Thomas Voeckler, plus belle la vie

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Thomas Voeckler, plus belle la vie

En 16 ans de carrière pro, Thomas Voeckler a éclairé quelques-uns de nos mois de juillet à coups de langue tirée, d’échappées folles et de bravoure.

Le 23 juillet prochain, le Tour franchira la ligne d'arrivée des Champs-Elysées et Thomas Voeckler sortira définitivement du champ des caméras de Jean-Maurice Ooghe, l'omnipotent réalisateur du Tour, pour en retrouver d'autres, dans les studios de tournage de Plus Belle La Vie. Car oui, le coureur au sourire le plus débonnaire du peloton français va jouer son propre rôle dans la série marseillaise, où il entraînera Léo Castelli à courir un contre-la-montre. La nouvelle a été relayée, un petit sourire en coin, par tous les médias, attendris et amusés de voir le cycliste français le plus populaire de ses quinze dernières années se reconvertir en acteur. Pourtant, il n'y a rien de surprenant à voir Voeckler embrasser cette carrière, encore moins de choisir cette série, qui, à l'image du coureur, plaît au plus grand nombre autant qu'elle en agace certains. Preuve en est, en 2009, alors qu'un sondage TNS Sofres désignait la série marseillaise "programme préféré des Français", Voeckler remportait sa première étape sur le Tour de France et concourait à sa manière à rendre la vie des passionnés de cyclisme un peu plus belle l'espace d'un après-midi de juillet.

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Depuis, le coureur et le chef d'oeuvre de France 3 ont connu un destin similaire : un succès solide et constant, malgré quelques critiques. En 2011, pendant que Léo Castelli et les autres personnages de la série marseillaise continuaient à maintenir un haut niveau d'audience, Voeckler, lui, a fait exploser celui du Tour de France, au prix d'un exploit dont ill a le secret. Maillot jaune sur le dos, il résiste à Contador, Evans et Schleck jusqu'à la 18eme étape, où il sauve sa place de leader au sommet du Galibier pour 15 secondes. Sur la ligne d'arrivée, il serre le poing, épuisé, offrant un spectacle touchant au public et à Thierry Adam, étranglé d'émotion. C'est d'ailleurs sur la même image qu'il était entré dans le coeur des Français à la manière d'Abdoujaparov sur les Champs. En trombe et avec panache. C'était en 2004, sur les pentes du Plateau de Beille. Visage poupin, il avait résisté à la fusée Armstrong pour sauver son maillot jaune, tombé sur ses épaules quelques jours plus tôt à la faveur d'une échappée fleuve.

En deux éditions, 2004 et 2011, Voeckler est paré de jaune 20 jours durant et réconcilie la France avec un sport dont elle ne voulait plus entendre parler depuis les larmes lâchées par Virenque au café "Chez Gillou", à Corrèze. Lors de son épopée de 2011, sa popularité atteint des sommets, à tel point que Julien Goupil, chargé des relations presse pour ASO, l'organisateur du Tour, affirmait au Monde que la compétition bénéficiait à l'époque d'un « effet Voeckler » très sain pour un événement pourri par les performances de Kohl, Llandis, Rasmussen ou Ricco pour ne citer qu'eux. Moins aérien que Virenque, moins impressionnant que Jalabert, Voeckler enfile donc le costume de héros "normal", capable de triompher dans un monde de mutants. On a toujours été friands de ce type de coureurs : ni grimpeur, ni sprinteur, mais plutôt baroudeur, le genre de combattants qui tente un coup sur une étape, qui ne lâche rien et se bat tant qu'il y a de la force et de l'espoir. Il nous fait penser à ses prédécesseurs Thierry Bourguignon et Jacky Durand, pour qui nous avions également énormément de sympathie. Mais la popularité de Voeckler s'explique aussi par son parcours difficile et atypique, celui d'un gamin alsacien élevé en Martinique, endeuillé par la mort accidentelle de son père lors d'une sortie en mer, qui prouve la profondeur du personnage. Car "Ti-Blanc", un surnom hérité de sa jeunesse aux Antilles, n'est pas seulement ce gendre idéal que les médias et le grand public s'arrachent.

Thomas Voeckler lors de sa victoire au Grand Prix cycliste de Québec. Photo Reuters.

Voeckler, c'est ce mélange d'authenticité et de sens du spectacle, un fort caractère qui transparaît devant les caméras de France Télé lorsqu'il hurle après ses coéquipiers ou insulte les supporters hollandais, qui lui a parfois valu d'être critiqué. Humble et sincère en interview, il s'est souvent montré beaucoup plus roublard une fois en selle, à traîner en queue de peloton, avec la gueule des mauvais jours, avant de se découvrir des jambes de feu. Comme la série Plus Belle La Vie, il a peu à peu découvert qu'il plaisait au plus grand nombre. Et qu'il lui fallait payer le prix de cette popularité, à savoir accepter qu'il énervait certains, notamment au sein du peloton. Dans une interview accordée à L'Equipe en 2012, il dressait ce constat avec lucidité et sans se cacher : « Depuis quelques années, je suis le coureur français le plus populaire, un peu le chouchou et, en même temps, sur dix coureurs dans le peloton, neuf me m'apprécient pas. J'ai compris ça très tôt, dès 2005. L'année précédente, j'avais porté le maillot jaune pendant dix jours sur le Tour de France, mais eux estimaient que sportivement je ne méritais pas tout cet intérêt. Je l'usurpais. Il y a un peu de jalousie dans tout ça. »

De la jalousie, de nombreux coureurs français sont en droit d'en éprouver envers un coureur au palmarès beaucoup plus fourni qu'il n'y paraît. Outre ses exploits de juillet – un quatrième place au général en 2011, un maillot de meilleur grimpeur en 2012 et quatre victoires d'étapes – Voeckler a également brillé sur des courses moins exposées mais plus adaptées à son profil de puncheur et de fin tacticien. Vainqueur de la Classique de Plouay et du grand Prix du Québec, il a remporté trois fois le Vélo d'or français. Mais au-delà des podiums et des récompenses, il a surtout remporté l'affection du public. Même si, à 38 ans, il n'a plus sa fameuse giclette, on espère qu'il tirera son épingle du jeu à la faveur d'une échappée. Et si ce n'est pas le cas, tant pis, on prendra grand plaisir à le voir tirer la langue dans le gruppetto.