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Coupe du monde à 48 : l'évolution naturelle de la compétition ?

On est allé demander à Paul Dietschy, historien du football, comment s'inscrivait cette réforme du Mondial dans l'histoire de la compétition de la FIFA.
Reuters

Mardi, la FIFA a adopté à l'unanimité un nouveau format pour la Coupe du monde : 48 équipes réparties en 16 groupes de trois à partir de 2026. Une réforme qui fait tiquer certains acteurs du football : on a là un développement du "produit-phare" de la FIFA décidé pour des raisons principalement économiques – une note interne indique que ce nouveau format permettra une hausse des revenus de 605 millions d'euros par rapport à 2018 – au détriment de la qualité du jeu.

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Si on peut regretter cette décision, on peut aussi se demander si, finalement, elle n'entre pas dans une logique débutée en 1930 : une compétition toujours plus mondialisée, une tête de gondole permettant d'implanter le ballon rond dans de nouveaux pays. On est allé demander un rappel des faits à Paul Dietschy, historien du football et maître de conférences à l'Université de Franche-Comté.

VICE Sports : Quelles ont été les phases d'expansion de la phase finale de la Coupe du monde depuis sa création ?
Paul Dietschy : Il y a une très longue période durant laquelle la phase finale se déroule à 16, ou environ 16, parce que ce n'est pas forcément le cas à chaque compétition (en 1930 par exemple, seules treize équipes répondent à l'invitation de la FIFA, ndlr). De 1930 à 1978 inclus, on reste sur ce modèle avec une définition plutôt restrictive. Pendant longtemps, on cherche même à faire venir les équipes. Jusqu'en 1954, la FIFA s'inquiète ainsi d'avoir les meilleures équipes et on essaie d'éviter les défections.

Ensuite, le nombre de prétendants augmente avec une tension très forte dans les années 1960 : les pays africains, notamment, réclament plus de places. Cela favorise l'élection de João Havelange à la tête de la FIFA et à partir de 1982, on passe à une formule à 24. Et finalement, en 1998, on arrive à une formule à 32. Cela semble, à ce moment-là, le sommet, à la fois en termes de représentativité des meilleures équipes, de seuil d'organisation à ne pas dépasser, de coûts, etc… Aujourd'hui avec cette réforme, nous sommes dans une quatrième étape, celle où environ 25% des fédérations affiliées à la FIFA peuvent espérer participer à la phase finale de la Coupe du monde, ce qui est considérable.

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Est-ce que cette nouvelle formule appartient à la logique d'expansion de la Coupe du monde commencée en 1982 ?
La logique, je pense qu'il faut la chercher dans l'évolution qu'a connue l'Euro. Cet Euro à 24, depuis l'Euro français, permet à près de la moitié des équipes nationales des fédérations européennes de participer au tournoi. D'une certaine manière, c'est logique que le nouveau président de la FIFA, qui a été le secrétaire général de l'UEFA à l'origine de cette réforme, Gianni Infantino, veuille la transposer. Ici, c'est aussi une forme de remerciement aux fédérations qui l'ont soutenu, notamment des fédérations qui n'étaient pas forcément acquises à sa candidature au départ. Il représentait l'Europe et donc la puissance dominante de la mondialisation du foot : en quelque sorte, ce sont là des garanties qui sont données à ces petites fédérations. Elles pourront déjà participer cette fois-ci, et c'est un gage pour l'avenir.

Le président de la FIFA Gianni Infantino lors de la conférence de presse suivant l'adoption de la réforme de la Coupe du monde. Photo : Reuters.

Il y a également une autre logique à mon avis : cela va permettre de faire participer des grands pays qui n'étaient pas forcément qualifiés à chaque fois, comme la Chine ou l'Inde. Cela donnera à la compétition une dimension véritablement mondiale. Et c'est sans compter, évidemment, sur les droits TV qui risquent d'exploser.

Oui, sous couvert d'universalité, il y a aussi ce côté économique qui est forcément intéressant pour la FIFA avec la conquête de ces nouveaux marchés…
Clairement, car la Coupe du monde peut avoir deux logiques. Soit une compétition qui réunit vraiment l'élite du football. Dans ce sens, Ydnekatchew Tessema, le président de la Confédération africaine de football dans les années 1970, proposait de mélanger tous les continents dans les groupes de qualifications, au lieu de procéder par confédération. Cela permettait ainsi de ne garder que les meilleurs, et l'Afrique aurait accepté de n'avoir aucun représentant en phase finale si les équipes africaines n'avaient pas réussi à se qualifier. Mais d'un autre côté, ce format aurait permis à des petites équipes de se frotter à de grosses nations, et donc de s'améliorer. Cela aurait permis de garder une dimension relativement élitiste et d'avoir une compétition lisible. L'autre logique est universaliste : permettre par exemple à neuf équipes du continent africain de participer, ce qui offrira une représentativité plus grande.

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Est-ce que ce n'est pas finalement la vocation de la Coupe du monde d'inclure le plus possible les différents continents ?
Une compétition, ça a plusieurs stades. Si on prend la Ligue des champions, alors à ce moment-là, il faudrait inclure toutes les équipes championnes de première division des fédérations de l'UEFA dans la phase de groupes en septembre. Ça n'a pas trop de sens, parce que la compétition doit être étagée en fonction du nombre de participants. C'est comme la Coupe de France : les clubs de Ligue 1 n'entrent qu'en 32e de finale.

La dernière (et seule) participation de la Chine au Mondial remonte à 2002. Ici, des supporters du Guangzhou Evergrande en 2015. Photo : Reuters.

Je ne suis pas sûr que cet élargissement permettra d'améliorer le niveau des petites fédérations. Deux conséquences à mon avis sont imaginables. D'une part le retour des gros scores, du type Yougoslavie-Zaïre en 1974 (9-0) ou Hongrie-Salvador (10-1) en 1982. Ou alors, l'arrivée de schémas tactiques ultra défensifs, car la qualification se jouera sur deux matches. A mon avis, ça sera préjudiciable pour le spectacle.

Du coup, comment est-ce que cette nouvelle formule s'inscrit historiquement dans l'évolution de la FIFA et de la Coupe du monde ?
On ne peut pas dire que ce soit l'évolution finale. Est-ce qu'on peut aller au-delà ? Est-ce que ça ne va pas réduire l'intérêt de la compétition ? A mon avis, ce sera un test délicat. Le danger, c'est que d'autres compétitions apparaissent plus importantes que la Coupe du monde, comme des compétitions de clubs au niveau mondial…

Est-ce que la FIFA pourrait alors faire marche arrière ? Est-ce qu'elle l'a déjà fait par le passé ?
Elle s'est déjà rétractée par le passé, mais sur des choses comme la formule de la Coupe du monde, en revenant à l'élimination directe au lieu de deux phases de poules (en 1986, après des Coupes du monde avec deux phases de poule entre 1974 et 1982, ndlr). Mais, oui, on peut imaginer un retour à un format plus élitiste si l'intérêt commercial de la compétition diminue.