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Sports

Marine Hunter, la windsurfeuse de Paname qui manie l'art de la débrouille

La Parisienne est l'une des meilleures françaises de sa discipline et doit se démerder pour pratiquer son sport. Portrait d'une débrouillarde qui sera à Bercy ce week-end pour l'Indoor de France.
Photo Thomas Seguin

« Quand j'explique à des Parisiens que je fais du windsurf, ils ouvrent généralement de grands yeux ronds. C'est un peu exotique pour eux… » Francilienne pur jus, Marine Hunter s'est en effet prise de passion pour un sport pratiqué loin des berges de Seine : la planche à voile. Un coup de foudre né d'un heureux concours de circonstances.

Alors qu'elle a 16 piges, son frère Lucas rentre d'une année sabbatique en Australie, où il donnait des cours de surf et de windsurf. Lorsque Marine apprend que le frangin a également joué le prof à Hawaii, l'effet est immédiat. « Le windsurf devait forcément être un sport ultra-cool pour que Lucas l'enseigne dans des endroits aussi paradisiaques. Je lui ai demandé de m'apprendre les bases, deux heures plus tard j'étais complètement accro ! » La jeune parisienne achète du matos d'occasion, multiplie les entraînements puis décide, en septembre 2011, de mettre les voiles vers La Rochelle. « Je me suis installée à 19 ans à Aytre, un bon coin pour la pratique des sports de glisse. J'avais même choisi ma colocation par rapport à ça : j'étais pile en face de la mer ! Je naviguais dès que je le pouvais, c'est-à-dire quasiment un jour sur deux. Mon but était de doubler tous les garçons puisque j'étais la seule fille sur l'eau… »

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Photo Eric Bellande.

Un apprentissage à la dure et une passion dévorante, qui mettent en péril ses études. Pour calmer les inquiétudes de ses parents, Marine Hunter remonte alors à Paname, trouve un mi-temps chez Décathlon et consacre tout son temps libre au windsurf. « Marine a organisé sa vie autour de sa passion, approuve Emmanuel Cocq-Hougard, président du club de Voiles de Seine Boulogne-Billancourt où elle est licenciée. Elle est très volontaire et donne même des conférences dans les écoles, collèges et lycées de la ville. Marine impressionne beaucoup les jeunes filles, qui s'identifient facilement à elle. »

278 kilomètres. C'est la distance qui sépare Paris de Wissant, un spot nordiste où Marine Hunter a ses habitudes. Car pour pratiquer son sport favori, la rideuse de 23 ans doit se taper de longs trajets en caisse. Direction la Normandie, le Pas-de-Calais ou la Bretagne, en fonction des conditions météo. « Les windsurfeurs parisiens ont une caractéristique assez spéciale : cela ne les dérange pas du tout de rouler 500 ou 1 000 km dans la journée, pour une seule session », lance Marine dans un éclat de rire. Nous sommes prêts à nous taper des déplacements que les planchistes locaux ne feraient jamais de leur vie… On a l'habitude de vivre dans nos voitures. »

Marine Hunter a trouvé un bon moyen de joindre l'utile à l'agréable : elle pratique le covoiturage grâce au KIFF, le Klan des Intrépides Funboarders Franciliens. A la clé, de belles rencontres pour la sympathique brune. « La communauté du windsurf est vraiment cool, nous ne sommes pas beaucoup de filles mais nous bénéficions toujours d'un super accueil. Il n'y a pas d'ambiance machiste », explique la Boulonnaise. Qui épate ses camarades d'entraînement, à l'image de Dominique : « Marine est ultra- motivée, elle s'entraîne beaucoup et n'a absolument pas peur des vagues, quelque soient les conditions… Je me rappelle d'un jour de grande tempête, il n'y avait pas grand-monde qui naviguait sauf Marine ! Elle est un bel exemple à suivre… » Ne disposant pas de coach ou de préparateur physique à temps plein, éloignée des plans d'eau, la jeune francilienne a pleinement recours au système D. Handicapant lorsque l'on vise le plus haut niveau, mais pas rédhibitoire.

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Au premier plan, Marine à la lutte avec une concurrente. Photo Eric Bellande.

La détermination de Marine Hunter est en effet payante : la windsurfeuse fait une entrée remarquée, en 2014, dans la cour des grandes. Pour sa première participation au championnat de France de windsurf slalom, la Parisienne termine à la quatrième place du général, après quatre épreuves. « Mes parents avaient un peu de mal à accepter ma passion, ils étaient inquiets pour mon avenir. Je pense que mes résultats sur le championnat de France 2014 les ont rassurés ». Marine frappe même une seconde fois cette année-là, en mai du côté de Gruissan. Elle se classe alors 4e féminine (et 205e sur 1 002 concurrents) lors du mythique Défi Wind. Un marathon version windsurf compilant des parcours de 20 à 40 bornes, des rafales de vent à 100 km/h et un combat mental permanent, qu'elle découvre et apprivoise avec succès.

La perf' est bluffante et reproduite un an plus tard : la rideuse du club de Voiles de Seine Boulogne-Billancourt se classe 5e fille du Défi Wind 2015, renforcé par la présence des meilleurs windsurfeurs mondiaux. Devant elle au classement féminin, on trouve d'ailleurs quatre stars du circuit international : Marion Mortefon, Delphine Cousin, Lena Erdil et Karin Jaggi. « Je pense que certaines personnes ont dû être étonnées par ma 116e place au général au Défi 2015, sur 1 200 inscrits, confie Marine Hunter. Cela dit, ce n'est pas mon genre de m'étaler sur mes performances. Je n'ai terminé que cinquième, cela ne vaut pas un podium d'un point de vue médiatique, même si sportivement c'était bien sûr un super résultat. »

Classée n°1 en voile en Ile-de-France, tous supports et sexes confondus, Marine Hunter peut compter sur le soutien de la mairie de Boulogne-Billancourt et de Thierry Solere, député de la ville et ancien planchiste. Un renfort de poids, d'autant que la jeune femme s'est fixée un nouvel objectif pour 2016 : tenter l'aventure Coupe du monde, le Graal de tout windsurfeur. Marine a ainsi prévu de participer en 2016 à quatre étapes du circuit mondial PWA, le wolrd winsurfing tour, au Danemark et en Turquie notamment. Pour ce faire, la Parisienne a lancé un projet de crowdfunding sportif afin de collecter 2 500€ auprès d'internautes, via la plateforme Fosburit. Un carton plein, puisque la pétillante rideuse a récolté cette somme en moins de 10 jours. « Ce soutien financier devenait nécessaire, je claque tout mon salaire dans les compétitions, précise-t-elle. Le budget matériel, pour une saison, représente à lui seul 2 500 à 3 500 €. Je souhaite aujourd'hui évaluer mon niveau mondial, d'où ce crowdfunding. » Son agenda 2016 s'annonce chargé entre le circuit Coupe du monde, le championnat de France, le Défi Wind et… l'Indoor de France.

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Douze ans après, le windsurf fera en effet son retour à Paris les 1er et 2 avril, au sein de l'AccorHôtels Arena (ex-Paris Bercy). Au programme : un show de deux jours dans un immense bassin encadré de 30 ventilateurs géants. Parmi les têtes d'affiche : Robby Naish (24 titres mondiaux), Antoine Albeau (23 titres mondiaux), Thomas Traversa ou Sarah-Quita Offringa. Marine Hunter sera la locale de l'étape, mais assure qu'elle abordera cet évènement à la cool. Cette chasseuse de sensations fortes, qui rêve de crier « Paris Represent » sur le podium du Défi Wind, aura une superbe occasion de montrer qu'à Paris, le windsurf est loin d'être exotique.