Une malédiction européenne poursuit Arsenal depuis sept ans, et ce n'est pas près de s'arrêter
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Une malédiction européenne poursuit Arsenal depuis sept ans, et ce n'est pas près de s'arrêter

Arsenal est très bien parti pour se faire éjecter de la Ligue des champions par le Bayern et enchaîner une septième élimination de rang en huitièmes de finale. C'est quoi ce bordel ?

Hegel a un jour dit que tous les grands moments de foot se reproduisaient sept fois. Mais il a oublié de préciser que si la première était une tragédie, les six autres n'étaient rien d'autre que des farces.

Karl Marx, plus ou moins bien cité.

Si Arsenal se fait virer de la Ligue des champions par le Bayern Munich dans ce huitième de finale, ce qui semble plus que bien parti au vu de la fessée qu'ont pris les Gunners à l'aller, ce sera la septième élimination consécutive des hommes d'Arsène Wenger à ce stade de la compétition. On conseillerait à n'importe quelle autre personne, athlète ou autre, enchaînant le même nombre d'échecs répétés sans observer la moindre amélioration de ses performances, de changer de sport, de hobby ou même de vie. Si un hurdler bute sur sept haies consécutives dans la même course, puis réédite cette piètre performance à chacune de ses sorties, sa carrière se terminerait sûrement dans une ambulance, avec en prime un diagnostic sans appel : perte totale de dignité et honte assurée. C'est à peu près les symptômes dont souffre Arsenal actuellement dès que les rouge et blanc mettent un pied au second tour de la scène européenne : humiliés, défaits, ridiculisés, les joueurs en viendraient presque à se sentir compatissants et désolés vis-à-vis d'eux-mêmes lorsqu'ils jettent un coup d'oeil gêné à leur campagne européenne.

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Alors que tous les supporters des Gunners sont logiquement tentés de regarder du côté d'Arsène Wenger en lui faisant les gros yeux, la réalité de ces six dernières années d'échecs et de marasmes est plus complexe et ne peut se résumer ou s'expliquer par la seule intransigeance managériale de l'Alsacien. Il ne peut être tenu pour seul responsable de cette implacable et surprenante série, tant l'équipe d'Arsenal a bien changé depuis la première année de défaites, qui remonte à la double confrontation contre Barcelone en 2010-2011. D'ailleurs, la plupart des observateurs s'accordent pour dire qu'Arsenal s'est peu à peu amélioré depuis. Et pourtant Mesut Özil et Alexis Sanchez n'ont pour l'instant pas fait mieux que leurs prédécesseurs et pionniers de la loose qu'étaient Robin van Persie, Cesc Fabregas, Emmanuel Eboue et Alex Song.

D'autres éléments explicatifs rentrent en ligne de compte pour expliquer cet incroyable enchaînement de désillusions. Il suffit d'abord d'observer le pedigree des tombeurs d'Arsenal ces six dernières années. Les Gunners ont tour à tour et dans l'ordre perdu contre le Barça, le Milan AC, deux fois contre le Bayern, Monaco – leur défaite la plus cuisante – et une dernière fois contre le Barça, pour le kiff. Excepté l'année de Monaco, et encore, toutes ces formations faisaient partie des meilleures en Europe, et étaient toutes au sommet de leur puissance footballistique. Et oui, même le Milan AC, aux abois depuis plusieurs saisons, était alors champions d'Italie en titre, et comptait encore dans ses rangs des joueurs comme Clarence Seedorf, Mark Van Bommel, Zlatan Ibrahomivc et Robinho. Il faut dire que hormis la saison 2011-2012 où ils s'étaient retrouvés dans la poule de Marseille, de l'Olympiakos et de Dortmund, les Londoniens ont toujours eu fort à faire dès les poules, ce qui les a souvent amenés à finir la deuxième place.

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Cette situation induit un désavantage psychologique de base, puisque cela implique qu'Arsenal est une équipe inférieure et donc battable. Quand les joueurs galèrent à sortir en tête de leur poule, ils ont moins tendance à croire en leurs chances de remporter trois grosses doubles confrontations et une finale contre des monstres du foot européen. Et quand Arsenal débarque face à une équipe invaincue en poules, comme ce fut le cas contre Barcelone en 2010-2011 et 2015-2016, leur appréhension mentale de la confrontation s'en retrouve perturbée, voire bancale. Arsenal a toujours annoncé son intention de battre le Barça, mais le contexte et l'approche chaotiques de l'événement ne les ont jamais mis dans les meilleures dispositions pour réaliser l'exploit.

Pour être totalement juste, notons tout de même qu'Arsenal est passé tout près de la qualif en 2011 lors de sa double confrontation contre le futur champion d'Europe. Tout près, à un carton rouge près exactement, celui récolté par Robin van Persie pour avoir dégagé le ballon stupidement après le coup de sifflet de l'arbitre. Sans ce fait de jeu, Arsenal aurait peut-être créé l'exploit, et surtout, Arsenal aurait endigué cette interminable série de défaites qui lui colle aux basques désormais. Aujourd'hui, c'est trop tard, car les lacunes sportives d'Arsenal se sont maintenant transformées en complexe psychologique. Presque en névrose, tant l'approche des huitièmes de finale semble être devenu un moment traumatisant du côté de l'Emirates.

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Difficile d'ignorer ce syndrome de la loose qui semble frapper les esprits à Arsenal. C'est probablement cette maladie insidieuse qui a gangréné les Gunners en 2015 contre Monaco. Sur le papier, l'ASM était de loin l'adversaire le plus prenable qu'a eu à jouer le club londonien depuis des années, d'autant que tous les titulaires étaient disponibles pour jouer : Özil, Sanchez, Giroud et Cazorla. Rassurant en apparence, mais insuffisant dans les faits, puisque Monaco l'avait emporté 3-1 à l'Emirates grâce à un match de patron de Kondogbia notamment (autres temps, autres moeurs). Les Monégasques les avaient tellement démoralisés que même le nonchalant et vieillissant Berbatov y était allé de son petit but. Pépère.

Arsenal s'est imposé au retour 2-0, mais perd sur le fil, règle du but à l'extérieur oblige. Ce résultat est intéressant à observer, puisqu'il souligne l'une des constantes les plus étranges de cette malédiction. Arsenal a pris l'habitude de faire des matches aller dégueulasses avant d'offrir une lueur d'espoir à ses fans en claquant un joli match retour. Et d'échouer d'un rien. Inventaire de ces scénarios frissons, mais implacablement défavorables aux Gunners : contre Milan en 2012, fessée 4-0 à San Siro avant de l'emporter 3-0 au retour. En 2013, défaite 3-1 à l'Emirates contre le Bayern Munich avant de l'emporter 2-0 à l'Allianz Arena avec Jenkison en latéral droit et le douteux Fabianski dans les buts.

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Ce constat devient d'autant plus intéressant qu'il semble concorder avec les problèmes mentaux constants de l'équipe. Dans les trois campagnes européennes évoquées, pourquoi Arsenal se sublime-t-il uniquement lors de matches retours, après avoir quasiment soldé toute chance de qualification à l'aller ? Tout se passe comme si ls joueurs étaient convaincus de leur prochaine élimination avant même que le coup d'envoi ait été donné. Cette certitude acquise après une lourde défaite, l'équipe se trouve déchargée de toute la pression et offre alors une performance séduisante sportivement mais insuffisante d'un point de vue comptable au retour. Tout juste de quoi sauver la face.

La saison dernière, contre Barcelone, Arsenal n'a même pas offert ce fameux match de l'honneur au retour. Battus 3-1 au Nou Camp, ils ont simplement confirmé leur infériorité déjà soulignée par la défaite de l'aller, 2-0 à domicile. Notons que le contexte global du club était désastreux puisqu'Arsenal n'avait gagné que deux de ses six derniers matchs de championnat à domicile. Des éléments qui nous indiquent aussi que les huitièmes de finale de Ligue des Champions coincident la plupart du temps pour Arsenal avec le moment où le club commence à flancher dans sa saison. Quand les Gunners ont explosé à San Siro en 2012, ils restaient sur trois défaites sur leurs six dernières rencontres de championnat. Contre le Bayern en 2013, ils totalisaient deux défaites et deux nuls sur leurs sept derniers matches, et ainsi de suite pour chaque double confrontation.

Mais revenons à cette théorie de l'échec managérial. Il est vrai qu'il est impossible d'écrire sur le sujet sans revenir sur le rôle qu'a indiscutablement joué Wenger dans cette spirale de la défaite. Mais en toute objectivité, le manager français n'est pas à blâmer, du moins pour cette année. Arsenal a fini invaincu dans une poule où figurait le PSG, club qu'il a même devancé sur le fil pour gratter la première place du groupe. Le fait qu'ils aient tiré le Bayern s'apparente à une malchance bête et méchante, même si, au regard des performances des Bavarois cette saison, on était en droit d'espérer quelque chose de la part des Londoniens. Mais ça, c'était avant le match aller.

Au-delà des tristes performances d'Arsenal, c'est tout le foot anglais qui est à la peine. Depuis la période faste, entre 2005 et 2012, où la Premier League a envoyé huit fois ses clubs en finale, le football britannique est en perte de vitesse. Ceci dit, sortir six fois de la Ligue des champions au même stade reste un exploit particulier, bien propre à Arsenal. Et même contre des clubs comme Séville, Naples ou l'Atletico, peu de gens parieraient sur les Gunners.

Et si finalement, la racine du mal se trouvait bien plus en amont ? En 2006 précisément, lors de cette fameuse finale, qui semble dater d'un siècle, où Barcelone l'avait emporté. Un autre temps, tant il semble inimaginable aujourd'hui pour le club londonien de passer des obstacles avec le pedigree du Real ou de la Juve. Pour certains, ce scénario aurait tout d'une farce. Mais aujourd'hui, pour les supporters des Gunners, la situation actuelle a tout d'une tragédie.