Plus de problèmes d’eau potable dans les collectivités autochtones malgré les promesses de Trudeau

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Plus de problèmes d’eau potable dans les collectivités autochtones malgré les promesses de Trudeau

Justin Trudeau avait promis en 2015 d’éliminer tous les avis concernant la qualité de l’eau potable dans les collectivités des Premières Nations en cinq ans. Mais depuis la situation s’est dégradée.

Le gouvernement Trudeau affirme avoir éliminé 26 avis concernant la qualité de l'eau potable à long terme dans les collectivités des Premières Nations. Un beau progrès, selon le gouvernement, et une promesse électorale qu'a faite le Parti libéral il y a maintenant près de deux ans en voie d'être tenue.

La plupart des 26 avis ont été éliminés grâce à des fonds publics, mais le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC) ne précise pas quelle part des fonds a été allouée par le gouvernement précédent, conservateur, par rapport au gouvernement libéral actuel.

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Surtout, le nombre de collectivités touchées par des problèmes a en réalité augmenté. Il sera plus donc plus difficile que prévu pour Justin Trudeau de tenir sa promesse faite en 2015, au cours d'une rencontre à VICE, d'éliminer tous les avis concernant la qualité de l'eau en cinq ans.

En juillet 2015, avant son élection, il y avait 159 avis concernant l'eau potable dans 114 collectivités des Premières Nations. (Ces avis pouvant autant toucher une collectivité entière qu'un seul bâtiment, certaines collectivités en compte plus d'un.) Au décompte du 31 juillet dernier, le total était passé à 172. La liste des avis a été établie par Santé Canada et l'Autorité sanitaire des Premières Nations de Colombie-Britannique.

Nombre d'avis concernant l'eau potable dans les collectivités des Premières Nations au Canada. Maritimes : 4 Québec : 3 Ontario : 80 Manitoba : 16 Saskatchewan : 20 Alberta : 9 Colombie-Britannique : 22

« Si j'ai fait des promesses, c'est que je compte les tenir », a plus tard répondu le premier ministre à Sarain Carson-Fox, animatrice de l'émission Rise, diffusée à VICELAND, alors qu'ils visitaient Shoal Lake 40, une réserve à la frontière entre le Manitoba et l'Ontario où l'on doit faire bouillir l'eau avant de la boire depuis des décennies.

Par ailleurs, la liste ne comprend pas les avis dans le Saskatoon Tribal Council, qui représente environ 11 000 personnes dans un rayon de 200 kilomètres autour de Saskatoon et gère elle-même l'approvisionnement en eau potable dans ses collectivités. Ne sont pas comprises non plus les collectivités autochtones dont le gouvernement dit ne pas avoir la responsabilité. En mars, VICE a par exemple visité le village de Black Tickle au Labrador, dont les résidents doivent faire trois kilomètres pour aller chercher de l'eau.

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D'après les chiffres fournis par AANC, concernant exclusivement les systèmes d'approvisionnement de responsabilité fédérale, il y avait 69 avis concernant la qualité de l'eau potable à long terme, quelques-unes de moins que les 77 recensées en novembre 2015.

La ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, Carolyn Bennett, a traversé le pays dans les derniers mois, promettant des fonds pour des stations de filtration et vantant les succès accomplis par le gouvernement. Toutefois, ce ne sont pas toutes les collectivités dont le problème a été « réglé » qui partagent le point de vue de la ministre.

En juin, AANC a fait parvenir à VICE une liste de 22 collectivités désormais approvisionnées en eau potable grâce aux investissements des gouvernements conservateur et libéral. Dans les semaines qui ont suivi, nous avons appelé dans ces collectivités pour vérifier si l'information était véridique et plusieurs nous ont répondu qu'ils n'avaient toujours pas d'eau potable. Questionné à ce sujet, AANC a attribué la faute à Santé Canada, dont la liste ne serait pas à jour.

VICE a constaté que, si 14 des collectivités énumérées confirment l'affirmation du gouvernement, certaines d'entre elles se disent cependant toujours confrontées à de graves problèmes — dont le manque d'argent pour payer le personnel et des fuites d'eau majeures — qui rendent leur situation précaire. Trois d'entre elles nous ont expliqué les enjeux auxquels ils font face et qui risquent de les faire revenir à la case départ.

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Pic Mobert

Le directeur de la station de traitement de l'eau, Dave Craig, a confirmé à VICE que la collectivité autochtone de Pic Mobert dans le nord-ouest de l'Ontario a enfin de l'eau potable. Un avis concernant la qualité de l'eau potable y était en vigueur depuis 2008.

« C'est un soulagement pour tout le monde, ça ne fait aucun doute, dit-il. Les gens sont heureux, ils transportaient des cruches d'eau depuis plus d'une décennie. »

La nouvelle station de traitement de l'eau a été inaugurée le 21 juin 2016, Journée nationale des Autochtones, mais la collectivité est divisée en deux et seule la partie nord y était alors reliée.
Cinq kilomètres de canalisations séparent la partie nord de la partie sud. Cette dernière a finalement été reliée à la station en décembre dernier et, depuis, tous les résidents ont enfin de l'eau potable à la maison.

Mais selon Dave Craig, il y a des fuites importantes dans le système de distribution et il manque d'équipement. « Je suis inquiet, dit-il. Je veux que ce soit réglé avant l'hiver. Je devrais utiliser 10 mètres cubes d'eau par jour pour la partie sud et je dépasse 100 mètres cubes. Il y a d'énormes fuites. Une fois que ces installations sont construites dans les collectivités des Premières Nations, on devrait s'assurer qu'elles continuent à bien fonctionner. Il faut faire des pieds et des mains pour obtenir les fonds et, un peu plus tard, beaucoup de ces installations sont en mauvais état. »

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AANC affirme que le gouvernement libéral de Justin Trudeau a dépensé 13,3 millions de dollars pour bâtir la station et le système de distribution alimentant Pic Mobert depuis novembre 2015, mais, selon Dave Craig, ce sont plutôt les conservateurs qui avaient financé le projet. Quand VICE a questionné AANC à ce sujet, l'erreur a été admise.

« On ne peut pas vraiment dire que c'est un gouvernement ou l'autre, estime Dave Craig. Il a fallu une éternité pour qu'il y ait de l'eau ici. » Le processus pour obtenir une station de traitement de l'eau a débuté alors qu'il suivait sa formation en 1997 ou 1998. Selon lui, la faute revient à la bureaucratie.

« Si c'était une municipalité, il y aurait eu une tempête de protestation, ajoute-t-il. On ne s'occupe pas des Premières Nations du nord du pays. On ne les voit pas, on n'y pense pas. »

Taykwa Tagamou

Le chef de Taykwa Tagamou, Dwight Sutherland, a confirmé à VICE que cette collectivité du nord de l'Ontario a finalement de l'eau potable après que des améliorations au système d'approvisionnement en eau ont été apportées. AANC dit avoir investi 379 000 $.

Mais la collectivité a maintenant un autre problème : elle n'a pas les moyens de payer son technicien, qui reçoit des offres d'emplois bien rémunérés de compagnies minières des environs.

Bruce Archibald, membre du conseil de bande et responsable de l'approvisionnement en eau dans la collectivité, dit qu'AANC ne leur verse que 100 000 $ par année pour payer les trois techniciens, les produits chimiques nécessaires, comme le chlore, et le reste du matériel. Il dit avoir demandé une augmentation du financement plusieurs fois. « Pour l'instant, ils ne se sont pas engagés à quoi que ce soit », se désole-t-il.

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Il a fallu sept ans pour effectuer les améliorations du système après qu'elles ont été approuvées en 2009 : cinq ans pour transmettre les fonds de AANC à la collectivité et deux ans pour effectuer les travaux. Bruce Archibald doute qu'une collectivité non autochtone doive attendre aussi longtemps.

« J'aimerais que les gens du ministère des Affaires autochtones viennent ici et vivent dans nos conditions, dit Dwight Sutherland. Ils ne nous soutiennent pas. C'est un combat, un vrai combat quotidien d'être autochtone. »

Potlotek

AANC affirme avoir finalement résolu le problème de distribution de l'eau potable à Potlotek, une collectivité des Premières Nations de l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, grâce à des investissements de 788 000 $ depuis novembre 2015. Le membre du conseil de bande et directeur des services des travaux publics et du logement, Quentin Doucette, confirme que la collectivité a de l'eau potable – « pour l'instant ».

« On n'a jamais de problème à ce moment-ci de l'année, explique-t-il. C'est l'automne qui sera un test. »

En octobre dernier, Potlotek a fait les manchettes parce que des résidents ont mis en ligne des photos de l'eau brune dégoûtante qui sortait de leur robinet au moment où AANC annonçait que leur eau était bonne à boire.

Chaque automne, le lac dans lequel la collectivité puise son eau devient brouillé et chargé de manganèse et de fer que la station de filtration ne parvient pas à éliminer. Potlotek prévoit d'installer cette année un bassin de mélange en calcaire dans la station de filtration, ce qui aiderait à filtrer le manganèse et le fer, explique Quentin Doucette.

Mais il reste prudent. « Je veux attendre et voir ce qui se passera. Ça devrait marcher, mais on ne le saura que le moment venu. Pour l'instant, l'eau est OK. »