouter un match aussi important à la radio, les commentateurs crient pour rien, donc toi, tu t’enflammes dans la voiture, mais en fait les joueurs sont encore à 50 mètres du but, c’est juste une vieille passe. C’était bien frustrant comme expérience, d’autant plus que tous mes potes étaient ensemble à Paris, on devait aller bouffer ensemble après. Puis pour bien finir la soirée, on a fini par perdre le match sur un but d’Eder. Une soirée bien rincée.

Mathieu Roche, chef du restaurant Ouréa, à Marseille

« Le plus dur, c’est de voir la fête s’arrêter »

« Ma pire soirée foot est très récente. Elle remonte à la dernière finale de l’Europa League entre l’OM et l’Atletico Madrid. On dit souvent qu’à Marseille, le foot crée quelque chose de particulier, une sorte de momentum. Clairement, toute la semaine précédant le match, il y avait une ambiance particulière. On sentait que les gens ne pensaient qu’à ça. Le matin de la finale, je suis parti faire des courses pour le restaurant et, à 10 heures, je me suis retrouvé coincé dans les bouchons. Il y avait du monde partout. Certains supporters avaient même commencé à craquer des fumigènes.
Comme l’ouverture de l’Ourea était prévue la semaine suivante, on était en plein dans les préparatifs ce mercredi-là. Et puis à 20 heures, on a arrêté de bosser pour se rendre sur le Vieux-Port, histoire de vivre ce qui était en train de se passer. Même mes potes qui ne sont pas fans de foot se sont déplacés pour profiter de l’ambiance.
La suite est beaucoup plus dure. La blessure de Dimitri Payet. Et puis Antoine Griezman qui nous tue, alors que c’est un joueur que j’aime bien. On se dit que c’est le destin. Qu’ils étaient simplement plus forts. Mais le plus dur, c’est de voir la fête s’arrêter. Toute cette joie qui retombe soudainement, ça fout un coup. »

Sacha Houlié, cofondateur des Jeunes avec Macron

© Sacha Houlié

« Laurent Blanc était mon héros et pourtant, il avait commis une erreur fatale »

« Mon premier vrai traumatisme a été la finale de la Coupe de l’UEFA 1999. C’était la première fois que je ressentais le goût amer de la déception : l’Olympique de Marseille avait perdu à Moscou, contre Parme. J’avais 10 ans et j’y croyais dur comme fer. J’étais à Poitiers, chez la femme qui me gardait, avec son mari, ses enfants et des copains. Moi, j’étais pour l’OM à 100 %. L’année précédente, j’avais vécu mon premier multiplex avec la victoire de Marseille contre Montpellier, sur le score de 5-4. Laurent Blanc avait marqué le penalty à la dernière minute.

Depuis, il était devenu mon héros. Ce soir-là, je portais même un maillot de l’OM floqué à son nom. Et pourtant, vers la 30 e minute, il a raté une remise de tête au gardien Porato. C’était mon héros, et pourtant, il avait commis une erreur fatale. Pourtant, j’avais tellement d’espoirs !

Après la défaite 3-0, mes parents sont venus me chercher. Ils m’ont dit que ce n’était pas grave - comme si c’était un match anodin ! Mais moi, j’ai fait la gueule toute la soirée »