Shakur Stevenson, le nouveau Mayweather à la découverte de la boxe pro

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Shakur Stevenson, le nouveau Mayweather à la découverte de la boxe pro

Le gamin de 19 ans, médaillé à Rio, a remporté samedi 22 avril son premier combat pro d'une carrière que Floyd Mayweather lui-même annonce plus que prometteuse. Il se confie sur les coulisses de la boxe-business.

Photos de Mikey Williams/Top Rank

A 19 ans, j'avais deux ambitions relativement limitées dans la vie : trouver un emploi correctement payé et tenter de ne pas trop faire n'importe quoi de mon temps libre. De par le monde, des millions de jeunes appliquent les mêmes dogmes avec une égale désinvolture. Mais au milieu de tout ça, certains se fixent des objectifs plus élevés. Shakur Stevenson, baptisé ainsi par ses parents en hommage à Tupac, fait partie de ceux-là. Et quand on dit plus élevés, ce n'est pas une façon de parler, puisque le jeune homme a déjà remporté la médaille d'argent des poids coqs aux Jeux de Rio l'année dernière. Mieux, ou pire - c'est selon la capacité de chacun à gérer la pression – Floyd Mayweather l'a adoubé comme son futur successeur.

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Si Floyd Mayweather devient fou à la vue du moindre billet de banque, il reste un mec de confiance quand il s'agit de parler boxe. Sa sortie n'a donc rien d'irréaliste, d'autant qu'il l'a réitérée un certain nombre de fois. La meilleure preuve de cette foi en Stevenson restant la tentative, certes ratée, de « Money », reconverti promoteur, de recruter la jeune pépite. Mais Shakur Stevenson a finalement signé avec Bob Arum.

Samedi 29 avril, il a lancé sa carrière pro à Carson, ville de Californie, en affrontant Edgar Brito dans la catégorie des poids plume, en marge du championnat du monde WBO opposant Oscar Valdez et Miguel Marriaga. Coaché par son idole Andre Ward, champion du monde et médaillé d'or aux JO, Stevenson suscitait de grandes attentes, qu'il espérait ne pas décevoir. Contrat rempli puisqu'il l'a emporté aux points malgré quelques coups de têtes du vétéran Brito.

Discuter avec un gamin de 19 ans peut s'avérer parfois ennuyeux tant le manque d'expérience et l'immaturité empêchent la conversation de dépasser le stade de la banalité. Mais avec Shakur, il n'en est rien. Le mec débat sur le business de la boxe, son admiration pour Vasyl Lomachenko et le poids de l'héritage légué par Mayweather, le tout comme un grand. Entre deux séances d'entraînement, Stevenson et ses 60 kilos baissent la garde le temps d'un entretien poids lourd.

VICE Sports : Depuis que tu es passé pro, qu'est-ce qui a changé pour toi ?
Shakur Stevenson : A peu près tout de la préparation au ring, tout est différent. Avec les amateurs, je devais me peser tous les jours, ce n'est plus le cas. J'ai eu beaucoup de mal à rester dans ma catégorie des 123 (123 pounds, soit moins de 57,8 kilos, ndlr). Pareil pour le combat, il y a beaucoup plus de rounds, donc je me dois d'être patient. Tous ces changements sont très excitants pour moi.

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Tes adversaires sont plus connus et plus facilement identifiables. Ca doit aider à préparer les combats…
C'est vrai que c'est plus simple. Tu peux voir comment ils boxent sur Youtube ou n'importe où sur Internet. J'ai regardé quelques combats de Brito en vue de samedi d'ailleurs.

De nombreux boxeurs critiquent ouvertement les juges qui règnent sur la boxe amateure. Tu partages leur point de vue ?
J'ai le sentiment qu'effectivement, il y a un problème au niveau de l'arbitrage en amateur, et je suis soulagé de ne plus avoir à m'en inquiéter. En revanche, je ne suis pas sûr que chez les pros, les juges soient moins critiquables. J'ai aussi vu de nombreuses décisions contestables à ce niveau.

Quel tour espères-tu donner à ta carrière ? Combien de combats aimerais-tu pouvoir mener chaque année ?
Pour l'instant, ce n'est pas à moi de choisir. Je suis obligé de laisser les meilleurs boxeurs et mes managers arranger ça pour moi. Mais personnellement, je suis déterminé à combattre aussi souvent que possible pour prouver ma valeur.

Dans l'idée, tu pourrais nous faire une "Sugar" Ray Leonard ? Je crois qu'il a disputé 26 combats dans les deux premières années de carrière pro après sa médaille d'or aux JO de 1976.
C'est ambitieux, mais ça ne me dérange pas de suivre ses traces.

Floyd Mayweather t'a désigné comme " le prochain Floyd Mayweather". C'est une chance ou un pression inutile pour toi ?
Je ne dirais pas que c'est une mauvaise nouvelle que Floyd ait fait une telle comparaison, mais pour l'instant elle n'a pas lieu d'être. Je n'ai encore rien fait. Et de toute façon, mon ambition, c'est qu'on se souvienne de moi comme "le premier Shakur Stevenson". Mais je prends cette attention avec plaisir et humilité.

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Au sein de ton staff, tu t'es entouré de l'ancien champion olympique et champion du monde unifié Andre Ward, qui est une de tes références. Quel a été le meilleur conseil qu'il t'ait jamais donné ?
De manière générale, il m'a enseigné une chose primordiale : rester concentré. Toujours. Je regarde souvent Andre et j'adore le voir s'entraîner. Sa détermination, l'intensité qu'il met dans chacun de ses exercices est incroyable. Il est tellement concentré sur son objectif que parfois il ne m'adresse même pas la parole lorsqu'il entre dans le gymnase. Mais dès que l'entraînement se termine, il redevient tout à fait normal.

Avec un tel mentor, quelle approche de la boxe as-tu développé ? C'est devenu un job à part entière, ou ça reste une passion, voire un mode de vie ?
J'aime la boxe, ce n'est pas une simple activité professionnelle, même si par la force des choses, c'est aussi devenu mon job. Je suis juste heureux de pouvoir faire carrière dans le domaine qui me passionne.

Est-ce que Andre Ward t'a initié aux ficelles du monde des promoteurs et à toutes les coulisses commerciales de la boxe ? C'est un monde nouveau pour toi qui vient du monde amateur…
Il m'en parle tout le temps, ça m'aide beaucoup.

Qu'est-ce que tu penses du modèle des boxeurs indépendants (ils assument eux-mêmes la fonction de promoteur, ndlr) ? Quand tu deviens pro, tu es le mieux placé pour gérer tes relations publiques. Ce peut être un moyen de changer le modèle économique de la boxe non ?
J'ai le sentiment que je ne dois pas me forcer à faire quelque chose qui n'est pas naturel. Je conçois la promotion de mes combats comme ça. J'estime qu'être moi-même est la meilleure politique à adopter pour vendre mon combat et me bâtir une grande célébrité et une grande fortune.

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Donc c'est pas du tout ton truc de faire du Kovalev (Kovalev a pas mal trashtalké Ward avant un combat, ndlr)?
Vraiment pas.

Quand tu es passé pro, est-ce que tu t'es retrouvé assailli de propositions et de conseils, pas toujours avisés d'ailleurs ?
Submergé même. Dès que j'ai signé, beaucoup de bons combattants sont venus me voir, dont Terence Crawford et Andre Ward.

As-tu parfois douté des conseils que tu as reçus ?
Il faut toujours se demander d'où viennent les conseils qu'on te donne, et surtout se demander pourquoi on te les donne. Si le mec qui veut t'aider n'a pas les compétences pour, alors il faut se méfier de son avis. Mais si la personne qui te suggère des pistes est un ancien qui a fait ses preuves et qui a l'air de savoir ce qu'elle dit, alors je donne ma confiance, parce qu'écouter, c'est progresser.

Ton nom est souvent associé à celui de Michael Conlan (un autre jeune boxeur prometteur, ndlr). Vous êtes tous les deux jeunes, tous les deux en contrat avec Top Rank, et tous les deux issus de la catégorie des poids coqs. Est-ce que tu as déjà pensé à le combattre, ou est-ce que vous préférez attendre de vous faire un palmarès et une expérience en pro chacun de votre côté ?
On doit d'abord faire nos armes, tracer notre propre chemin. On ne peut pas laisser les autres nous montrer qu'ils sont supérieurs. Nous devons d'abord montrer que nous sommes les meilleurs, et ensuite seulement on pensera à s'affronter. Mais je trouve ça excitant de voir que tout le monde attend notre combat, c'est cool.

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Tu le connais ?
J'ai fait un stage avec lui deux semaines avant les JO de Rio.

Il est comment ?
Avec lui, c'était cool. A chaque fois que je montais sur le ring, il venait me regarder, et j'en faisais de même. Donc on est très attentifs l'un à l'autre et on connaît nos boxes respectives.

Les combattants comme Conlan ont une chance, celle d'avoir tout un peuple derrière eux. Aujourd'hui, on ne peut pas dire que ce soit le cas pour les Américains, à cause de la concurrence accrue d'autres sports. Tu penses que les boxeurs américains souffrent d'un certain désamour du public ?
Effectivement, j'ai cette impression auprès du public américain, mais j'ai quand même l'impression d'être bien soutenu. Je sais que la ville de Newark (dans le New Jersey, où il est né, ndlr) et ses habitants sont derrière moi. Je n'ai pas besoin de beaucoup plus, ça compte déjà beaucoup pour moi. Si on s'affrontait à New York avec Conlan, je ramènerais beaucoup de public et lui aussi, ce serait beau !

Et pourquoi ne pas combattre carrément à Newark dans ce cas ?
Mais j'y compte bien ! Monter sur le ring du Prudential Center fait partie de mes rêves. C'est chez moi, j'aimerais tellement offrir du spectacle aux habitants de la ville où je suis né.

Qui sont tes combattants fétiches, ceux que tu suivais gamin ?
J'en avais trois : Andre Ward, Floyd Mayweather, et Pernell Whitaker. Puis plus tard je me suis mis à regarder les combats de Vasyl Lomachenko et de Terence Crawford.

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Quelle impression te donne Lomachenko?
Lomachenko, c'est simple, il domine chaque combat auquel il participe. Il ne perd pas un round, jamais. Je veux devenir aussi fort que lui.

J'imagine que tu connais Pernell Whitaker (un boxeur champion olympique en 1984 devenu champion du monde WBC) et ses clips sur Youtube ?
Bien sûr.

Certains l'ont comparé à Lomachenko, pour leur technique et leur style similaires. Tu trouves ça justifié ?
Pas vraiment. Ils ont un style proche l'un de l'autre, c'est vrai qu'ils cherchent le hit and not be hit (toucher sans se faire toucher). Mais je pense que Lomachenko a vraiment un truc à lui, un truc unique. je n'ai jamais vu quelqu'un boxer comme ça chez les Américains.

Tu envisages un combat contre lui à terme ?
Evidemment ! Je veux monter sur le ring face à lui et je pense que c'est possible car on a un poids similaire. Ce serait mon combat rêvé. Mais je dois faire mes preuves d'abord.

En poids-plume, de nombreuses options s'offrent à toi : Leo Santa Cruz (33 victoires-1 nul-1 défaite), Carl Frampton (23-1), Gary Russell Jr. (27-1). Passés les 59 kilos tu as Lomachenko et Mikey Garcia (36-0) qui est à 61. C'est quoi ton plan, tu veux rester en poids plume ?
Mon plan, c'est de laisser mon corps évoluer natuellement. Si en vieillissant je m'épaissis beaucoup, alors je passerai dans la catégorie supérieure. Mais d'ici là, je reste concentré sur ma catégorie de poids.

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Ca te fait quoi d'être payé pour combattre ? J'ai rencontré beaucoup de jeunes athlètes qui étaient stressés par cette dimension, qui avaient peur qu'elle prenne le pas sur la passion.
Ca ne me fait pas peur. Je suis content d'être passé pro et de pouvoir toucher de l'argent pour ma passion. C'est même une bénédiction.

Où est-ce que tu vis en ce moment ?
Je vis et je m'entraîne en Virginie. Ma salle de boxe est à Alexandria (au sud de Washington).

Est-ce que tu ambitionnes de continuer tes études en parallèle ?
J'envisage de me remettre aux études ouais. Même si je ne reviens pas sur les bancs d'une école, je le ferai en ligne. Je n'ai pas de domaine précis en tête pour le moment, mais peut-être plutôt le commerce et l'économie. .

Quelle est ta méthode d'entraînement ? What's your first professional training camp like?
J'essaie de beaucoup courir et d'accumuler les rounds de sparring sur le ring pour m'habituer au format beaucoup plus long des combats. Pour l'instant,c c'est ma priorité, mon axe de travail.

Tu t'entraînes avec des combattants plus costauds ?
Dans mes sparrings-partners, il y a Keyshawn Davis de Norfolk, et un autre gars qui pèse pas loin de 75 kilos. Ces mecs sont comme mes frères, je combats contre eux à l'entraînement ouais.

Est-ce que ça te plaît de t'investir dans l'organisation des combats ? Je sais que tu choisis toi-même ta tenue, ta musique…
J'adore ça oui. J'aime pouvoir personnaliser tout ça, y mettre un peu de moi. Ca me donne une bonne première impression du monde professionnel. Et je suis sûr que ça va durer !