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Comment survivre lorsqu’on est placé en garde à vue

Un guide pratique à destination de tous les délinquants de France et de Navarre.
Photo via Flickr

En France tous les ans, près de 380 000 personnes sont placées en garde à vue pour une durée de 24 heures. Cependant, selon la gravité des faits pour lesquels la personne est placée en GAV, elle peut voir sa période de détention prolongée par tranches de 24 heures. Sur autorisation des magistrats compétents, elle peut même atteindre 144 heures, soit six jours, dans les cas extrêmes de « menace terroriste imminente ».

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Si le placement en garde à vue permet parfois de prouver son innocence, l'audition est la plupart du temps du temps menée à charge, et de fait, votre bonne foi est remise en cause à chaque question de l'officier de police judiciaire (OPJ). Cela peut rapidement se révéler très énervant d'avoir en face de soi un homme qui vous traite de menteur, qui vous insulte, et prouve par un processus parfois douteux que vous ressemblez à tel homme cagoulé et vêtu d'un grand blouson noir qui a jeté un caillou sur des CRS.

Ajouter à cela le fait que vous venez de passer une nuit horrible sur un sommier en béton, réveillé toutes les demi-heures par les cris d'un homme ivre réclamant de l'alcool. Il y a de quoi péter les plombs.

Pour vous aidez à vous défendre vos droits en garde à vue, je n'ai pas rencontré l'inénarrable Me Dupond-Moretti mais Ahmed*. Il n'est pas titulaire d'un Master en droit pénal, mais il maîtrise la partie pratique à merveille. Rompu à l'exercice, il m'a confié ses secrets, lesquels lui permettent de limiter la casse, voire à l'occasion, de s'en sortir libre comme l'air. Car il m'a dit, avant de commencer, « il n'y a rien de mieux que la liberté, pas même l'argent – bon après, pour un gros paquet on en rediscute. »

LA PREMIÈRE FOIS

« La première fois que je suis allé en garde à vue, je devais avoir à peine 18 ans. C'était pour une petite affaire, ils étaient venus me chercher, chez moi, parce que je ne voulais pas me rendre à leurs convocations pour des "affaires vous concernant". À cette époque, je n'avais pas encore les bons réflexes pour bien préparer une garde à vue. Depuis j'ai dû en faire sept ou huit, que ce soit après une perquisition ou suite à un flagrant délit. »

LES PREMIERS RÉFLEXES DE SURVIE

« Pour commencer : tu fermes ta bouche. C'est primordial. À partir du moment où ils t'interpellent, tout ce que tu dis compte. Et à six heures du matin quand ils viennent te soulever, tu dis rarement des choses intelligentes. Tu auras largement le temps de t'expliquer dans leurs locaux. Et de toute façon tu ne pourras pas éviter le placement en garde à vue – même en prouvant ton innocence. De fait, il faut se concentrer sur un truc primordial : comment améliorer ton confort pour vivre le plus agréablement possible ton séjour en cellule.

C'est pourquoi il faut t'habiller chaudement. Car il n'y a pas le chauffage dans la cellule. Et souvent, les geôles du commissariat sont blindées, et il arrive qu'ils ne restent que des couvertures sales. Mais quand je dis sale, tu ne peux pas t'imaginer à quel point. Elles sont imprégnées d'un parfum à t'en retourner l'estomac, un mélange de pisse et de vomi. Comme la cellule en elle-même, d'ailleurs. Les cellules de GAV françaises sont les endroits les plus crades où dorment des êtres humains.

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Donc prends plusieurs couches de vêtements, des fringues dont tu es prêt à te séparer. Car tu ne pourras pas la conserver après être passé par là-bas. De préférence sans cordon, lacets, ni ceinture – ils te les retirent de toute façon, pour éviter les tentatives de suicides. De fait, tu ne seras pas à l'aise pour te déplacer entre la geôle et le bureau où aura lieu l'interrogatoire, soit. Ton ego aussi en prendra un coup, car il est rabaissant d'être habillé comme un schlag face à un OPJ. Mais c'est obligatoire. »

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LA FOUILLE AU CORPS

« Quand t'arrives enfin au commissariat, tu as d'abord le droit à une fouille au corps – parfois devant plusieurs personnes. Au cours de celle-ci, tu enlèves tous tes habits à l'exception du caleçon. Il peut arriver que certains flics, pour t'humilier un peu plus, mettent la main dedans. Ce n'est qu'une humiliation parmi tant d'autres. »

LES HUMILIATIONS

« Elles sont multiples, diverses et variées. On te refuse l'accès aux toilettes. On te fait patienter pour reconcentrer un médecin ou un avocat. En fait, il faut se mettre ça dans la tête : tout se fait selon le bon vouloir des geôliers. Et il suffit qu'ils soient de mauvaise humeur – ce qui est très souvent le cas, car ils se font insulter à longueur de journée – pour qu'ils décident de te priver de petit-déjeuner, par exemple. Et Dieu sait que la petite briquette de jus d'orange qu'on te donne le matin est importante pour le moral. »

L'AUDITION

« Le flic va commencer par des banalités : âge, emploi, niveau d'études, situation familiale. Puis petit à petit, il rentre dans le vif du sujet. C'est là où la partie de poker commence. Il faut essayer de savoir de quoi est constitué ton dossier, ce qu'ils ont contre toi. Et tu t'adaptes en fonction. Il faut répondre à chacune de leur question avec un maximum de calme et poliment. Lorsque l'agent voit que tu gardes le contrôle, il est contraint à faire des erreurs.

Il se met alors à bluffer. L'agent se met à inventer des témoins qui sont censés t'avoir vu. Dans ces cas-là, je n'hésite jamais à réclamer une confrontation – ça met les points sur les i. Comme ça, soit ils ramènent le témoin et effectuent la confrontation, soit ils arrêtent d'essayer de te soutirer des aveux avec des témoins imaginaires.

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Parfois, il arrive qu'ils ne possèdent même pas la moindre preuve matérielle. Juste un faisceau d'indices plus ou moins fiables.

Dans tous les cas, il faut éviter d'être bavard. S'ils t'ont convoqué, c'est de fait, pour alimenter le dossier. Du coup moins tu en dis, mieux c'est pour toi. Si tu commences à donner trop de détails, tu peux les mettre sur une piste à laquelle ils n'avaient même pas encore pensé. Ou pire : attirer des ennuis à une autre personne.

Car parfois, il se peut qu'ils connaissent l'identité réelle du coupable, mais qu'ils n'aient pas encore accumulé assez de preuves pour le traîner devant un tribunal. Ils se mettent alors à ratisser dans l'entourage, en te faisant croire que tu es impliqué dans l'affaire. Dans ces cas-là, par le biais de questions anodines, ils se renseignent en fait sur ton ami. »

LA QUESTION DE L'AVOCAT COMMIS D'OFFICE

« De mon côté, je ne prends plus d'avocat commis d'office. Et je n'ai pas les moyens de me payer les services d'une pointure. Je me débrouille seul. Quand j'en appelais, je tombais à chaque fois sur des commis d'office très peu motivés – sûrement parce qu'ils touchent une misère. Si tu veux le voir s'activer, il faut lui promettre qu'il se chargera de la suite du dossier sans passer par l'aide juridictionnelle.

Une fois, l'un d'entre eux m'a même dit devant les officiers de police : « Avouez Monsieur, il est évident que c'est vous. » Moi, j'étais en train de nier en bloc. Ce mec est quand même censé représenter mes intérêts. À la limite le seul truc que les commis d'office te rapportent, c'est qu'ils peuvent t'éviter des brimades physiques ou morales. Mais c'est tout. »

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LA QUESTION DU GENTIL FLIC ET DU MÉCHANT FLIC

«Cette vieille méthode existe toujours. Mais il arrive désormais que parfois, un seul policier joue les deux rôles, ce qui est assez déconcertant. T'as l'impression d'avoir en face de toi un homme atteint d'un dédoublement de personnalité. Il peut faire semblant d'être compréhensif pendant quinze minutes, puis d'un coup se mettre à te hurler dessus. Au contraire de ce que l'on pourrait penser, il est plus facile de résister lorsqu'il est en phase agressive, et l'est beaucoup moins quand il commence à compatir. Ils ont des phrases qui peuvent t'atteindre émotionnellement. Les flics sont vicieux. »

LES PHRASES TYPES POUR TE FAIRE CÉDER

« Parmi les phrases favorites des agents, il y a celle-ci : "Je comprends, à ta place j'aurais agi de la même manière." Puis ils peuvent enchaîner avec : « Je vais parler avec le substitut du procureur pour que tu aies juste une ordonnance pénale – ou un rappel à la loi. » Là, ça marche presque à tous les coups. Tu as envie de faire des aveux, et ce, même si tu es innocent. Un rappel à la loi, c'est trois fois rien. Et surtout, tu es libre. Dans ces moments-là, t'as l'impression que le mec en face te fait une fleur, qu'il est de ton côté. Tu en arrives presque à oublier qu'il est là pour instruire à charge.

C'est pendant ces moments que tu dois redoubler de vigilance : il ne faut rien dire, ne pas flancher. Il faut savoir qu'en plus, ce sont des promesses qu'ils ne tiendront pas forcément. Elles servent à une chose : te faire cracher. Et en fonction de ce que tu confesses, tu peux te retrouver très vite devant un tribunal correctionnel. »

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OCCUPER SON TEMPS EN CELLULE

« Une fois en cellule, j'essaie de préparer au maximum mon audition. Je dois établir une version cohérente, en pensant à tous les éléments qu'ils pourraient déjà avoir contre moi. Une fois que je trouve que j'ai une histoire à peu près convaincante, j'arrête de penser aux motifs de mon placement en garde à vue et les conséquences que cela pourrait avoir sur ma vie future. Car il faut le savoir : c'est en réfléchissant trop que tu craques. Je tente alors de m'occuper du mieux que je peux.

Ce que tu peux faire en cellule individuelle est pour le moins sommaire. Moi je dors et je fais des pompes pour me défouler. Il faut être fort psychologiquement pour tenir ; tu sais que tu vas passer entre 24 et 96 heures sans nouvelles de tes proches, sans Internet, sans lecture, sans connaître l'heure, dans une pièce sombre de 5 mètres carrés qui pue l'urine. D'ailleurs, je demeure convaincu que c'est le principal atout de la police. Ils te laissent mijoter et une fois arrivé en audition tu déballes tout pour sortir le plus vite possible.

Mais c'est une grave erreur. Car en avouant – même en minimisant –, tu t'exposes forcément à des poursuites judiciaires qui pourront, elles, t'emmener en prison. Et si tu supportes mal la GAV, sache que tu auras encore plus de mal avec la prison. »

*Le nom a été changé