Cela fait maintenant plusieurs heures que vous tournez en rond dans votre T1 vue sur cour, multipliant les allers retours entre votre clic-clac et votre misérable kitchenette survolée par un nuage de moucherons. Vous errez en butant sur les quelques meubles qui occupent l’espace et vous êtes en nage. La raison ? Julia, qui occupe vos pensées depuis le soir où ses lèvres humidifiées au Get 27 ont frôlé les vôtres, ne répond plus. Pourtant, tout avait bien commencé. Après une soirée sympa dans un bar où les barmans sont également Dj et directeurs de casting, vous aviez échangé vos numéros. Avait alors débuté une relation épistolaire plate, faite de « ahah carrément » et de « Du boulot, mais ça va ». Selon vos statistiques personnelles basées sur les 17 messages échangés dans la semaine, elle répond habituellement dans une fenêtre de une à quatre heures. Ce délai est déjà explosé, et toujours rien.
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À présent, chaque minute qui s’écoule sans nouvelle correspond à un centimètre supplémentaire d’un tournevis cruciforme qui vous pénètre l’urètre. La moindre notification reçue sur votre téléphone fait renaître un maigre espoir, aussitôt démoli lorsque s’affiche « Thierry » sur l’écran – votre oncle. Vous découvrez alors l’adversité de l’existence humaine : l’attente. Avant de devenir ce pitoyable être humain, vous vous sentiez déjà pris dans un engrenage. Chaque message de votre part nécessitait des heures de réflexion afin de vous faire passer pour une personne à la fois drôle et détachée – je veux dire, une façon comme une autre de ne pas avoir l’air d’une grosse merde – mais finissait inexorablement en simple « Ça marche ! »Sénèque écrivait dans La Brièveté de la vie que « Le plus grand obstacle à la vie est l'attente, qui espère demain et néglige aujourd'hui. » Durant votre chemin de croix vous menant tout droit à demain, vous allez passer par toutes les étapes du deuil : le déni d'abord ; puis la colère, le marchandage avec vous-même, et enfin une petite phase dépressive avant la résignation. Chacune correspondant à une connerie que vous allez certainement faire. Ayant déjà victorieusement traversé cet océan de malheur au cours de mon existence, voici quelques conseils.C’est lorsqu’une personne est désespérée qu’elle fait les choses les plus stupides. Voyant le malheur arriver, vous souhaitez vous y précipiter en forçant sa réponse. Pour cela, vous cherchez – et inventez – une raison de lui écrire, et bien sûr elles sont toutes plus débiles les unes que les autres. Misérable et naïf, vous imaginez que si elle ne répond pas, c’est qu’il y a forcément un problème technique. Elle n’a peut-être pas reçu votre message et vous souhaitez envoyer un « Hey, je ne capte pas trop alors je ne sais pas si tu as reçu mon message (smiley sourire) ». Réveillez-vous. Nous sommes en 2019. Les messages arrivent toujours à destination, même si vous êtes au fin fond de la Toundra. Oubliez donc cette possibilité, car elle vous fera passer au mieux pour un gros con, au pire pour un détraqué sexuel en plein sevrage.Comme vous ne comprenez rien, vous échafaudez maintenant quelque chose de « plus légitime » à lui demander, comme « Au fait, je ne suis pas à Paris semaine pro. Enfin tu me diras (smiley sourire) ». Si vous pressez le bouton « envoyer » après avoir écrit ça, vous faire traîner derrière un semi-remorque après être allé chez le dentiste sera un plaisir à côté de la gêne que vous subirez pour l’éternité. Ne craquez pas maintenant et rappelez-vous d’Horace qui écrivait « La patience adoucit tout mal sans remède. » Contentez-vous de souffrir en silence.
LE DÉNI – RENVOYER MESSAGE
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LA COLÈRE – PARLER À VOS POTES
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LE MARCHANDAGE – PARLER À SES POTES
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