Mairies contre skateurs : la hache de guerre est enterrée ?

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Mairies contre skateurs : la hache de guerre est enterrée ?

La ville constitue un magnifique terrain de jeu pour les riders, ce qui déplaît aux municipalités. Mais les choses changent et les skateurs ne sont plus des parias.

Cet article a été financé par SOSH dans le cadre du concours SOSH HIGHLIGHT. Pour plus d'informations veuillez cliquer ici.

Il existe entre les skateurs et les municipalités une relation aussi longue et complexe que le skateboard lui-même. Dans son acception moderne, le skate est né dans les piscines vides de la Californie des années 1970, et dans les quartiers défavorisés de Dog Town. Bref : le chat et la souris, les rapports houleux avec l'autorité coulent dans les veines de la pratique. À tel point que, des Seigneurs de Dogtown à Tony Hawk, le cliché de la confrontation avec la police est devenu une étape quasi-incontournable de l'iconographie skate.

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Du côté des mairies, on a longtemps eu l'impression que les équipes municipales préféraient "cadrer" les skateurs que de tenter de comprendre leurs besoins. À l'image de ces "places de skate" qui ont fleuri dans de nombreuses villes de France : une dalle en béton, quelques modules en ferraille et autant de fréquentation qu'une zone industrielle par un dimanche de novembre. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Après toutes ces années à s'observer en chiens de faïence, les skateurs et les autorités ont-ils enfin réussi à communiquer ?

Dans certains endroits, il semblerait que si. En témoigne le lieu skatable de la rue Léon-Cladel, à Paris, où la ville a tout simplement transformé une rue passante en line de skate. Plus emblématique encore : la nouvelle place de la République. Je ne sais pas dans quelle mesure les skateurs ont été associés à la création de la place – il y a d'ailleurs fort à parier qu'ils n'ont pas eu leur mot à dire. Mais ils y ont rapidement trouvé un lieu qui correspondait à leur pratique, et la municipalité ne semble pas décidée à les en déloger. Alors qu'il y a une quinzaine d'années, Raphaël Zarca pouvait écrire dans La conjonction interdite : « Plus que les skateurs, ce sont les municipalités qui modifient certains espaces pour les rendre "inskatables" », les deux parties font donc aujourd'hui cause commune dans certains cas. Car après tout, c'est encore dans la rue que le skate est le plus à son aise – ce que rappellent les vidéos des skateurs du concours Sosh Highlight, qui ont eu trois jours pour réaliser un clip dans les rues de Paris.

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La vidéo des gagnants du Prix VICE Sports, mais aussi du Prix Sosh Highlights 2017.

Ceci dit, il semble bien y avoir une petite révolution du côté des skateparks. Ces zones, réservées à la pratique, n'ont pas toujours eu la cote et pour cause : leur objectif non-dissimulé était de parquer des indésirables, de les cantonner à un espace réduit pour les empêcher de pratiquer en ville, où ils perturbaient les honnêtes citoyens. Comme évoqué plus haut, il s'agissait souvent de zones mal réfléchies, construites à la va-vite, sans réflexion et sans associer les services des skateurs locaux – des sommets de planification urbaine dont l'absurdité a été magnifiée par le photographe Eric Tabuchi en 2010.

Il y a deux ans, Issy-les-Moulineaux faisait sortir de terre 1 500 mètres carrés d'un espace skatable digne de ce nom – le skatepark du Parc Rodin. Petite touche de la municipalité : l'endroit est connecté. D'après Le Parisien, « Il suffit de poser son smartphone sur l'une des six bornes alignées sur un cyber-banc pour accéder aux informations locales, au réseau communautaire des skateurs, aux numéros d'urgence… » Bref, concrètement, ça ne sert pas à grand-chose. Mais ça démontre au moins la volonté de l'équipe municipale de s'impliquer dans le skatepark. D'en faire un espace vivant et lié au reste de la ville, plutôt qu'un bout de terre isolé. Même topo du côté de Bondy, dont le spot de skate a été immortalisé par Sam Partaix en couv' de Kingpin en 2013. Le full-pipe, qui sert aussi de passage pour les piétons, débouche sur une place skatable qui fait envie, et dont certains modules sont adaptés à la pratique du parkour – cultures urbaines oblige.

La ville, un magnifique terrain de jeu pour les skateurs. Photo Flickr.

Avec le succès d'événements comme la street-league ou le FISE, et l'arrivée du skate aux JO en 2020, difficile de ne pas considérer que le skate – ou une frange de celui-ci – s'institutionnalise. On peut peser les bons et les mauvais côtés, mais cette mise en lumière permet au moins de faire prendre conscience des réalités de la pratique aux mairies, ce qui est une bonne chose. Aujourd'hui, celles qui veulent séduire les jeunes ou leurs parents en envisageant de dédier une zone au skate sont tenues de le faire correctement. On n'est donc pas à l'abri de voir de plus en plus de lieux de qualité émerger dans toutes les villes de France ! Mais il ne faut pas perdre de vue que, du park couvert de Briançon au complexe bordelais de Darwin, c'est surtout grâce à l'énergie de la scène locale et la persévérance de passionnés que ces espaces voient le jour. Alors, apaisées les relations entre skateurs et mairies ? Avec 2 millions de skateurs et 36 000 communes, difficile de trancher le débat une bonne fois pour toute. Mais l'époque où le skateur était un paria bruyant, un indésirable défigurant le mobilier urbain, semble avoir cédé le pas à celle où il s'est imposé comme un incontournable des centre-villes de France.